Haiyan

Soda Pop

(ELA : TOME II - Chapitre 3)

Je pâlis tôt sous mon hâle Pomerol... Je semble triste et déchu. Devant mes amis, quelle honte !

- Le premier set est pour lui ! Annonce notre abbé qui se croit à Rolland-Garros. Nous allons passer maintenant au pet le plus sonore. Là je requiers l'attention générale car c'est l'assemblée de nos frères qui donnera la décision par l'intensément de ses applaudissages ! Alors silence, je vous prie, l'Escrimeur on t'écoute...

Je lâche mes genoux afin de pétrir mon ventre. Je ferme les yeux pour d'avantage de concentration et force la fermeture des paupières en les plissant pour tout donner.

- On y va ! lâchè-je-t-il

Je poussais alors un cri de kamikaze fonçant à bord de sa torpille sur un destroyer américain !

A ce hurlement succède un vacarme assourdissant, pareil à celui qu'accompagnerait l'écroulement d'une demeure coloniale de trois étages. Bref silence, puis salve d'applaudissements...

Que J'interromps soudain d'un grand geste majestueux, lent et circulaire de gladiateur Thrace :

- Je réclame un temps mort pour aller me torcher l'oignon, dis-je. Qu'est-ce vous voulez : on a rien sans rien !

Je quittai l'attroupement en marchant contracté, les cuissots serrés...

Quand ce fut au tour de mon adversaire de se produire en spectacle, le résultat fut si décevant que pas un fréro n'applaudit. Lui, c'est un mélodieux du trou de balle, pas un besogneux comme ma pomme, hein !

- Une manche à une, annonce l'abbé Urbain (un maître en la matière, lui aussi ! vu la panse qu'il se trimbale et qui le devance d'un pas : c'est simple, il lui faut un rétroviseur et une pince à cornichon pour pisser !) Et maintenant mesdames et messieurs - devant l'instant solennel, il dérape le vieux fou : nous sommes juste entre frères dans l'Abbaye ! - afin de départager les concurrents, l'épreuve reine : celle de la Bougie ! Comme vous le savez mes frères rien de plus inflammable qu'un pet. Aussi, allons-nous faire un trait sur le sol. Chacun des candidats devra avoir les talons des sandales au ras de cette marque. Nous plaçons une bougie allumée sur une chaise ; d'abord à 20 cm de l'anus du concurrent. Son pet devra prendre feu. Nous reculerons ensuite la chaise, et c'est celui qui enflammera son pet le plus loin de la bougie qui sera proclamé vainqueur...

Un mètre pliant, une craie et une bougie furent apportés.

- J'ai oublié de préciser que chaque concurrent a droit à deux essais, annonce l'abbé. Cette fois on va tirer à pile ou face qui va commencer. Face, c'est Emile, et pile son concurrent frère Gazpart.

Il jette une pièce.

- Pile ! A toi, frère concurrent !

Celui que le sort vient de désigner se met en position et y va d'un pet sobre qui devient une aimable flammèche bleutée.

- Je recule la bougie de 20cm ! commente l'arbitre.

Flegmatique, le gazier Gazpart se livre à un rapide massage abdominal et en remet une louche. Rien ne se produisant, il tique et rectifie sa position la tête inclinée entre ses jambes, le menton au niveau de ses testicules pendantes, pour bien cadrer la bougie. Et Poum ! Nouvelle détonation un tantinet plus puissante que la précédente. Hip, hip, hip, hourra ! Le pet produit un éclair qui met une lumière de soudure à l'arc sur la face attentive de notre abbé. Applaudissement nourris.

L'arbitre, pris par l'importance de sa fonction, déclare majestueusement à la ronde que si les prouesses rectales du jeunot devaient en rester là et qu'Emile allume son louf au premier essai à 40cm, c'est l'Escrimeur qui serait le gagnant.

- Je lui lèche le doigt d'en tirer un autre l'abbé ! dis-je-t-il, confiant en mon Ford intérieur (normal, quand je vois le corps de sportif du gazier en question, sec comme un coup de trique, je me dis qu'il n'a pas de réserve en magasin !)

Le Gaztéropode sans coquille me regarde étonné de tant de générosité. Il saute sur place, tel un tennisman en décontraction. Il observe ma panse, sachant qu'un tel monceau de tuyauteries peut emmagasiner d'avantage de gaz que son bide plat de sportif de la pédale (il fait de la meuleuse !)

Le voilà en posture, les paupières baissées, l'air inspiré. Il émet un geignement de bûcheron canadien administrant au chêne l'ultime coup de cognée, et largue les gaz.

La flamme de la bougie demeure imperturbablement rectiligne. Inquiet l'artiste, tout comme à la distance précédente, règle soigneusement son orifice merdique. Malgré son empressement on sent que le cœur n'y est plus et qu'il va entonner son chant du cygne. Effectivement, l'émission manque de force et il rate misérablement sa cible. Ça sent mauvais...

- Stop ! Tonne l'arbitre. Ton score reste à 40cm au deuxième essai. Ce n'est pas mal du tout, Gazpart. A Emile maintenant, houps pardon, à « l'Escrimeur ! »

- L'escrimeur ! L'escrimeur ! L'escrimeur ! Eclabousse la foule Moinillesque...

Je suis fermé voire boudeur, assis au coin de la table, ma queue d'âne pendant bas, j'attends lové dans ma concentration comme un mamba noir appréciant la végétation herbacée et les buissons d'Afrique. En posture de défense, je gonfle mon cou et la partie antérieure de mon corps, tout en émettant un sifflement.

Puis je me lève, avance vers les starting-blocks d'un pas de plantigrade décidé et ajoute :

- J'ai pas envie de me démanteler le couloir à lentilles pour des conneries de 20 ou 40 cm ! je vous serais de bon gré de mettre la bougie à deux mètres !!!

Ma requête fait sensation. Certains fréros sifflent devant mes manières de matador, d'autres se vrillent la tête de leur index. On entend soupirer même :

- Ce gros sac à merde se prend pour le mistral !

Mais tout est en place : la bougie comme mon monstrueux postérieur. Un moinillon toujours fasciné par la longueur de mon reptile africain, balance à qui veut l'entendre :

- Il trouve vraiment sandale à son pied ?

- Posez la question autour de vous, cher frère; vous oubliez l'adorable élasticité du corps humain. Lui répond l'autre.

- Mais chut ! L'instant critique arrive, bon Dieu ! Déblatère un fidèle supporter d'âge avancé.

Son plus proche voisin lui demande alors s'il ne pourrait pas fermer sa putain de grande gueule de merde, nom de Dieu de bordel à cul ! Ça le gêne pour prier.

Le vioque maugrée, puis la ferme et dans la foulée entonne le fameux cantique paillard « Par les poils de mon balais ». L'instant est solennel.

- Quand tu le sens, l'Escrimeur ! Lance l'arbitre (locution opportune en la circonstance, le tu le sens, vous ne trouvez pas ?)

Contrairement aux fois précédentes, je produis un nez norme effort avant le lâcher du gaz. Je rougeoie, mon sang afflue dans mes yeux de bovidé, un son rauque déchire ma gorge.

- Roaaaaaaaaaaaarrrrrrrrrrrrrr ! (1)

Et puis c'est le séisme ! La déflagration, intense, puissante comme un typhon des Philippines ! Haiyan (2) himself ! Tout le monde sursaute. Le moinillon pousse un cri de frayeur. Même les plus anciens se signent. Hallucinant, mes frères !Tout simplement effrayant, terrifique et dantesque ! La pensée chrétienne tira un tel parti de ce mythe apocalyptique que certains savant contemporains voudraient que toute la prédication de Jésus eût porté sur ce sujet unique ! Une traînée de feu de deux mètres aux couleurs de l'arc-en-ciel. Frénésie indescriptible ! Spontanément l'abbé Urbain célèbre un psaume liturgique :

- « Il est comme un arbre planté près d'un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu'il entreprend réussira. Seigneur, que s'illumine ton visage ! Tu mets dans notre cœur plus de joie que toutes leurs vendanges et leurs moissons ! » repris en chœur par le reste de l'assemblée célébrant ma victoire.

Mais que se passe-t-il ? Je me précipite sur une table en gueulant, m'empare d'une cruche pleine (et pas d'une bonne sœur lors d'une partie fine !) écarte mes formidables jambons et m'arrose le trou de balle...

- J'ai loufé trop z'en violence, le feu avait déjà pris à l'autre bout que je continuais à virguler du gaz si tant et bien que la flamme m'est rentrée dans le recteur (hum...) !

La foule s'inquiète, mais je rassure.

- Pfffff c'est l'affaire de quelques jours les fréros, comme si j'avais bouffé une plâtrée de piments !

(à suivre)


(1). Pour nos amis lecteurs perfectionnistes, l'onomatopée féline « Roarrr » a été adoptée afin d'appuyer le nom d'Emile Lion d'Aquitaine, d'un rugissement (n'est pas Lion qui veut !)

(2).Le typhon Haiyan est considéré comme le cyclone tropical le plus puissant de l'Histoire à toucher terre. Avec des vents atteignant 315km/h, il peut prétendre au titre de super-typhon. Formé dans une zone de faible pression atmosphérique au large du Sud-Est de la Micronésie, il a atteint les Philippines le 8 novembre 2013. Cet ouragan de catégorie 5 s'est graduellement intensifié avant d'atteindre les côtes. Il a touché le nord du Vietnam en tant que tempête tropicale sévère, perdant peu à peu de son intensité. Les chiffres sont portés à 6 202 morts, 28 626 blessés et 1 785 disparus. Les dégâts sont considérables sur les Philippines, notamment les îles de Samar et Leyte.

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