Itinéraire bis
phil-baron
Maintenant que la fin du monde est de nouveau devant nous, continuons à l'imaginer...
ITINERAIRE BIS
Jour 1
Bordel à cul de chié de connerie de merde ! Fallait que ça m’arrive à moi ! Putain de saloperie de merde ! J’ai complètement loupé l’arrivée du saut, y’a aucune planète d’indiquée par là, bordel !
Oui, bon, d’accord, y’a rien d’indiqué du tout, personne n’est jamais passé par ici avant moi. Mais putain de chié, dans les manuels, ils disent qu’il y a moins d’une chance sur dix millions pour que ça arrive ! Moins que gagner au loto ! Et putain de connard, ça m’arrive à moi ! Un crash sur une planète, juste aux coordonnées d’arrivée du saut quantique ! Avec la soute pleine à ras-bord de graines de jobaya qui doivent être mises en fermentation avant lundi matin. Sinon, je perds le chargement, et j’en suis de ma poche. Du jobaya premier choix ! Putain de merde ! Y’en a au moins pour trois cent milles liars !
Je tords le cou pour regarder par le hublot. Ça parait obstrué par un genre de pâte sombre. Je crache un coup. Le glaviot passe devant mon œil gauche avant d’aller s’écraser sur le hublot. J’ai plus ou moins la tête en bas, donc. Charmant ! Je tends mon bras droit au dessus de ma tête pour amortir la chute, et je tente d’ouvrir la boucle de la ceinture avec la main gauche. Ça marche pour la ceinture, mais ça n’amortit rien du tout : je me fracasse le crâne sur le hublot en tombant. Putain, ça saigne ! Merdeuuu !
J’enfile la combi, et j’ouvre le sas. A l’autre bout, le ciel est bleu. Manquait plus que ça. Je m’extirpe de ma putain de capsule, et je me retrouve sur une plage. Ben tiens. L’analyseur d’atmosphère déclenche le disjonctage de la pompe à air de la combi. Allez ! Je suis bon pour cinq cent pages de rapport si je m’en sors, moi. Putain, fait chier ! Merde de merde ! C’est vraiment pas mon jour ! Une Terramorphe ! Putain de chié de merde, en plus je vais devenir célèbre ! Chié ! Finies les parties de poke avec les potes, ou les murges au bowling. Mais puuuutain de merde ! Je ferais aussi bien de me dessouder la gueule dès maintenant, sans déconner, ça va être un enfer, fait chier !
Bon, en attendant, ici, ça a l’air correct. Plage de sable blanc, fin et doux, genre de plantes brunes et verdâtres au bord de la plage, genres de fruits jaunes et rouges qui pendent des genres de plantes, genres d’oiseaux blanc et bleu qui volent autour, vent doux et frais, clapotis et mer turquoise, pas mal. Dix jours de vivre dans la capsule, si j’arrive à redécoller, et qu’il y a pas trop de dégâts, ça baigne. Enfin, ça baigne… l’enfer, oui ! Merdeuuu !
La plage s’étend et disparait de part et d’autre dans une courbe. Y’a des genres de plantes avec des genres de fruits jaunes et rouge tout le long. Super varié ! Et ça parait infranchissable tout le long. Super accueillant ! J’espère qu’il y a pas des genres de mecs avec des genres de flingues de l’espace qui me guettent derrière les genres de plantes ! Je caresse la crosse de mon désintégrateur néo-Bensoussan. Pas le dernier modèle, mais je suis pas mauvais au tir. Saloperie d’extra-terrestres !
Je m’approche du bord. Dans la mer, y’a du sable blanc, et rien d’autre. C’est gai ! Je traverse la plage et je m’approche des genres de plantes. Elles sont moches, avec des peluches piquantes dans tous les sens, et des grosses feuilles toutes pareilles, entre marron crotte et vert bouse. Ça fait un rideau ultra dense, infranchissable, c’est confirmé. Je vais à la capsule. J’ouvre le capot du contrôleur extérieur. Je switche l’ordi, et j’envoie le diagnostic complet. Y’en a pour deux heures. Fait chier. Qu’est-ce que je vais foutre pendant deux heures, merde ? Pas une goutte d’alcool à bord, en plus. C’est interdit depuis trois mois, et c’est super contrôlé. Fait chier, merde ! Saloperie de Guilde de merde !
J’ai à peine le temps de m’ouvrir un paquet de biscuits que ça se met à sonner. Ben voyons ! Je m’approche de l’écran, mais je devine déjà le genre de message. Vraiment pas mon jour… ça commence à craindre sa race, putain… Je vois juste « 2 » et « 1 ». Après, ça s’éteint. Plus de jus. Youpi. Ça a déchargé en rentrant dans l’atmosphère. Une chance sur dix millions aussi. Si tu multiplie par les autres dix millions, ça fait un nombre que je connais même pas son nom. Vraiment pas mon jour. J’ai comme un petit coup de mou, moi. Il va me falloir un ou deux siècles pour recharger la batterie avec le panneau solaire de secours, et de toute façon, comme c’est barré, elle tiendra pas la charge. Dix jours de nourriture et d’eau. Après, fini. Même pas de quoi se prendre une dernière biture. Bordel. Fait chier.
Jour 2
Putain de merde, le bordel que ça a fait, cette nuit ! Ce soir, je me mets dans la capsule ! J’ai rien vu, et pour cause, mais y’avait des trucs vivants autour de moi, ça c’est sûr. Des trucs muets, mais remuant ! Saloperies ! Des petits trucs, d’après le bruit, des trucs un peu hauts, peut-être les piafs bleus qui font des saloperies sur la plage la nuit ? Ça s’est pas approché de moi. Heureusement pour leur petite gueule, parce que j’avais désengagé la sécu de mon néo-ben, et que j’étais prêt à tout. Pas dormi, quoi… Saloperies ! Crever de faim et d’ennui ça va déjà pas être super poilant, alors bouffé par des bestioles hystériques et noctambules, non merci ! Sans déconner !
Je fais le tour de la plage, et ça me prend un quart d’heure. Putain ! Je suis sur une île toute ronde et toute petite, avec que des saloperies de genres de plantes impénétrables tout le long de la plage, et rien, jamais, à l’horizon, ni dans le ciel, ni la nuit, d’ailleurs, je sais pas pourquoi, on voit même pas les étoiles. Elle est complètement ratée, cette Terramorphe. Ou alors, c’est moi qui ai choisi le coin le pire… ça doit être plutôt ça, vu la chance que j’ai depuis hier… Saloperie de chié…
Revenu devant la capsule je cueille un genre de fruit bien jaune et un genre de fruit bien rouge avec un coupe boulon à long manche. Je les explose avec le même, et je m’éloigne de vingt bons mètres, vu l’odeur, pas violente, mais franchement immonde, qui s’en échappe. J’aurais même pas dû essayer. Putain… Les genres de feuilles et les peluches à piquants sont recouverts d’un genre de cire blindée que la mâchoire du coupe-boulon n’entame même pas. Les oiseaux, y’en a trois, et ils sont hyper speeds. Et merde… Dix jours de biscuits à la con et de bortsh en sachet. Ça va être varié, comme agonie ! Fait chier !
Jour 3
Fait chier, putain ! J’ai pas tenu une demi-heure dans la capsule ! Je préfère encore le grouillement des bestioles de la plage que la chaleur qu’il fait là dedans. Le mec qui a inventé cette merde, il a jamais campé avec sur la plage, je peux vous le garantir !
Le jobaya est mort, plus rien à en tirer… Putain de merde ! Pourquoi je pense à ça moi, c’est complètement con !
Au réveil, je me trempe l’index droit dans la mer. C’est complètement con aussi, vu que je suis droitier, mais c’est trop tard. Trois heures après, comme l’index n’a pas bougé, je me dessape, et je me baigne. Je sors au bout d’une minute, elle est vraiment froide. Fait chier, là, non ? Ça va peut-être aller comme ça, là, non ?
Jour 4
Putain, tu vas pas me croire ! Ce matin, y’a un truc sur la plage, à côté de la capsule ! Une boite ! Putain ! Une petite boite en bois ! En bois, pas en genre de bois ! Putain ! Avec un bouton rouge dessus ! Putain ! Je me rue dessus. Putain de bordel de saloperie de merde ! Mais c’est pas vrai ! Y’a de l’acide dans l’air, ici, ou quoi ? Y’a une étiquette, sous le bouton ! Putain de merde ! Une étiquette ! En français ! Saloperie de merde ! Une étiquette en français ! Non mais tu saisis ? Une étiquette en français sur une putain de boite de merde avec un bouton rouge à la con ! Sur une plage de merde à plus de dix milles années lumières de toute trace connue ! Non mais putain de merde, tu vois le truc ? Et sur l’étiquette, y’a marqué quoi ? Hein ? Devine ! Si, si, au point où on en est, je suis sûr que tu peux deviner ! Saloperie ! « Ne jamais enfoncer ce bouton !» Ben tiens ! Avec une flèche vers le bouton, au cas où on aurait pas compris ! Fait chier, tiens !
Jour 11
J’ai tenu. Mais merde, ça a pas été facile ! C’est que l’idée m’est venue juste après la découverte de la boite. Je me suis dit que si jamais, (genre une chance sur dix millions de fois le nombre que je connais pas son nom), si jamais il devait se passer quelque chose après avoir appuyé sur le putain de bouton, autant garder ça pour la fin. Au moins, ça faisait comme un but, comme un truc à faire, quoi, et ça allait être un tout petit peu moins chiant, avec le suspense. Bon, minable, nul à chier, comme suspense, d’accord, mais suspense quand même.
J’ai vachement pensé. Je me dis qu’il y a de fortes chances que ce soit une hallu, cette boite... Peut-être même la plage, et le crash, va savoir ? Putain…Mais d’un autre côté, est-ce qu’il est possible de penser qu’on est en train d’halluciner, si on hallucine vraiment ? À certains moments, je me suis dit que c’était une caméra cachée, un genre de blague humiliante pour faire se marrer les téléspectateurs, comme ils faisaient autrefois. Ça me redonnait la patate, cette idée ! On allait se foutre de ma gueule, mais j’en sortirais sous les applaudissements ! Saloperie de 21ème siècle de merde ! Heureusement qu’on en est plus là, quand même ! Conneries !
Enfin…
Fait chier….
Là, ce matin, j’ai faim, et j’ai soif. Plus rien depuis hier midi… fait chier…
Je me donne jusqu’à demain midi. La faim, encore, je pourrais tenir un peu plus, mais la soif, je crains trop la dinguerie, les délires, tout ça… Fait chier…
Jour 12
J’ai l’intérieur de la bouche qui a commencé à enfler cette nuit. Fait chier ! Allez zou, c’est ça, ou le néo-ben ! Putain de merde ! Je vais quand même pas passer le reste de ma vie à agoniser, non ?
Je regarde un dernier coup l’horizon avec le petit soleil qui se lève, j’appuie sur le bouton, et je suis incapable de te dire ce qui se passe ensuite.
Fait chier.
Guilde. Service de recherche N°3. Salle de contrôle 12
- Alors ?
- Onze. Toujours pareil : le suspense, l’histoire, c’est ça qui les tient ! Celui-ci a eu quelques pensées originales…Plus qu’une chance, mais je n’y crois plus.
- Ouais, moi non plus.
- Je ne comprends pas à quoi elle sert, cette expérience.
- Moi non plus. C’est vraiment n’importe quoi, les pauvres mecs !
- Oh, c’est que des routiers, quand même !
- Ouais, mais celui-là, c’était marrant comme il s’exprimait !
- Comme il pensait, tu veux dire ?
- C’est pareil !
- Ouais, c’est pareil ! Dommage pour la planète, surtout !
- C’est que des troisième catégorie, loin de tout. On s’en fout, des planètes !
- T’as raison, on s’en fout, finalement… Allez, au boulot ! Comment il s’appelle, le dernier ?