J’ai des vivants et des morts dans mes étagères

J'ai traîné le gros Charles sur les marches de l'escalier  
Marre de ses cuites, de ses jurons, de son slip sale  
Il crissait comme une voiture et un mauvais freinage  
-M'OUBLIE PAS SALE FILS DE PUTE!!  
-MEME UN VIEUX DE 70 ANS PEUT TE METTRE UNE BRANLEE  
-JE VAIS REVENIR   
On lira partout  «UN ECRIVAIN CELEBRE FINI SA VIE ENTRE NIETSCHE
ET K.DICK»  
J'ai coupé Vissotski en deux dans un élan de karaté  
Sur le parking d'en face et dans la tête des fous  
Marre de le voir se gondoler sur mes mains en lino
«tu crois qu'il est temps, quand passe le vent  
sur la glace des enfants, 
de digérer un peu  
l'étoile qui réveillent les gens, 
leur faisant croire qu'elle les aime»
Pose ta gratte Vladimir, et jette la dans le feu de la révolution 
qui ne vient pas, et on chantera partout  
«LE CHANTEUR RUSSE 186 FINIT LA COLONNE VERTEBRALE SECTIONNE 
ENTRE KANDINSKI ET CHOAMSKY, LA GAUCHE ENFIN REUNIE»  
Les autres cadavres sont rangés par ordre non alphabétique  
Posés en vrac dans un coin de ma tête, derrière le canapé 
et sous le radiateur le tout par paquet de vingt-trois, 
chacun ses superstitions  
-CHARLES, FOUT MOI TES CANNETTES A LA POUBELLE ET PRENDS 
TES CHATS ET FERME TA GUEULE VOLODIA  
L'espace se fait trop petit pour les morts 
et les cadavres des arbres,   
et je n'ai pas d'oiseau pour chier 
sur la littérature.