Humaniste
L
Je suis fatiguée. Je suis fatiguée des réseaux et de tout ce qui pullule de ces derniers. Ils pourraient être l'une des meilleures armes du XXIe siècle et ils sont en réalité le venin de nos nouvelles générations. Comment est-ce possible qu'un réseau tel qu'Instagram, avec un potentiel monstre, soit porteur de tant de stupidités et d'inconsistance? Pire, d'ignorance. Il est là le vrai poison de notre ère : l'ignorance. On se fie à ce que des personnes désinformées et carencées de savoir nous disent, persuadées (c'est là le grand problème) de détenir la vérité absolue. On devient alors désinformé à notre tour. S'en suit ainsi un bruit, un relayage incontrôlable. C'est ça la force obscure des réseaux : ce flux permanent de partages et de prises de position dangereuses. Chacun a le droit de parler de ce qu'il ne connaît pas, tout le monde peut être défenseur de telle ou telle idéologie sans même la maîtriser. A parler de tout, on prouve qu'on ne connaît rien.
De nos jours, trop de concepts, trop de nouveaux termes émergent pour définir ceci ou cela. C'est fatigant. Tout doit être nommé, défini. Sauf qu'à force d'inventer de nouveaux termes on finit par créer de la merde et évoluer dans un ramassis de superficialité grandiose. Un homme qui dit «je ne suis pas un homme» pour appuyer le fait qu'il soit non-binaire, un blanc qui dit «je ne me sens pas blanc» pour se déculpabiliser d'un prétendu «white privilege», c'est de la perte de temps. Une femme qui se laisse pousser les poils pour montrer son «anti-conformisme», c'est de la perte de temps. Il n'y a pas besoin de faire tout cela. J'ai presque l'impression qu'aujourd'hui, un homme blanc devrait se sentir coupable d'être un homme… et blanc. J'ai le sentiment que tous ces groupuscules de pensées monopolisent l'espace public et qu'on doit se sentir obligé de penser comme eux. Est-ce normal qu'une personne noire qui ne se sent pas concernée par le mouvement «Black Lives Matter» se retrouve confrontée à une personne blanche qui va lui réciter un discours moralisateur à la Instagram et presque la faire culpabiliser de ne pas défendre ce mouvement créé pour son «peuple opprimé» ? Non. Assez. Assez de parler au nom des autres. Assez de prendre la parole lorsque notre légitimité ne nous le permet pas. Quand comprendra t-on que ce sont ces mêmes gens-là qui se disent les fervents défenseurs des «minorités» qui les définissent et réduisent en tant que tel, et qui creusent encore plus les écarts à cause de ce genre de comportements.
Les féministes, les «minorités», les extrémistes, tous ces «opprimés» de notre siècle deviennent l'oppresseur. Les réseaux, Instagram encore et toujours, donnent tant la parole aux extrémistes qu'on en vient à se demander qui est le réel bourreau dans l'histoire. Mais qui est le réel bourreau donc ? Je ne suis pas féministe. Je ne serai jamais féministe. Pourtant, je suis une femme. Si j'ose assumer cela en société, je peux certifier que je me ferai lynchée sur la place publique et que j'aurai des reproches tels que «Comment peux-tu soutenir que tu n'es pas féministe, tu es une femme !». Oui et ? Qui donc est le bourreau ? Je suis humaniste. Comme tout humain normalement constitué et sensé, je défends la femme et les droits de la femme. Tout autant que je défends l'homme et ses droits. Comme tout humain normalement constitué, je trouve aberrant le fait qu'en 2021 de plus en plus de jeunes filles, et femmes, soient harcelées dans la rue, au travail, ou même sous leur propre toit. Je trouve aberrant qu'un homme puisse frapper sa femme. Pour autant, je ne suis pas féministe. Je ne me retrouve pas dans le discours des féministes, tout simplement car malheureusement celles-ci sont souvent lobotomisées par des choses fausses qu'elles présentent comme étant l'Histoire, simplement parce qu'à mes yeux le terme «féministe» dénigre l'homme et le place beaucoup trop facilement dans le rôle du privilégié méchant. Il y a trop de raccourcis. Ce sont inlassablement les mêmes arguments que l'on ramène sur le tapis. Ceux-là me fatiguent.
Il en va de même pour ce mouvement, le «Body Positivisme» qui a vu le jour il y a quelques mois et que l'on voit partout, acclamé et diffusé sur Instagram, encore une fois. Cette nouvelle tendance sociale pousse les femmes à s'aimer comme elles sont et à passer au-dessus des diktats de la société. Mais… Est-ce réellement libérateur ? Pourquoi à tout prix vouloir transmettre cette positivité qui en devient toxique et hypocrite ? Et si on parlait simplement de neutralité ? Si on se foutait un peu la paix, si ON NOUS foutait un peu la paix ? Ces influenceurs et influenceuses qui prônent le positivisme sont les pires poisons de la société pour nos jeunes, et pour tous ceux qui consomment leur contenu tous les jours. Il paraît inutile de rappeler qu'il est impossible d'être positif à chaque instant de notre existence, il est malsain de vouloir prétendre le contraire. Si je me lève un matin et que je me trouve moche, grosse, dois-je culpabiliser de ne pas parvenir à être positive ? Ou peut-être puis-je simplement me rappeler que je ne suis qu'humaine ? On ne peut pas infliger cette charge mentale aux femmes et aux hommes, que ça aille du body shaming au body positivisme. A quand, simplement, un body neutralité ? Pourquoi se faire chier à inventer des concepts lorsque l'on pourrait faire concis, simple et efficace ? Pourquoi répondre aux stupidités d'une poignée de personnes frustrées par la création d'un concept qui fera, finalement, culpabiliser les femmes et les hommes ?
Comment ces influenceuses peuvent-elles représenter le body positivisme lorsque la majorité se tue quotidiennement à la salle de sport pour se sculpter un physique, et que toutes, tout le temps, à n'importe quelle heure de la journée, postent des photos d'elles afin d'amasser les likes et compliments ? Que cherchent-elles à (se) prouver ? Cette course aux vues et cette convoitise de la notoriété découlent-elles réellement de quelque chose de positif ? Les réseaux sont ce condensé de dualités, de contradictions qui pourrissent la vie de leurs utilisateurs. On nous pousse à voir positif quand bien même la société dans laquelle nous évoluons n'est que culpabilisation et mal-être.
Je terminerai avec cette citation : Qui commande le passé commande l'avenir ; qui commande le présent commande le passé. (G. Orwell). Ceux, et surtout celles, qui cherchent à tout prix à avoir le contrôle sur le présent sont en train de changer tout notre passé. Elles changent l'Histoire pour pouvoir donner un semblant de réalisme et de cohérence à ce qu'elles défendent corps et âme.
Ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux est assez incroyable : ces «opprimé.e.s» victimes de tant d'inégalités sont en réalité de ceux qui ont le plus de visibilité et de force aujourd'hui : par exemple, les féministes extrémistes se sont retrouvées au-devant de la scène, à s'offenser et faire le procès de tout, à parler à tort et à travers, elles militent contre des chimères ou des faits qui, sortis de leur contexte, sont fallacieux. Cela crée un monde dégénéré et profondément anxiogène. «Peut-on encore dire cela en société ? Ai-je le droit même de penser ceci ? Dois-je culpabiliser ? Suis-je mauvais ? ...». L'oppressée s'attaque donc ouvertement à cette majorité, à qui l'on aime tant trouver la pléthore de défauts et pointer du doigt comme étant le méchant de l'histoire. Mais, quand on y pense, cette «majorité de privilégiés» n'est-elle pas finalement, grâce à une quelque ironie de la situation, la réelle opprimée?
On souhaite tellement bien faire et ne froisser personne que ça en devient déraisonnablement risible. N'oublions pas que choisir de ne froisser personne c'est choisir de ne rien dire.
Il y a un nom en chimie pour ce phénomène sociétal : l'inversion de phase. Tu as mille fois raison, la majorité silencieuse est de facto la minorité la plus tyrannisée.
· Il y a plus de 3 ans ·Tribune très pertinente. (D'ailleurs pourquoi une tribune, c'est binaire de penser qu'une tribune doit être genré, voyons)
Belle journée !
froidescombles