Je suis Jack

edeneige

Je suis la petite absence des matins de JACK. Je suis les quelques minutes avant l'aube, là où la nuit se conjugue encore aux derniers rêves. Je suis les pas ridiculement lent et chavirant qui s'abandonnent aux regrets des éphémères sollicitudes ratés. Je suis la sale musique à la con qu'on a récupéré dans une soirée paumé et qui ressac dans la petit boite noire de son crâne en décomposition. Je suis la pluie fine qui tente vainement de laver l'Humanité encore endormi. Je suis les phares qui courent dans le lointain des urbanités décimées. Je suis le pantalon mouillé de JACK. Je suis les clés oubliées sur le comptoir d'un bar anonyme. ...ou ailleurs. Je suis la direction de la maison qui a prit la poudre d'escampette. Je suis "the last mégot of that fucking night". Je suis la fatigue comme hymne national. Je suis un corps échoué sur un récif de macadam. Une existence qui coule dans le caniveau des si courtes possibilités. Je suis un appel. Dans la nuit qui vient juste de décéder.

Je suis les dernières images de JACK. Le court métrage d'une courte existence. Le cri THX d'un plan séquence de plusieurs années. Le synopsis de travers et vogue la galère. Peu de dialogue, sans être du muet. Une affiche sans stars, sans artistes de renom, sans grandes gueules, sans nombril polissé vu sur la croisette. Un budget ouzbek. Un film d'art mais sans essais, à la limite du contrat-ceptuel. Je suis le début, je suis la fin mais avec un grand écart vide entre les deux. Je suis le soporifique assit dans le siège vert d'un cinéma de banlieue. Je suis la timide quinte de toux. Je suis les murmures et les rires cachés des rares spectateurs. Je suis la pluie qui accompagne les sorties. Je suis le ticket dans la poche qu'on garde pour se souvenir de ne pas revenir. Je suis une soirée avec un arrière goût. je suis une critique assassine dans un journal dont on ne se souvient pas du nom. Je suis le petit bouton blanc dans le grand dos du cinéma. Un truc qu'on finira par crever pour le faire disparaître.

Je suis les pattes noires du chat de JACK. Je suis l'ombre féline qui court sur les murs. Je suis le silence qui grimpent les escaliers du grenier. Je suis les trophées des souris déposées devant la porte. Je suis les ronronnements sous le vent chaud des soleils à midi. Je suis les feulements qui dévorent les crépuscules feintes de l'humanité entière. Je suis les griffes qui lacèrent la peau des nourissons. Je suis le chat blanc. Je suis le chat noir. Je suis le gentil minet. Je suis l'affreux matou. Jamais là, toujours indivisible. Je suis les traces de coussinets dans la neige qui disparaissent derrière l'inévitable palissade. Je suis le petit animal de compagnie qui se plait à dormir à l'ombre des yeux de tigre. Je suis le pelage d'une trahison annoncée.

Signaler ce texte