JORO

LUCAS

De discrètes perles de sueur commencent à se former à la racine de ses cheveux, pas de bol, elles luisent dans la lumière des spots comme de petits cristaux mouvants qui se rassemblent le long de ses tempes broussailleuses, elles disparaissent ou forment de minuscules ruisseaux qui longent son cou et s’enfuissent dans le col de sa chemise poursuivant leur route souterraine entre ses omoplates. Encore quelques heures, pense-t-elle et la nappe phréatique ainsi formée inondera le tissu bariolé de fleurs tropicales. Elle sourit mais totalement intérieurement. Les yeux bleus délavés de l’homme plissés pour filtrer la lumière crue du plateau se tournent soudain vers elle, perçants inquisiteurs, leur éclat contraste avec  leur couleur passée de vieux jeans comme celui qu’il porte. Sous la table, elle n’ose regarder, elle imagine des tongs rafistolées ou des pieds nus cornés et crevassé. Que fait-il là ?

Son coté décalé de vieux baroudeur dénote tellement parmi les autres invités. Ils sont tous attablés, tirés à 4 épingles pour passer à la télévision, ceux qui rêvent de voyage, c’est le thème de l’émission : « Partir », mais qui ne partiront jamais. Elle en est certaine, Elle le voit à leurs fringues, à leur attitude de gens satisfaits d’eux-mêmes, à leurs poches gonflés par les Smartphones dernière version,  à la Rolex du présentateur qui dit « je vais m’autoriser un truc de ouf : 4 jours aux Maldives avec pension complète et Caïperina à volonté ». Seul le visage tanné au soleil de cet homme raconte une histoire, une histoire qui l’attire irrémédiablement.

Enfin l’animateur s’intéresse à lui, il l’appelle par son prénom, « Lucas ». C’est à la fois doux jeune et vieux, ce prénom, si elle a un fils, elle pourra l’appeler comme ça : Lucas  Qui sait ? Il est encore trop tôt pour le dire !

Absorbée par sa contemplation et ses pensées, Océane n’a pas entendu la question, Lucas non plus, visiblement, qui répond à coté et déclenche l’hilarité de la salle. Il dit « Fuir ?, mais fuir quoi ? Partir, ce n’est pas fuir, partir c’est renoncer » Elle est gênée pour lui, gênée pour elle, honteuse d’être parmi cette foule obéissante qui applaudie et rie sur commande, cette meute moqueuse qui ne comprend rien. Pourtant cette phrase mériterait plus de respect, plus de réflexion, elle sent que c’est peut-être là la clef que ce matin elle est venue cherchée, elle ne sait pas, peut-être est-ce le déclic qu’elle attendait ?

Il se lève, mais que fait-il ? L’émission n’est pas terminée, les techniciens lui font de grands signes, l’animateur tente une blague, le public rit,

-         j’ai soif, dit-il et il quitte le plateau. Les technisions avisés lancent la pub. Vite, il faut qu’elle le rattrape !

OCEANE

-                                                                           Emmène-moi ! »

La femme se  tient devant lui, lui barrant le passage dans ce corridor étroit qui quitte le plateau. Les WC sont juste derrière elle. Il faut qu’il les atteigne ! Il pourra enfin s’asperger d’eau fraiche et boire un grand verre d’eau !

Habitué aux chaleurs tropicales, il n’en peut plus de cet air sec, étouffant et vicié. Il veut retrouver l’air de la mer, la moiteur des embruns.  Quelques mètres à franchir à peine et Brise « fraicheur de l’océan » sera à sa portée, il rigole en pensant au désodorisant, il n’a pas encore perdu son sens de l’humour, son cerveau fonctionne encore !

Il voit les 2 lettres en relief se détacher de la porte, elles dansent devant lui comme pour le narguer, elles se transforment en vagues qui viennent lécher le corps de la femme, dont il ne voit pas les pieds, est-ce une sirène ? Son bateau lui manque, la liberté, la mer et le voyage aussi ! Un haro lumineux et flou tourne autour de la femme, tout tourne d’ailleurs ! Il délire ! Il se sent mal ! Emprisonné dans ce couloir, il faut qu’il sorte de cette fournaise qui lui dessèche la gorge ! 

Mais que fait-elle là devant lui ? Elle ne bouge pas ! Son gros ventre remplit tout l’espace. Il a envie de la bousculer, mais l’once d’humanité qui reste en lui l’en empêche. Il faut pourtant qu’il passe !  Ses jambes flageolent,  des montées de sueurs froides tentent d’éteindre cette chaleur cuisante, faible parade de son pauvre corps qui s’affaiblit de plus en plus, se liquéfie, se dérobe, obéissant à un instinct qui lui dicterait de fuir.

Il sent soudain un bras qui se glisse sous le sien, une main  qui l’entraine vers la porte entrouverte des toilettes, quelqu’un qui le soutient quand il penche la tête sous le lavabo, puis qui lui lisse sa mèche de cheveux rebelles quand il se relève. Il se laisse faire, il n’a ni la force ni l’envie de se dégager de cette emprise naissante. C’est elle, souriante, qui le porte. Elle le regarde bien dans les yeux, mais son regard doux répète l’ordre qu’elle vient de formuler : « Emmène-moi ! »

Les techniciens font signe, la publicité se termine, chacun reprend son poste. Pas lui, Lucas ne peux pas. Il ne peut pas non plus détacher ses yeux de cette femme qui a l’air si forte et pourtant si douce. Elle est retournée s’assoir comme si de rien n’était avec ses yeux ingénus et sa bouche énigmatique, elle ne dit rien, elle accompagne son copain qui va partir grimper l’Himalaya. 

-          Ça ne vous fais rien qu’il vous laisse comme ça enceinte » demande l’animateur perspicace,

-         C’est son rêve ! répond-elle. Moi aussi, j’avais des rêves…. avant de le rencontrer ! 

Elle sourit, son copain prend ça pour un encouragement, il prend la parole, tente de répondre à sa place, elle laisse dire, Lui seul, Lucas, perçoit qu’elle n’est déjà plus là !

SYNOPSIS

C’est l’histoire d’un homme qui a tout quitté pour suivre ses rêves !

C’est l’histoire d’une femme qui ne veut renoncer à rien malgré sa grossesse.

Qu’est-ce qui pousse Lucas, vieux baroudeur solitaire qui sillonne les mers du globe sur son voilier depuis 25 ans à accepter comme passagère Océane enceinte de 7 mois ?

Est-ce l’envie de renouer avec sa fille et son petit-fils qu’il n’a jamais vu ?

Et elle, que poursuit-elle ? Ses propres rêves où ceux de sa mère qui la prénommée ainsi car elle rêvait d’océan sans quitter les tours des Flanades de Sarcelles ?

Quel est ce mystérieux «  joro », cérémonie rituelle malgache, que Lucas a célébré avant leur rencontre ?

A travers leur épopée nautique autour de Madagascar puis vers la Réunion, c’est la rencontre de 2 êtres, 2 êtres en rupture qui ne veulent renoncer à rien ! Tout concilier : leurs rêves et leur vie de famille ! C’est aussi la découverte de la culture malgache, d’autres valeurs.

Mais, c’est, plongés face à la mort, suite à une attaque de pirates Somaliens, qu’ils se découvriront eux-mêmes.

C’est un livre fantastique  sur le choix, les choix que chacun fait dans sa vie et la liberté !