HORLOGE
Anouk Mathieu
HORLOGE
Je suis une trainante, une traineuse, une trainée
Je traîne devant mon écran en regardant par la fenêtre
Je laisse traîner mes lèvres sur des petites joues veloutées comme des abricots murs, en passant me refaire un café
Je traîne mon regard sur les murs des pièces
Je traîne mon cœur sur les arrêtes de mes blessures
Je traîne avec toi dans un sourire béat et un désir entier
Je traîne sur les arbres qui se mouillent de pluie sale
Je traîne sur les chats abrités sous une brouette, serrés en une boule de poils multicolores
Je traîne sur mon passé
Je traîne sur mon avenir
Je traîne sur la lenteur d'une horloge qui veut bien se calmer
Je traîne ma traîne de reine poussiéreuse en interrogeant le monde.
Je traînaille sur les rêves éveillés
Je traîne encore sous une eau brûlante, essayant moult senteurs qui abritent ma peau
Je traîne aussi d'ennui de ne pas savoir ce que je traîne derrière moi
Je traîne mes doigts dans ton cou, en laissant des traînées de baisers du bout des lèvres pour mieux te mordre après
J'attends et je déteste attendre
Je déteste prendre mon mal en patience, je n'en ai aucune pour lui
Je déteste ronger mon frein, plutôt me ronger la patte pour échapper au piège
Je déteste ce sentiment qui me rétrécie à chaque seconde
Cette sensation palpable d'attendre, là où le désir s'annule dans les aiguilles d'un temps, qui me parait trop long
Le temps de t'attendre et je ne suis déjà plus là
Attendre et avoir la paix en attendant
Lassée d'attendre, la colère me guette
L'attente ne me va pas au teint. Elle me fait les doigts froids et la jambe impatiente
Elle me fait le mot vif et la bouche tordante
Elle me prend tout mon temps et retend mes réticences comme des flèches empoisonnées
D'attendre je perds mon temps et perdre me rend triste
Je perds la notion du temps.
Je perds à tendre mes lèvres à n'importe lequel des vents légers
Attendre et languir
Et plutôt mourir que d'attendre la mort.