Insomnies post opératoire.

Craig Stephan

En confiance, le sourire aux lèvres, l'insouciance et la naïveté règnent dans mes pensées : « ce ne sera qu'un petit séjour de repos ». L'omniprésence de mon humour déplacé ahurit infirmières et médecins. Une chambre vide prête à accueillir souffrances et sourires me cède un lit drapé de blanc, rêche.

La nuit, bien installé, bercé d'ignorance voulue inconsciente, fut courte : réveil à 6h15, "le début des hostilités ?" Me demandais-je; Juste une infirmière, brusque, prenant ma tension. Quel réveil... 8h15 un infirmier de blanc vêtu vient me chercher accompagné d'un brancard, prêt à m'amener aux portes de la mort, de lourdes portes blindées, insonorisées, assurant une parfaite herméticité du bloc opératoire.C'est à ce moment là que l'angoisse commence à annihiler mon sourire. On m'installe sur une imposante table, froide ou de nombreuses personnes ont vu leur souffle s'éteindre à jamais. Une aveuglante lumière tente de voiler l'activité incessante d'une horde de médecin s'agitant autour de moi. Leur blouse bleu, leur masque et leur charlotte me rappelaient curieusement un episode de « Docteur House », sauf que là, c'est moi le malade.Une perf à droite, une perf à gauche, plus rien.L'absence totale de souvenir et de notion de temps passé provoqua en moi une multitude de cauchemars et d'inquiétantes incertitudes m'obsédant : « me suis-je vraiment fait opérer » ? Les vives souffrances quoi que camouflées par de puissants antalgiques me donnèrent la réponse. Réveillé brusquement, totalement perdu, anéanti, déboussolé, désorienté, décontenancé, déphasé d'un geste soudain je faillis arracher électrodes et autres tuyaux m'accoutrant à un inconfortable lit de la région « soins intensifs ». Qu'est ce que je fais là ? « Bip, Bip, Bip » l'impérissable bruit ininterrompu de l'électrocardiogramme m'accompagnait dans mon incompréhension. Douleurs et médicaments favorisés une certaine amnésie passagère. Chaque ingestion de salive irrégulière animait déchirements et douleurs. Je me sentais vidé par un tuyau, aspirant toutes traces de liquides secrétés dans mon estomac. Surveillé de prés par d'anxieuses machines indiquant hypertension et tachycardie  : 16.10 de tension, 109 Pulsation/minute. Celles-ci s'affolèrent lorsque les médecins décidèrent de m'injecter de la morphine.Quelle erreur, « tachycardie » ! 120-130 Pulsation/minute, la transpiration affluait et ruisselait le long de mon corps, assourdi d'un battement résonnant intensif dans les tempes venant s'additionner aux douleurs postopératoires.A cette convulsion s'ajouta l'agitation des médecins, puis, plus rien...Quelques heures plus tard, un nouveau réveil. Noyé dans l'affliction nocturne, je comptais les heures durant la nuit. Incapable de parler et de bouger, une certaine folie m'envahit que je ne su calmer tout au long de cette interminable nuit douloureuse.7h, enfin, un infirmier réussit avec l'aide de médecins tant bien que mal à me relever pour me déposer sur un fauteuil roulant jusqu'à la salle de radio ou l'on me fit boire un verre de liquide amer tout en recherchant une possible fuite gastrique suite à l'intervention... Il ne fallut pas moins de deux personnes pour me tenir debout. De retour dans ma chambre, l'attente se fit longue. Deux heures pleines et entières, abandonné aux douleurs implacables, incapable de réfléchir ou de communiquer.Aucune fuite, on me retira perfs et tuyaux non pas sans douleur... Désormais, les gens qui me connaissaient ne me reconnaitront plus. Un profond changement a été opéré, involontaire, mais bénéfique en tout points. Tant de faits que j'ai commis me paraissent maintenant ridicules. Ce séjour m'a bouleversé de l'intérieur. L'endroit intouchable. L'endroit qui contrôle tout, le véritable siège des émotions et de notre caractère qui fait de nous tout ce que nous sommes.Verdict, un estomac déplacé, le cardia refait, un diaphragme descendu et recousu, une réalimentation difficile sur 18 mois et une sortie précipitée demandé contre l'avis médical.
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