il court

Christian Attard

Il court, il court d'abord presque au ralenti.

Il court comme un oiseau qui va doucement prendre son envol.

L'air chaud de son Afrique natale pénètre amplement ses poumons, gonfle sa poitrine nue et bronzée, écarte ses côtes et soulève ses épaules menues.

Il court, il court ses deux pieds nus sur la terre ocre.

Il court, il court et ses pieds sont la corne vivante de l'Afrique.

Il va plus vite maintenant, l'air doux de l'Ethiopie caresse sont visage émacié, emporte des perles de sueur vers des nuages de bonheur bleu.

Son cœur de locomotive bat la cadence d'un corps huilé et serein. Il court et rie parce qu'il est bien et vit, parce que le soleil brille et que c'est la terre qui court sous lui.

Sur la piste aux clameurs tous ont fondu derrière lui et il a glissé sur eux le sourire aux lèvres.

Ont-ils jamais existé eux pour qui courir fut  souffrance ?

Il court toujours vers la lumière jusqu'à cette nuit, jusqu'à cette déchirure, jusqu'à ce que son corps soit partagé en deux et que ses pieds deviennent roues de caoutchouc.

Alors doucement comme un oiseau prend son envol son âme court, court vers les sables de l'Ethiopie céleste dans un rayon de soleil éternel.

Abebe bikila n'a rien rendu à Dieu, il court, joyeux, avec lui.

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