Hölderliner Blues

moindremal

rupture romantique

Hölderliner  Blues

Mon impuissance à être seul, au milieu de ce nulle part, pourtant seul  sous ce soleil glacé, dans ce wagonnet de manège,  garé sur cette voie d’urgence, perdu face au ciel immobile,  si loin de ma vieille patrie, loin de ce corps suave qui me hante,  persistance d’un amour écarté.  Atroce farandole de joie et de douleur.

J’ai bâti sur ce cap aux lisières de la vie une hutte de planches cernée de mousses et de buissons, à l’ombre d’arbres endormis dans cette fin d’automne. J’ai réchauffé mes nuits de feux maigres. Et de ma pauvre barricade, portant contre ma joue la trace de l’écorce, inapte à la beauté, je ronge le temps par la tige, comme arrêté, en équilibre, au droit bord d’un à pic où les vents m’ont porté, vers la mer longue, vers les houles, ce sable qui me crible les joues, et me remplit les poches.  Comme une peur de m’envoler.

Lorsque tu m’as quitté, je fus en plein minuit dans la lumière des allées, ombre sous la nuée. Ta silhouette, âme claire émergeant du bois des âmes sombres, brillante comme un éclair dans l’éclipse de notre amour. Derrière le rideau de pluie, le sifflement vert du vent emporte le chant des fontaines. Ta main droite a replié une dernière fois cet éventail fleuri. Qu’est-il donc advenu de la beauté du monde ? Tout me semble perdu.  Je vois des glaciers qui se fanent. Dans la houle des blés le bleu des fleurs file vers l’invisible. L’ombre en écho murmure des adieux.

Je tente de rêver, me perdre dans les apprentissages, les nombres et les mesures. Je me repère au mouvement des astres muets, égaré dans les noms de constellations, souvenirs d’une Europe oubliée. Tendre proie du hasard.  Blotti entre les tranches au couchant d’une vie démodée.

Mon impuissance à être seul, dans la perspective de l’amour, dans la verdeur des myrtes, des cistes  du printemps.

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