Humain, éloge de l'empathie

lunalup

billet d'humeur

Il faut donner le pouvoir aux femmes. Elles seules ont réussi à conserver une part suffisante d'empathie pour guérir le Monde.

Nous sommes arrivé.es à ce moment de l'Histoire où ceux qui espèrent le changement se sont désolidarisés des anciens enseignements. Il ne s'agit pas de « cancel culture », il s'agit de la fin d'une transmission, de la fin de la réflexion autour de la question de l'humain sur un plan théorique et pratique.

Nous avons condamné pêle-mêle les Lumières et les philosophes, nous avons congédié les intellectuels et nous en sommes rendus à ne compter que sur nous.


Mais nous avons oublié ce que nous sommes : des humains.
Juste des humains.
Tous des humains.

Nous avons en commun tant d'émotions et de ressources. Ignorer nos similitudes pour ne faire étendards que de nos singularités est en train de nous tuer.


Et si nous posions le postulat que l'Humanité souffre de ne plus savoir comment exploiter ses ressources ? Nous avons surexploité le fruit de la Terre, nous avons négligé les trésors de notre propre nature.

Chacun et chacune à notre niveau, nous nous sommes découragés. Débordés par l'ampleur de la tâche. Alors que le mode d'emploi est en nous, comme encodé dans notre ADN.

Observez de jeunes enfants : ils n'échafaudent aucun plan de domination, ils ne conçoivent pas le mensonge ou la stratégie. Ils sont totalement indifférents à ce qui seront plus tard des motifs de discrimination. Ils accueillent sans aucun effort, sans même s'en rendre compte, le handicap, la timidité, la curiosité, le défi, l'amour.

A quel moment avons-nous appris à nous méfier de nous-mêmes, de nos intuitions, de notre bienveillance et de notre candeur ? S'endurcir était-elle vraiment la seule voie ?
Pourquoi n'avons-nous pas pu simplement passer au delà de nos désillusions, les plus minimes, les plus profondes ?

En débattant avec un ami, il m'a été répondu que nous n'avions pas tous et toutes l'énergie de comprendre l'autre, de tenter d'accéder à sa logique, de débattre pour faire bouillonner les idées, de partager du savoir pour éviter à des stéréotypes et des jugements erronés de perdurer.
Mais à quoi utilisons-nous donc notre énergie ? Qui la consomme à notre insu ?

Ne serions-nous pas sans le savoir déjà esclaves du système que nous pensions dénoncer, par le simple fait d'être indifférents à l'autre ?


Après l'horreur de l'Holocauste, Primo Levi décrivait comment la déshumanisation permettait de faire subir les plus atroces traitements à d'autres êtres humains. C'était un témoignage autant qu'un avertissement.

Il y a tant de façons d'être déshumanisés, tant de manières sournoises d'arriver à détruire l'autre. C'est encore plus efficace si c'est l'humain en question qui se vide lui-même de sa substance, s'il cesse d'agir en humain.


L'empathie, c'est ce qui nous permet de dépasser notre propre condition pour nous approcher de l'émotion ressentie par l'autre. Pour certain.es c'est un réflexe, pour d'autres un exercice périlleux. Mais nous en étions tous doté.es à un moment de notre existence.

Dépourvu.es de cette pierre de rosette qui nous aide à lire un peu mieux dans le cœur de l'autre, nous sommes ignorant.es de la souffrance, désintéressé.es par le sort qui n'est pas le nôtre.
Bloqué.es dans l'inconfort de notre propre zone d'affect, nous construisons chaque jour notre propre prison mentale, de plus en plus blindée et hermétique au monde qui crie.


Nous prenons pour opinion ce qui n'est qu'humeur passagère. Et nous tentons tant bien que mal d'asseoir cette posture de principes pour choisir un camp, forcé.es à cela par l'urgence des événements qui se bousculent.


Nous luttons pour ne pas être en permanence dans un état de stress post-traumatique.

Nous n'avons pas été préparés à penser globalement, à regarder le monde dans son ensemble. Nous sommes englués dans notre propre paradigme.


La vraie survie, nous ne la connaissons pas, nous l'apercevons à travers une télévision.

Celle qui annihile l'amour propre, celle qui inhibe l'intellect et pousse aux plus bas instincts, nous n'en savons rien. Mais nous prétendons le contraire. Nous prétendons justifier nos actes par des impératifs vitaux. La plupart du temps, c'est faux, et nous le savons pertinemment mais cela nous permet d'esquiver toute introspection.

Or, l'être humain est en perpétuelle évolution, il n'aura pas toujours la même perception de ce qui l'entoure. Ne pourrions-nous pas accueillir en nous la somme des expériences de nos pairs ? En tirer notre propre bilan, nous enrichir au contact de visions nouvelles ?


Partout, des artistes, des militants, des savants tentent de recréer ce lien, ce pont entre les cultures, entre les vécus pour nous permettre de redevenir l'humain par essence.
Ils nous exhortent à revenir à cette émotion primaire : nous pouvons aimer l'autre, car il est à la fois similaire et unique.

Mais alors pourquoi les femmes seraient-elles de meilleures ambassadrices du genre humain ? Tout simplement parce qu'en dépit de la somme des injonctions abjectes du patriarcat dont il a fallu se départir, elles ont été autorisées à conserver cette tendance au soin, à l'attention portée à autrui.
Bien sûr, le but premier était qu'elles sachent s'occuper de leur future progéniture mais en réalité, on leur a permis d'exprimer une sensibilité qu'on a qualifiée arbitrairement de « féminine » là où on interdisait formellement aux hommes de se laisser distraire en sensibleries.

« Penser comme une femme », cela n'existe pas. Penser à l'intérieur du cadre que la société réserve aux femmes, ça c'est quelque chose que l'on peut expérimenter. C'est un espace de contraintes mais où il reste un point lumineux, une trace de vie. Comment les femmes ont-elles réussi à cultiver l'empathie malgré le sort qui leur a été imposé ? Cela reste un mystère.

C'est qu'elle est tenace cette étincelle !

Cette capacité d'attention, de protection, de bienveillance, cette disposition à aimer est la plus grande force qui soi. Il ne tient qu'à chaque humain, homme, femme ou toute variable existante, de s'en saisir. C'est un vecteur d'émotions surpuissant, trop peu exploité. C'est notre boussole en tant qu'humain.

Et l'empathie n'a pas à s'apprendre, elle était présente au commencement. Il ne s'agit pas de la créer artificiellement, il s'agit de la retrouver, de la déterrer, de la dépoussiérer.

Aucune émotion ne devrait être l'apanage des femmes. Nous sommes tous des êtres faits pour ressentir, pour créer du lien et faire fructifier ces connexions. Imaginer traverser la vie en pilote automatique n'a aucun sens et conduirait aux pires décisions.

Qui sont d'ailleurs ces tyrans qui croient prendre conseil pour détruire des civilisations entières alors qu'ils sont sourds à leurs propres besoins et émotions ? Quelle névrose les ronge ? Quelle connexion est perdue avec leur humanité initiale ?

Comment soigner ceux qui ont choisi d'être indifférents à la souffrance de leur propre espèce ?

En lieu et place des États, des prophètes et des souverains, il n'est rien d'autres que des humains, des êtres de chair et de sang, d'émotions et de sens.

A l'échelle de ces composés organiques, de ces quelques kilos de matière grise, les différences sont infimes.

Notre biologie n'est en rien opposée, seule la gestion de nos besoins primaires et la compréhension de nos émotions diffère et pousse certains à répandre la terreur, d'autres à sauver la vie de leur prochain.


Quel gâchis d'énergie à camoufler notre humanité ! Refréner des larmes, ravaler une colère, refouler une étreinte, masquer un sourire... par peur d'être dévoilé.e.

Quelle serait cette révélation honteuse ?

Que nous vibrons ? Que nous aimons encore malgré tous les avertissements et les prêcheurs de haine ? Que notre instinct de survie nous pousse surtout vers l'autre, l'alter ego, l'inconnu, l'immensité de nos connexions à venir ?

L'empathie est notre rempart contre l'arbitraire, la cruauté, la démesure. Cet ingrédient est paramétré d'office, il ne demande qu'à émerger. Laissons-le imprégner nos pensées, remplir les cavités de nos cœurs exsangues.

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