J'ai pas envie d'embêter tout le monde avec mes histoires

Déborah Bora

Texte autobiographique d'un Monsieur dyslexique dont j'ai été partenaire d'écriture.

J'ai pas envie d'embêter tout le monde avec mes histoires.


Denis Derancourt


1 J'ai pas l'impression d'avoir eu une enfance triste. Mes parents avaient une ferme à Chaumont sur Taronne dans le Loire et Cher. J'aimais bien être à la ferme. Pourtant, mon père était difficile. Il était régisseur de la ferme. Fallait pas l'énerver, fallait pas faire de bêtise. Maman. Elle s'occupait de la maison. C'est drôle, aujourd'hui j'arrive plus à lui dire « Maman », comme avant…C'est difficile. En plus, on se vouvoie dans notre famille. Quand je l'ai au téléphone, je commence juste en lui disant bonsoir. Mais j'ai pas envie d'embêter tout le monde avec mes histoires. Quand j'étais petit, j'allais à l'école avec ma sœur Claude et mon frère Vincent. On n'était pas dans la même classe, mais on faisait le chemin ensemble. J'allais dans une école pour garçons à côté de l'école des filles. Et dans la cour il y avait un mur qui nous séparait. C'était loin de la maison, mais on y allait à pied parfois. Je me souviens qu'un soir, Papa n'était pas venu à la sortie, et alors on a du rentrer tout seuls. Et comme la nuit commençait à tomber et qu'il fallait traverser un sous-bois, ma sœur, Claude, avait peur et me portait dans ses bras. Pourtant je savais marcher. J'avais que trois ans, mais je savais marcher. Elle devait avoir plus peur que moi. Je me souviens un peu de mes frères, mais ils étaient plus grands. Avec Vincent, on était frères ennemis. On s'entendait bien, mais je me souviens qu'on se bagarrait souvent. Il y avait de la jalousie entre nous. Peut être parce qu'on était plus proches en âge. Ca arrive parfois. On était sept enfants : en premier Benoit et Jean-Marie, Anne-Françoise, ma sœur Claude, Vincent puis Rémy. Ah, et je me suis oublié ! Je suis le cinquième. Après Claude. Je m'amusais bien avec Claude. Je me souviens qu'on allait chez nos grand parents maternels pendant les vacances, et on jouait aux marchands de lunettes parce qu'il y avait plein de lunettes. Par contre, moi j'avais déjà des lunettes parce que j'étais nyope . C'était bien. Mais tout ça, c'était avant mon accident. Je ne savais pas ce que j'avais, mais je sentais qu'il y avait quelque chose. Avant l'accident j'ai senti… je me rappelle bien que ça n'allait pas trop dans moi. J'ai senti que je n'arrivais pas à suivre. Je me sentais à l'écart des autres. On ne m'a jamais expliqué ce que j'avais, je l'ai entendu. Quand elle m'inscrivait quelque part maman disait: « diséxy ». Mais on ne m'a jamais expliqué. Je ne saurais pas dire à partir de quand j'ai compris. C'est trop diffus. Les phrases, les lettres, je les confonds. C'est rien en fait. Il y a beaucoup de gens qui le sont. Même un peintre connu. Einstein aussi l'était ! J'ai des images de mon accident qui me reviennent, mais je ne me souviens pas de tout. Je me souviens être resté longtemps à l'hôpital. Cinq ans. C'était à la sortie de l'école. J'ai traversé, il y avait deux DS, une traction m'a renversé. J'ai failli d'aller au Paradis. J'avais les deux jambes cassées, et après, en sortant, je ne marchais pas bien.... 



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