Je me souviens. 118.

Marc Laroche

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Je me souviens des hublots en forme de triangle arrondi de la Caravelle. Il m'a été beaucoup donné de voyager à bord de cet avion dans ce qui fut sans doute la dernière décennie de son utilisation par les compagnies aériennes: de 1970 à 1980. 

J'aimais ces avions pour l'élégance de leur ligne, pour les réacteurs disposés en "oreilles" à l'arrière de la nacelle, pour les ailes minces au tracé en épure, justement débarrassées du fardeau des moteurs suspendus, pour l'accès par l'escalier arrière qui nous faisait traverser le compartiment (si étroit!) réservé aux hôtesses, pour le dessin de la dérive et pour la flèche bleue d'Air France qui s'y arrondissait, je l'aimais pour les noms peints en italique sous le poste de pilotage, ces noms des anciennes provinces françaises: Dauphiné, Alsace, Limousin; j'ai même voyagé sur la caravelle Grenoble, la seule qui eut reçu un nom de ville, en hommage, paraît-il, à l'ingénieur en chef qui présida à sa conception.

je sais qu'en dépit de toutes ses qualités, on n'en construisit que 280 exemplaires, et que ce relatif insuccès commercial fut à l'origine d'une grande remise à plat des tenants et aboutissants de l'industrie aéronautique, qui devait déboucher, des années plus tard, sur la conception "familiale" et européenne des Airbus. 

Le souvenir peut-être le plus vif est lié à un voyage très précis, celui que je fis en mars 1980, un vol direct Annaba-Paris: lorsque je débouchai à l'arrière du fuselage, je lus le gros titre d'un journal déployé par un voyageur déjà installé: "Sartre est mort".

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