Il y a des jours comme ça...

Hélène Mayet

trois jours d'horreur en France... Pour ne pas oublier! Jamais!

Un mercredi début d'après midi. Je me lève, il fait beau, le genre de journée comme j'aime. Un café, mes yeux s'ouvrent un peu plus. Je fais une liste de tout ce que je dois faire. Aujourd'hui c'est mon jour de repos, jour de courses (dans tous les sens du terme).

Je m'assieds devant mon ordinateur portable et commence mon rituel journalier. Aller sur facebook, regarder mes mails faire un ou deux jeux tout en appréciant mon café.

Il est 13h. je suis une lève tard.

Je consulte mes mails et j'arrive sur facebook et là c'est l'horreur. Toute ma journée s'assombrit en un titre : 

« Attentat à Charlie Hebdo : 12 morts »

A ce moment là le monde s'arrête. Je ne pense plus à rien. J'essaie de comprendre ce qu'il s'est passé et pourquoi. Certes Charlie Hebdo étaient satirique mais tout comme Groland ou les Guignols. L'effarement et la tristesse me gagnent. Je ne suis pas une grande fan de Twitter mais je vais y faire un tour pour participer aux flots de réactions.

J'appelle ma mère, on partage notre tristesse, puis au fil de notre conversation, le premier nom des victimes tombe : Cabu. L'émotion monte d'un cran. Un pan de l'enfance s'en est allé, c'est comme si ils avaient flingué Nounours et Casimir !

Très vite la nouvelle que les quatre dessinateurs de Charlie Hebdo sont morts fait le tour de la toile. On notera également deux policiers qui ont payé de leur vie la protection de ces hommes.

Pour eux ils avaient tué Charlie, pour nous ils ont créé des héros de la liberté d'expression.

Et Charlie au lieu de mourir est devenu éternel.

Très vite le slogan sur panneau noir écrit en blanc : "Je suis Charlie" circule sur tous les réseaux sociaux et très vite nous devenons tous Charlie. Comme disait un slogan : un attentat 12 morts 65 millions de français blessés ». En devenant tous Charlie, nous devenons défenseurs de la liberté d'expression. D'un coup toute la France se retrouve unie, enfin, sous un même drapeau, sous de mêmes valeurs. Et très vite le phénomène prend de l'ampleur, très vite nous recevons des soutiens de tous les pays du monde ! Charlie devient international.

Pendant ce temps là les assassins sont en fuite. Toute l'armée et services d'ordre français sont sur les dents. Mais les experts scientifiques n'ont pas longtemps à chercher. Une carte d'identité a été oublié dans la voiture. La traque monte d'un cran.

Partout en France des rassemblements spontanés s'organisent. Et c'est dans un même chœur, une même émotion que tout le monde se recueille. Nous ne sommes plus juifs, catholiques, athées ou musulmans, nous sommes français et nous sommes Charlie.

 Je vais me coucher, sans avoir réalisé grand chose de mon planning. En essayant de m'endormir j'ai des sentiments mêlés. Du dégoût, de la tristesse mais aussi de l'espoir. La mobilisation de mon pays pour une seule et même cause me pommade le cœur. Finalement je me rends compte que je me sens moins seule d'un coup.

Un jeudi comme tant d'autres. Je recommence mon rituel. Il est 12h.

Une fusillade a Montrouge : une policière tuée. Pour l'instant rien ne dit que les deux affaires sont liées mais la panique commence à gagner les gens. « je suis Charlie » trône désormais partout, écrit au stylo sur les mains des lycéens, sur les portes des magasins, et mêmes sur les panneaux informatifs de l'autoroute. L'expression « avoir les boules » prend tout son sens. Dès que j'entends parler des victimes ou de ce qui s'est passé, je sens une grosse boule dans la gorge et les larmes aux bords des yeux. Ces montées de larmes arrivent plus que régulièrement au cours de la journée. Mais je me refuse à pleurer. Je me dis que ce serait une victoire pour ces salauds que de nous voir pleurer. Alors je décide d'agir comme tous les jours. Je vois des messages d'amis paniqués par toute cette terreur semée.

Je leur répond à chacun quasiment toujours le même message : « A Londres quand il y a eu le terrible attentat de Kings Cross dans le métro le lendemain les Londoniens prenaient tous le métro. Pour montrer qu'ils n'avaient pas peur. Car si on a peur c'est eux qui gagnent! La peur est naturelle. Mais il faut être fort et debout et uni ! Tous ensemble! »

 

Pendant ce temps les assassins des deux fusillades courent toujours. Des fouilles se font dans plusieurs villages de Picardie. Nous ne sommes pas rassurés.

Nous espérons à chaque fois avoir la nouvelle que tout est terminé. Il nous faut faire notre deuil mais comment le faire lorsque les assassins courent toujours, au-delà du deuil c'est le sentiment de justice que nous avons tout d'abord besoin.

Vendredi matin, je me réveille cette fois je n'ai pas le temps de faire mon rituel café news.

Je vais au travail, et  je trouve mes collègues scotchés sur l'écran de l'ordinateur. J'apprends que les deux assassins présumés de la fusillade se sont réfugiés dans une imprimerie (peut-on noter l'ironie ??). Le dénouement semble proche bien que cela fait déjà quatre heures que toutes les forces de l'ordre et pompiers sont sur le pied de guerre. Alors nous écoutons en boucle l'info qui ne bouge pas d'un cil.

Puis flash info : deuxième prise d'otage Porte de Vincennes, dans un Hyper Casher. L'auteur présumé serait celui de Montrouge. Désormais plus de doute possible les deux affaires sont liées.

Après une longue attente vers 17h les deux assauts commencent. Les trois terroristes sont morts mais ils ne sont pas partis seuls ils ont emportés les douze victimes de la première fusillade, la policière de Montrouge et quatre otages exécutés dans l'hyper casher.

On peut enfin commencer notre deuil. Ce qui est sur c'est qu'ils ne sont pas morts pour rien, ils ont défendu leur liberté et la nôtre. Maintenant c'est à nous de brandir nos stylos et crayons comme seule réponse.

Je sais que ceux qui me liront auront vécut les choses comme moi, je voulais les écrire pour ne jamais oublier ce sentiment d'être blessés au plus profond de notre cœur et d'être bafoués par des hommes qui ont voulu nous diviser. Et de me rappeler pour toujours qu'à un moment donné tous les français se sont tenus par la main en scandant le même nom porteur de liberté.

JE SUIS CHARLIE  

 

 

 

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