Journal de Cross, Chapitre 10
[Nero] Black Word
Le soir commençait à tomber et je n'étais toujours pas prêt. J'avais pris du temps pour placer le corps du vieil homme dans le congélateur, et encore un peu plus pour noter mes résultats.
Cet étrange liquide dans cet objet avait donc un goût de menthe, en plus d'être infini. Ce n'était pas grand-chose mais le fait que mon sujet de test soit un humain m'avais permis d'avoir ses impressions.
En rentrant à la maison, je revoyais l'expression de ce vieillard devenir livide à l'annonce de sa mort. Lui qui pensait vivre encore quelques années, cela avait dû être un sacré choc. Je me suis par la suite demandé si, à l'annonce de la mort, les réactions des gens étaient toutes similaires ou non.
Le vent frais était encore doux à cette période de l'année. Je remarquais, pour la première fois depuis le début de mon séjour, que cette marche ne me paraissait pas désagréable. C'était un moment de tranquillité, de sérénité, et je fus surpris de sourire à cet instant. Etait-ce dû aux progrès de mes recherches ? Ou parce que cette marche était vraiment appréciable ?
Arrivé cher moi, le temps d'enlever mon blouson, je vis mes parents devant la télé, en train de regarder un film. Ils se tournèrent tous deux vers moi.
"Alors mon garçon, tu t'es bien baladé ? Me demanda mon père.
- Si tu as faim il y a un gratin de pâtes encore chaud dans la cuisine, avec du saucisson. Me dit ma mère."
A cette annonce, mon estomac me rappela à l'ordre, un peu comme un supérieur qui viendrait à l'instant de se rappeler qu'il est mon supérieur.
"Ouais, c'était sympa. Merci."
Sans plus de cérémonie, je me servis une assiette de ce fameux gratin, accompagné de sept rondelles de saucisson, ainsi que de deux biscuits fourrés au chocolat pour le dessert.
Dans le salon, je mangeais tranquillement en regardant d'un œil distrait le film de mes parents. Un film qu'ils regardaient pour la énième fois, avec une scène où Bruce Willis enlève des bouts de verres de la plante de ses pieds, discutant à la radio avec un flic.
Hormis le bruit de la télé, ce moment fut d'une profonde tranquillité. Le repas finit, je m'étais allongé dans mon lit sans m'endormir, trop occupé avec mes pensées.
Je ne l'avais pas admis tout de suite, mais je venais tout de même de commettre un meurtre. Ce vieux était mort par ma faute, lui qui semblait avoir une certaine joie de vivre s'en était allé dans cette cave, le corps complètement desséché, avec moi comme dernière compagnie. Mais après tout, c'était un homme dont la vie n'allait pas durer. Peut-être lui avais-je épargné d'autres souffrances insupportables.
En retournant ces questions dans ma tête, je finis par m'endormir.
Il était déjà dix heures passé quand je m'étais réveillé. Sans me lever, je fixais le plafond en me demandant quoi faire. Contacter le CDC à propos de ma découverte ? Leur prouver ma valeur et leur demander de m'engager ? C'était bien beau d'avoir cet objet en ma possession, mais encore me fallait-il lui trouver une utilité. Sinon cela en reviendrait à l'étudier avant de le mettre de côté pour faire autre chose.
Ces réflexions me poursuivaient alors que je prenais mon petit-déjeuner. Mes parents étaient sortis, la maison était calme et silencieuse. Ce genre de moment où l'on sent la différence entre une maison isolée au milieu de la campagne et un appartement mal insonorisé dans le centre ville.
Avec des gestes presque monotones, j'avais préparé mes affaires et repris la même marche en direction de la ville. Les étendues de la nature entrecoupées par la civilisation, l'odeur de la campagne et des bêtes couplées avec un brin de pollution, le bruit des voitures, des tracteurs et des oiseaux, j'en profitais sans vraiment y faire attention. Me demandant surtout ce que j'allais faire à présent.
J'avais recueilli bien assez d'informations sur ce verre, toutes celles qui m'avaient été disponibles. La seule manière d'en apprendre plus aurait été que je boive moi-même cette eau, ce qui était, pour des raisons évidentes, hors de question.
Mes pensées furent rapidement balayées par la surprise qui m'attendait, la porte d'entrée poussiéreuse du bar complètement défoncée, arrachée de ses gonds et renversée, laissant libre accès au reste des lieux.
Une fois à l'intérieur, j'entendais des bruits de pas lourds et rapides à l'étage, venant de quelqu'un qui s'amusait à fouiller sans ménagement.
Passant derrière le bar, prenant soin de faire le moins de bruit possible, je fis mon entrée dans la réserve. Pour fouiller ainsi à l'étage, cet intrus devait être la depuis peu de temps. Restant debout devant l'escalier, je me demandais quoi faire.
Il avait sûrement dû trouver mon bivouaque de fortune et se questionner à ce sujet. L'objet était resté dans la cave, posé au milieu des joueurs du baby-foot. La meilleure façon que j'avais de me débarrasser de l'étranger était soit de lui faire boire l'eau, soit qu'il parte de son propre chef.
"Putain !" Je l'entendis marcher rapidement, limite courir, jusqu'à l'escalier, apparemment très remonté pour une raison inconnue. L'idée de fuir à l'extérieur me vint, mais je n'étais pas assez rapide. A cause de l'hésitation, il avait entamé sa descente et m'avait repéré alors que je venais juste de m'engager vers la sortie.
"HEY TOI !!"
J'eus à peine le temps d'arriver jusqu'au bar de je sentis sa main agripper le col de mon blouson. Il me tira en arrière, me retourna contre le mur et me souleva du sol, tenant mon col avec les deux mains.
Si proche de son visage, je le reconnu immédiatement. C'était le blond que j'avais vu la veille avec sa bande. De mon point de vu, j'avais remarqué qu'il était bien plus grand que je ne me l'étais imaginé, ses yeux remplient de haine ne m'aidaient en rien à le trouver sympathique. C'était ce genre de regard qui indiquait que la personne qui le lançait avait bien plus envie de frapper que de discuter.
"T'es qui toi binoclard ?"