Hospices (6)

laura-lanthrax

Paroles de Pépi

Bien que dire le contraire nous eut contrarié, moi et phanphan, la salive encore chaude à cracher le dégoût que nous inspire cette tentative d'assassinat en bonne et due forme, moi chevaleresque à l'envie, lui démon d'écume hurlant la débâcle, me revient comme un étrange satisfecit à penser aux chapitres un et deux de nos vies respectives, où courir le risque d'enfouir la vérité dans un sac n'avait au final aucune conséquence sinon d'affronter dans un combat titane la bête féroce, la tordre à ma façon cette cadavérique silhouette de l'enfance et m'assurer la victoire en la piétinant jusqu'à la mort, que puis-je regretter de plus excitant,  j'avoue, je vous dois des éclaircissements brigadier, car moi aussi le ciel m'a gâtée, je ne parle pas de phanphan, phanphan pour sûr est un miracle, non je parle d'une excessive capacité à précipiter les choses en ma faveur, regardez cette Meredith qui croit faire la pluie et le beau temps avec ses sourires forcés, elle croit que je suis dupe la petite analphabète, mais quand même qui déborde ici, qui bouscule le protocole, qui déchire l'armistice et déclare la guerre, je n'irai pas plus loin brigadier, sachez plutôt que normalement la menace d'où qu'elle vienne est réduite en morceaux, oui pulvérisée pour satisfaire à la règle de mon triomphe, alors quand cette tentative d'assassinat est arrivé à nos oreilles, j'ai cru un instant à la fin du monde, un malheur n'arrivant jamais seul, cette Meredith m'avertissant abusivement que monsieur phanphan avait fait une si mauvaise chute qu'il ne fallait plus compter sur lui en ce moment fatidique, j'apprendrais un peu plus tard que la petite garce avait menti pour me soulever le cœur et que seule l'arcade sourcilière avait souffert, mon corps, brigadier, s'est replié sur lui-même, et dans l'attente d'une immolation spontanée, les chapitres de ma vie ont de nouveau défilé, j'ai vu apparaitre le bourgeon, disparaitre la fleur et le fruit, j'ai pu observer le pourrissement délicat de toute chair humaine, jusqu'ici j'avais pourtant réussi à contrôler mes pulsions intimes pour mieux réfléchir à la puissance du bien et du mal, phanphan n'a-t-il pas dit un jour oh toi ma reine tu seras le grain et le riz, mais le doute, brigadier, la chamade, les regrets, tout cela a eu raison de ma réflexion, et je l'avoue encore, du positif de tout principe il ne reste rien, c'est sans importance aujourd'hui, je voudrais m'arrêter là, m'allonger dans la paille avec mon phanphan rétabli, mais cette tentative d'assassinat a ouvert la voie à un esprit défaillant, il est temps pour moi maintenant de faire mes adieux, je ne descendrais plus cet escalier terrifiant du music-hall, j'en ai assez des sempiternels appels à la clémence, je veux retrouver l'abime du silence et dévorer le bleu azur à satiété, le calme revenu je vous dois la vérité, des excuses peut-être, mon phanphan et moi partons pour de bon, nous ne nous reverrons plus, je vous embrasse brigadier, je vous embrasse, et puisque nous en sommes aux adieux, sachez-le, je vous aurais aimé.

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