Journal aléatoire d'un alcoolique en sevrage
lafaille
Hier j'ai avalé le soleil en une bouffée d'air frais, j'ai titubé comme on prend le train sans penser à la première marche, j'ai attrapé la mouche en me souvenant de SANDRINE, j'ai décidé de tirer un trait définitif sur un futur amoureux, futur qui se transformera en passé, et que je contemple de ma chaise bancale dans ce présent de pauvre alcoolique en manque. Je regarde Reviens, je regarde Fout-Le-Camp, ils sont beaux à voir avec leurs gueules de bâtards, ils me ressemblent, les poils en plus et l'alcool en moins. Tiens quelqu'un sonne à la porte, c'est ma propriétaire, cette peau de vache déguisée en chatte sur le toit brûlant me fait les yeux doux avant de m'assassiner du regard. A chaque fois c'est la même chose, j'oublie. A chaque fois c'est la même chose je me laisse prendre au jeu de celui qui sera le plus fort. Elle gagne toujours. Elle a l'argent. Elle a la beauté. Elle a le pouvoir. Je cours chercher mon chéquier, je signe, je lui souhaite bonne journée. Je suis un idiot. Bonne nouvelle, c'est le jour de la pension. Allez les toutous, on va se faire un gueuleton, une terrasse chauffée, un steak accompagné de frites pour tout le monde pour finir en sieste repue. Le bonheur. Et personne pour nous faire chier. J'avais espéré la tranquillité, pas moyen. La vieille assise à côté me connait, c'était une de mes profs à la fac. Vous avez bonne mine qu'elle me dit. Je ne peux pas en dire autant d'elle, ce n'est pas qu'elle a vieilli, oui bien sûre elle a vieilli mais elle a toujours été laide, une laideur si abjecte qu'elle en est devenue belle pour les tarés dont je fais partie. J'ai toujours aimé les monstres. Les toutous l'aiment bien, ils squattent les chaises de sa table, la regardent et attendent le bout de viande qui tombera de sa main tremblante et ridée. Si l'on compte ses rides sur sa peau, obtiendra-t-on son âge ? Mais enfin tu vas avoir des problèmes, une femme ce n'est pas comme un arbre. Oui je sais, je préfère les arbres. Putain que c'est bon de manger à sa faim. Demain, je vais chez le coiffeur, ça fait longtemps, et pour une nouvelle vie qui commence, c'est bien de ratiboiser le bonhomme.