Il n'est plus temps

Concours De Slam Avec Tv5 Monde

Il n’est plus temps de perdre notre temps à scruter nos couleurs de peau - Il n’est plus temps, j’ai vu une torche humaine, sa peau était couleur sang - Il n’est plus temps de s’en sortir indemne, à qui la prochaine balle dans les dents ? - Il n’est plus temps, et pourtant on m’attend, aujourd’hui c’est mon jour de lessive - Il n’est plus temps de soupeser nos âmes pour connaître le poids de nos dieux - Il n’est plus temps, j’ai vu un feu vivant, j’ai vu un homme devenir le feu - Djamel, Ilyess, ses potes et ses parents, tous l’ont vu devant leurs écrans - Entre la pub et les indices boursiers, c’est juste une vie qui part en fumée - Il a tout essayé pourtant, avant, il a suivi les voies ferrées - Il est monté sans jamais hésiter, dans tous les trains de l’espoir - Vendeur d’agrumes, vendeur d’oranges amères, il a pris la vie à pleines mains - Laissé pour compte, vrillé à la misère, il a vu s’éloigner tous les trains - On l’a giflé, on lui a craché dessus, prochaine station tu crèves de faim - Tu rêves d’agapes et tu bouffes du trottoir, le goût de crasse au bord des lèvres - Il n’est plus temps pour les blagues Carambar, j’ai vu un homme partir en fièvre - C’est trois fois rien, c’est juste un être humain, qui se cogne au prix du pétrole - Il a abdiqué, accueillant la colère, comme seule issue, comme dénouement - C’est le moment de prendre de l’altitude, de réseauter intelligent - De bâillonner le choeur des platitudes, depuis Brooklyn jusqu’à Paname - Electrochoc sur la Facebook planète, j’ai vu un homme partir en flamme - Il a atteint ce no man’s land aride, là où les rails percutent le vide - Il s’est surpris en premier de cordée, prêt à déclencher l’avalanche - Il a suivi le fil de son idée, habillé comme pour un dimanche - Sans savoir que de sa mort en direct, une révolution allait naître - Il n’est plus temps de s’en sortir intact, harmonieusement on se ment - Il n’est plus temps des spectateurs complices, on se dit contre, on fait avec - Chacun de nous, ta vie, la mienne, la sienne, ça vaut plus que quelques kopecks - Il n’est plus temps, j’ai vu une torche humaine, sa peau était couleur sang.

Anne, Suisse.

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