Iris abse(i)nthe

onii

Il est 15h45, samedi après-midi, une grande brune embrumée par les effluves d'alcool et de cigarette, s'éveille dans un appartement enfumé et parfumé d'ivresse.


Laura entrouvre les paupières, ses yeux captent les rayons lumineux du soleil d'hiver comme autant de faisceaux tranchant et brûlant ses pupilles encore éteintes. Ses membres, lourds et engourdis, lui rappellent les mouvements cadencés, s'étirant jusqu'à une heure incertaine, qu'elle a partagé la veille avec tant d'inconnus aux visages flous, aux parfums bon marché et aux sourires non moins ravageurs.

Sa bouche pâteuse lui remémore, qu'une fois encore, elle a bu plus que de raison et l'idée d'un simple verre d'eau créera la motivation nécessaire pour qu'elle se tire de ses draps sales, trempés d'une sueur dont elle doute encore qu'elle soit la sienne.


Se redressant sur son séant, la tête dans les mains, les cheveux ébouriffés, désorientée et hagarde, elle découvre l'état d'un lieu de vie familier ravagé par la veille. Reflet du chaos régnant dans son corps, elle décrète qu'elle a décidément bien trop sa place au sein de ce lieu de débauche. La culpabilité est grande, la honte l'accompagne, elle sait, qu'aujourd'hui, la confrontation sera immense.


Après avoir étanchée sa soif, courageuse, elle affronte le désordre, et part ainsi à la conquête des souvenirs distordus de la veille. Elle jette un préservatif usagé jonchant le sol, partagée entre la fierté de s'être protégée et la honte d'avoir du se résigner à ne pas retrouver le nom de son compagnon nocturne.


Ramassant les vêtements étalés, elle dévisage d'un œil sombre l'endroit où une brûlure s'est logée sur son corps blancs. Soudain, le souvenir refait surface. Après avoir évolué maladroitement dans le froid sourd et cotonneux, frigorifiée, elle était rentrée, en enclenchant le radiateur électrique au maximum,. Il s'était alors jeté sur elle et avait commencé de la déshabiller contre le radiateur. Unique preuve, vestige physique d'une mémoire défaillante, la rayure brûlante sur le haut de ses cuisses.


Renversant les fonds de bières mélangés aux mégots de cigarette, débarrassant les verres à liqueur, non-vidés, à moitié descendus, elle sent son ventre se serrer, se contracter. A l'intérieur d'elle non plus, il ne reste pas grand chose. L'alcool la creuse, la solitude aussi. Le café et la cigarette qui suivront ne feront qu'accroître cette sensation, comme si l'adéquation du vide, tant moral que physique pouvait la soulager. Elle tente, en vain, de trouver le mal originel, échoue.


Lavant les verres jonchant chacune des pièces, elle se confronte à l'étagère, sur la gauche, qui a supporté sa jouissance, et, sûrement, mais elle n'en est pas certaine, celle de son partenaire. Elle mord ses lèvres encore gonflées et douloureuses. L'odeur de son corps la pousse à aller doucher sa honte, pour ensuite la camoufler à grand renfort de cosmétiques aux odeurs sucrées. Cette flagrance naturelle, cette identité olfactive, elle finira par la fustiger à l'aide d'un parfum hors de prix, comme si même sa propre odeur risquait de trop en révéler sur le démon, cupide et avide, dissimulé sous sa chair.


Proche, sèche et hydratée, elle découvre un morceau de papier à coté de ses clés, « Florent », suivi d'un numéro de téléphone griffonné à la hâte.

Elle part d'un fou rire sincère, seule dans cette appartement enfin rangé, présentable, potable, social, comme un signe de sa pertinence à faire encore partie de la communauté des jours ensoleillés annonçant le printemps, comme pour se pardonner d'avoir vécu hors du temps.

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