Il n'y a plus de Pirates dans les Caraïbes

nat28

Projet Bradbury - Semaine 44

     On est foutu. Je l‘ai compris quand je les ai vu arriver, mais je n'ai pas voulu affoler les autres. Et puis on ne sait jamais… Ils ont beau avoir décimé une bonne vingtaine de navires depuis leur arrivée dans notre région, je me suis dit “et si nous, nous arrivions à les combattre ?”


     Mais ils sont définitivement trop forts.


     Les gars ont les foies, je le sens, pourtant, la peur, ce n'est pas courant chez les pirates. Je connais ces hommes depuis des années, et je ne les ai jamais vu dans cet état la. Ceux qui sont encore en vie, bien sur, car il y a un paquet de cadavres sur le pont. On doit être une dizaine à avoir réussi à se planquer dans la cale, et la première attaque nous a pas mal chamboulé. Le sang qui goutte à travers les planches n'aide pas non plus.


     Je devrais être mort, avec les autres, la-haut. Un capitaine ne quitte pas sa barre, surtout pour se cacher sans combattre. Mais je ne saurais pas expliquer… Quand je les ai vu foncer sur nous, je n'ai pas réfléchi, j'ai hurlé “Planquez-vous !” et j'ai cherché un abri. J'ai vu des gars se faire massacrer, mais je n'ai rien pu faire. Comment lutter ? Avec mon sabre et mes mousquets ? Ça n'aurait servi à rien.


     Ils sont trop rapides, trop forts, et ils ont la peau trop dure. Je ne suis pas de taille pour les affronter. Personne ne l'est. J'ai écouté mon instinct de survie et j'ai tout fait pour protéger ma vie.


     Mais honnêtement, là, je suis en sursis, comme tous ceux qui ont survécu au premier assaut. Je pensais que se cacher et éviter de faire du bruit suffirait à nous sauver la peau, mais je les entends au dessus de nous, qui nous cherchent et qui essayent d'ouvrir la cale. Ils savent que nous sommes là, et s'ils réussissent à entrer, ils nous tueront, jusqu'au dernier, quitte à couler le navire pour arriver à leurs fins.


     Ils sont sans pitié, d'après les très rares survivants qui ont eu affaire à eux et qui maintenant noient leur angoisse dans l'alcool dans tous les rades du port. Ces gars là, ils ne remettront jamais les pieds sur un bateau, c'est sur. J'avais du mal à les croire avant que ça nous arrive, je pensais qu'ils exagéraient ou qu'ils avaient trop bu, vu qu'ils ne décuvaient plus. En fait, ils étaient encore très loin de la vérité. Nous ne sommes pas victimes d'une attaque, mais d'une apocalypse. Le feu, le sang, le déchaînement de violence… Et cette certitude que la fin est proche. Et inévitable surtout. La mort, nous la côtoyons au quotidien, elle fait partie du boulot, mais quand on se bat au couteau avec un autre pirate, on se dit qu'on a une petite chance d'en réchapper…


     Mais face à des dragons ?


     Ils sont dix fois plus grands que nous, ils volent, ils crachent du feu, ils ont des griffes plus grosses que mon bras et plus acérées que mon sabre, et ils sont invincibles ! Jamais personne n'a pu tuer un dragon, même en faisant tirer tous ses canons en même temps. Et ils sont déterminés à tuer, ils peuvent passer des heures autour d'un navire pour être sûr que personne n'a survécu. Seul un miracle, comme un tonneau vide ou une planche assez grande pour vous cacher, peut vous sauver la vie quand ils attaquent votre vaisseau.


     Ça n'arrivera pas pour nous. Au dessus de nos têtes, ils grattent, ils cherchent, et l'un de ses monstres va bien finir par défoncer la trappe de la cale. Je regarde mes hommes, en silence. Deux d'entre d'eux prient, un autre fixe l'intérieur de la coque, l'air perdu, et quand au reste de notre petit groupe de survivants… Ils vérifient leurs armes et ils se préparent au combat, même s'ils savent que tout est perdu.


     Moi aussi je vais me battre, bien que la situation soit désespérée. Je me suis battu toute ma vie, et si ma dernière heure a sonné, je continuerai à me battre. Je sais que je ne leur entamerai même pas le cuir, mais je refuse de déposer les armes. Je sais que je ne reverrai plus jamais mes amis, restés à terre, je sais que je ne serrerai plus jamais une femme dans mes bras, je sais que j'ignorerai toujours pourquoi ces dragons sont apparus dans les Caraïbes, un matin, comme ça. Mais je sais aussi qu'un pirate ne se rend pas, et qu'il meurt les armes à la main.


     La trappe de la cale cède sous les coups de pattes d'un dragon, un feu d'enfer déferle sur nous, je suis encore debout. Une dernière fois.


  • Bonjour,

    Je poste en avance cette semaine pour cause de début de NanoWrimo (n'hésitez pas à rejoindre ce projet fou !).

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    nat28

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