Je suis né sous une bonne étoile

My Martin

jaune

Lucien Ginsburg / Serge Gainsbourg (pseudonyme, avril 1957)

né le 2 avril 1928, à Paris (4e)


*


Famille de Juifs ashkénazes d'origine russe (Odessa, Ukraine).

Père, Joseph Ginsburg    Constantinople, 1896 - 1971. Joseph peint. A bord du Transsibérien, sa toile préférée, qui représente son épouse, lui est volée. Il ne peindra plus. Il se consacrera à la musique (piano).

Mère, Brucha Goda Besman (Olia ou Olga)     Crimée, 1894 - 1985. Chanteuse mezzo-soprano.

Immigration.25 mars 1921. Bateau, port de Marseille.

8 avril 1921, gare Paris Saint-Lazare. Ils rejoignent Jacques Besman, le frère aîné d'Olga, qui travaille pour la banque Louis-Dreyfus. Installé à Paris en 1913


Paris, Joseph est pianiste de bar et de cabaret.

Paris, Olga chante au conservatoire russe.


1922. Naissance de Marcel, qui meurt à seize mois d'une pneumonie

1926. Naissance de Jacqueline

1928. Olga veut avorter, n'y parvient pas. Naissance de Liliane et Lucien, faux jumeaux.


9 juin 1932. La famille Ginsburg obtient la nationalité française


Joseph enseigne le piano classique à Lucien puis l'oriente vers la peinture.

Joseph joue dans les stations balnéaires à la mode -Arcachon, Deauville, Cabourg, Le Touquet. Lucien suit

1940. Lucien (12 ans) est inscrit à l'École normale de musique de Paris, 114 Bis boulevard Malesherbes (17e).


*


1940. Joseph inscrit le jeune Lucien, 13 ans, à l'Académie de Peinture de Montmartre, 104, Boulevard de Clichy (18e). Lors de sa rentrée en cinquième.

Lucien découvre la peinture, son rêve d'enfant. Habilité technique.


"Arrive cette fille. Je la fais entrer parce que j'avais déjà la galanterie dans le sang, j'avais lu Flaubert... Elle se fout à poil. Bordel. Pour moi, vierge, moi petit garçon, pour poser, elle se fout à poil. Putain. Alors là, je peux dire, là, instinctivement, treize, quatorze ans, je me dis : "Il doit se passer quelque chose, avec une fille ; je ne sais pas ce que c'est... Parce que moi, je n'avais pas le droit de faire du nu - j'étais sur les plâtres, c'est-à-dire la Décadence romaine, les fusains... Je dessinais. Alors, je tournais le dos pudiquement à cette fille, mais elle m'a... bouleversé. Je trouvais ça absolument bouleversant, son strip-tease."


Ses professeurs sont

Fernand Léger   1881-1955  (cubiste / tubiste). Il déteste, ne suit pas ses corrections. « Léger ? Un lourd … »

Charles Camoin   1879-1965  (fauvisme méditerranéen). Jean Puy   1876-1960  (fauvisme sage)

André Lhote (petit maître cubiste). Influence déterminante. Visites aux musées, cours théoriques.

Lucien passe des journées au Louvre, surtout le dimanche (gratuit). Il étudie les toiles des maîtres. L'Atelier du peintre (1855), Courbet. La mort de Sardanapale (1827), Eugène Delacroix. L'homme au gant (1520), Titien. La bataille de San Romano (1438-1456), Paolo Ucello.


Le Martyre de saint Sébastien" (1480), Andrea Mantegna. Supplicié extatique.

"Il n'y a rien de plus beau que la femme. Ou alors si : il y a un corps sublime, sublime ! C'est le Saint-Sébastien. Le Saint-Sébastien de Mantegna est une sorte d'orgasme dans la souffrance. C'est trouble, il y a une approche un peu sexuelle... La sexualité rejoindrait le mysticisme - la Mystique..."


"La peinture m'a marqué. J'avais trouvé un art majeur qui m'équilibrait, qui m'équilibrait intellectuellement. La chanson et la gloire m'ont déséquilibré. J'étais heureux avec la peinture..."


"Je voulais faire de la peinture comme en faisait Raphaël mais ça impliquait un mécène derrière moi, et je me suis toujours méfié de ce qu'il se passe derrière moi."


Il signe ses toiles   Ginsbourg.


*


Adolescent. "J'étais timide. Timide et laid. Je me souviens d'une “boum” où, dès mon arrivée, l'ambiance est tombée. Les filles se sont arrêtées de rire et de danser. J'ai foutu en l'air comme ça des tas de soirées."


*


Début Eté 1941. Occupation allemande.

L'oncle de Lucien (frère de sa mère Olia), est envoyé à Auschwitz. Il ne reviendra pas.


Grave maladie (péritonite tuberculeuse, diagnostiquée par le professeur Robert Debré -59 ans-, 1882-1978, l'un des fondateurs de la pédiatrie moderne). Rachitisme. Six mois en convalescence


... Dinard, Nice, Lyon


Les métiers artistiques sont interdits aux Juifs, Joseph n'a plus d'engagements. 1942. Pour trouver du travail et échapper à la misère, Joseph passe en zone libre.


Septembre 1942. Lucien (14 ans et demi) est inscrit en 3ème au collège privé Du Guesclin, Rue de Turin, Paris (9e) -pas cher, quartier populaire

Lucien porte "sa bonne étoile jaune". « Je suis né sous une bonne étoile… jaune ». « Une étoile de shérif ».


Janvier 1944. La famille rejoint Joseph dans la région de Limoges.

Haute-Vienne. Grand Vedeix, à 3 km du bourg de Saint-Cyr. Faux papiers (nom de famille, "Guimbard")

Les filles, Jacqueline et Liliane, sont cachées chez les religieuses de l'école du Sacré-Cœur, à Limoges. Les parents, 13 Rue des Combes (n° 11 actuel).

Lucien "Guimbard", dans un collège public, à Saint-Léonard-de-Noblat (20 km de Limoges). 16 ans, pensionnaire. 1944, quelques mois en classe de seconde

« Un jour le directeur de l'établissement me convoque et il me dit :

« Mon p'tit gars, il va y avoir une descente de la Milice pour vérifier s'il n'y a pas de Juifs à l'école, alors voilà ce que tu vas faire : tu vas prendre cette hache et te cacher dans les bois. Si on te demande quelque chose tu diras que tu es fils de bûcheron. »

Je m'en vais donc comme le Petit Poucet et je me construis une petite hutte, c'était l'aventure. Pas de chance, au moment où la nuit tombe, un orage éclate : en moins d'une heure, je suis trempé jusqu'aux os. Le lendemain, des petits garçons sont venus m'apporter à manger. Quand le terrain a été libre, je suis retourné au collège. »


*


Commission spéciale mise en place par Vichy. Loi du 22 juillet 1940


Déchéance de la nationalité française   ... dont

1940. Général de Gaulle.

L'affiche dite de l'Appel du 18 juin 1940. "... Des gouvernants de rencontre ont pu capituler, cédant à la panique, oubliant l'honneur, livrant le pays à la servitude. Cependant, rien n'est perdu ! Rien n'est perdu, parce que cette guerre est une guerre mondiale..."

La nationalité française est retirée à ceux qui quittent la France pour rejoindre la résistance à Londres.


1940. Le général Leclerc -Philippe de Hautecloque. A la suite de son engagement dans les Forces Françaises Libres (FFL).


A la suite au décret du 6 septembre 1940, les membres de la célèbre famille juive Rothschild sont déchus de leur nationalité française.


1940. Venus pour travailler, trop d'étrangers ont obtenu la nationalité française. Le gouvernement de Vichy réexamine sa politique en la matière. Environ 15 000 personnes sont ainsi dénaturalisées.

...


« Exerçant la profession de pianiste, le nommé Ginsburg qui se déplace fréquemment réside actuellement à Lyon. […] Sa fille Jacqueline, titulaire d'une carte d'identité au titre de lycéenne avec la mention “juive”, fréquente le lycée Jules-Ferry avec sa sœur Liliane. Son fils Lucien est inscrit au collège Du Guesclin. […] Il ressort néanmoins que l'intéressé a quitté la capitale en 1941 pour la zone libre pour s'éviter des ennuis en raison de sa confession », notait l'enquête de police. La commission adéquate décide donc le « retrait général » de la nationalité française à la famille.

« Israélites sans intérêt national ». « Retrait général » de la nationalité française


Enquête de police retrouvée en 2010. Décédé en 1991, Serge Gainsbourg n'a pas eu connaissance de la dénaturalisation de sa famille


*


19 au 24 août 1944. Les Alliés libèrent Paris

 

Automne 1944. Retour à Paris, lycée Condorcet. 8, rue du Havre (9e). Décrocheur. Peu avant le bac, Lucien (16 ans) quitte le lycée.

Il s'inscrit à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts (architecture). 14, Rue Bonaparte (6e). Élève libre. Il abandonne (nul en maths. Marqué par un stupide bizutage)


*


1945. 17 ans. "À force de voir toutes ces filles devant mon chevalet, ça commençait à me démanger sérieusement. Évidemment, j'étais fauché. Mais je me suis décidé à me payer une petite “pute”. Je suis allé du côté de Barbès où je suis tombé sur un groupe de cinq prostituées, cinq pauvres gamines, et dans mon émoi, j'ai choisi la plus nulle et, aussi, la plus gentille. Quand elle a refermé la porte de la chambre, j'étais mort de trac et je lui ai dit que je n'avais jamais fait ça. C'est elle qui m'a appris l'amour physique."


*


Jusqu'à trente ans, Lucien vit de petits métiers. Professeur de dessin, de chant, surveillant, ...


*


Paris (7e). 5 Bis Rue de Verneuil. Petit « hôtel particulier » (130 m2. Anciennes écuries). Domicile de Serge Gainsbourg pendant 22 ans, de 1969, à son décès, le 2 mars 1991 (crise cardiaque, 62 ans)

1968 à 1980. Compagne, Jane Mallory Birkin (née en 1946). Naturalisée française

1971. Naissance de Charlotte


Jane, Serge, Charlotte et Kate. Kate (née en 1967), la fille de Jane / John Barry, compositeur britannico-américain de musique de film   1933-2011

Serge élève Kate comme sa fille. Pour Kate, Serge est son père. Kate, 1967 - défenestration. Suicide (?) 2013. 46 ans


*

Février 1969. Serge Gainsbourg et Jane Birkin. Je t'aime… moi non plus


Je t'aime, je t'aime

Oh oui, je t'aime

Moi non plus  ...

Je vais, je vais et je viens

Entre tes reins ...

Je me retiens

Non, maintenant

Viens


Quotidien du soir, publié par le service officiel d'information du Vatican, L'Osservatore Romano. "La chanson est obscène". Le 25 août 1969, les radios italiennes l'interdisent sur leurs ondes. le 10 septembre 1969, interdiction en Suède. Le 13 septembre 1969, en Espagne.

Un journaliste demande à Serge Gainsbourg : « Quel est le meilleur agent de publicité ? ». Gainsbourg répond : « Sans conteste, le Vatican ».


*

Mai 1973. Serge Gainsbourg (45 ans) est victime d'une crise cardiaque -la première d'une série de cinq. Il va « augmenter sa consommation d'alcool et de cigarettes ». En route vers Gainsbarre. Nuis alcoolisées.

Serge frappe Jane


Albums-concepts. Faible succès commercial. Les radios sont réticentes pour diffuser Serge, « difficile », en porte-à-faux avec l'air du temps


*


1971. Histoire de Melody Nelson. Idylle entre un homme mûr et une très jeune fille. Album écrit en collaboration avec le compositeur et arrangeur Jean-Claude Vannier (1973).


Melody


Les ailes de la Rolls effleuraient des pylônes

Quand m'étant malgré moi égaré

Nous arrivâmes ma Rolls et moi dans une zone

Dangereuse

Un endroit isolé ...

"Tu t'appelles comment ?"

"Melody"

"Melody comment ?"

"Melody Nelson"


Melody Nelson a les cheveux rouges

Et c'est leur couleur naturelle


*


16 novembre 1973. Vu de l'extérieur

Avec le tube "Je suis venu te dire que je m'en vais", titre emprunté à Paul Verlaine


Je suis venu te dire que je m'en vais

Et tes larmes n'y pourront rien changer ...

Je suis au regret

De te dire que je m'en vais

Oui je t'aimais, oui, mais


*


1975. Serge (47 ans). "Rock Around the Bunker", album enregistré à Londres. Pochette, beau dessin à l'encre de Chine (Serge)

"Avec des pleins et des déliés. Comme dans la vie : il faut des pleins et des déliés".

« Pour moi, cet album était évidemment un exorcisme ».

Pas de vagues médiatiques. Ni pour, ni contre l'album.


*

Nazi Rock


Voici venir la nuit des longs couteaux

... Sur vos boucles blondes les gars

Mettez fixatifs et corps gras

N'épargnez ni onguents ni fards

Venez avant qu'il ne soit trop tard

On va danser le

Ouais, on va danser le

Nazi Rock ...


*

Rock around the bunker


... Infâme napalm

Les flammes surplombent l'abîme

Goddamn, tout crame

Tout tremble et tombe en ruine

Rock around the bunker

Rock around, rock around ...



Signaler ce texte