Journal de Cross, Chapitre 12

[Nero] Black Word

Voici le douzième chapitre de l'histoire. N'oubliez pas de me donner votre avis dans les commentaires. =)

Les heures s'étaient écoulées comme l'eau dans un fleuve. Le temps que le blond finisse par s'épuiser tout seul, il devait déjà être près de cinq heures et demie. S'ensuivit une courte période où je n'entendais que ses insultes, avant que ne vienne le moment du silence.

Je ne saurais dire si c'était dû au peu de vie dans ce village où à cause d'une propagation de surdité chez les habitants, mais le bordel qu'il avait provoqué pendant ces heures n'avait alerté personne.

Je m'étais avancé jusqu'à l'entrée de sa geôle de fortune, prenant une place aussi confortable que possible sur ma barricade, et j'avais toqué sur le bois.

"Toujours vivant le grand blond ?"

Je n'eus, pour toute réponse, que le bruit sourd d'un coup contre la porte.

"Je prends cela pour un "Oui, je me sens plutôt bien."

- Va te faire !

- "Parfaitement bien" je dirais même."

Mais sa voix semblait plus fatiguée, trop fatiguée pour exprimer autant de colère qu'en début d'après-midi. Ce qui était une bonne chose pour moi.

Durant un instant de calme complet, je pris le temps de récapituler la situation. J'étais dans un bar abandonné dont la porte était à présent renversée, avec un gars connu de ce village retenu contre son gré dans la cave. Le verre était lui aussi dans la pièce du bas, toujours à trôner sur le vieux babyfoot, et le vieux que ce blond recherchait en venant ici était allongé dans le congélateur sur le dernier propriétaire légal de ses lieux.

Cette situation n'était vraiment pas ordinaire, mais elle ne pouvait pas s'arrêter ainsi. Je ne pouvais pas rentrer à la maison en laissant cet individu seul, ce serait prendre le risque qu'il disparaisse ou meurt en mon absence. Après cela, la récupération de l'objet serait bien plus difficile. Le simple fait d'être dans ce village serait bien plus difficile. Il me fallait agir.

" Tu as besoin de quelque chose ? À manger ? Ou peut-être à boire ?

- Besoin que tu la fermes."

Sa fatigue était palpable, et sa position actuelle ne l'aidait en rien.

"Comment tu t'appelles ?"

Aucune réponse ne me vint, pas un son, pas même le bruit de son poing contre la porte.

" Ecoute, je ne pense pas que tu ais envie de rester enfermé dans cette cave éternellement, sachant qu'il n'y a rien pour te nourrir et que concernant tes apports en eau… il n'y a qu'un verre posé plus bas. Et c'est tout. Dans cette optique, je ne pense pas que tu ais envie de rester bloqué dans cette situation."

Il resta silencieux un instant avant de daigner me répondre.

" Qu'est-ce que tu me veux au juste ?"

Il n'en fallait pas plus pour me convaincre qu'il reconnaissait être en position de faiblesse.

"Comment t'appelles-tu ?

- … Arno.

- Arno, d'accord. Et tu vies dans ce village ?

- Nan, j'suis ici pour les vacances."

Je devais le faire parler, le mettre en confiance. Ainsi, quoi qu'il puisse arriver par la suite, je pourrais en tirer avantage.

" Tu fais des études ?

- Nan, j'bosse.

- Que fais-tu comme travail ?

- J'suis garagiste.

- Tu travailles en ville ?

- Ouais.

- Ce n'est pas trop dur comme travail ?

- Nan ça va. Y a des jours plus chiants qu'd'autres.

- Mais tu aime ce travail ?

- Ouais, c'est cool.

- Et tu fais de la moto aussi j'ai remarqué.

- Ouais, c'est cool aussi.

- C'est pour cette raison que tu es devenu garagiste ?

- Les motos, les caisses, c'est la classe. Tu peux aller jusqu'au bout du monde avec.

- C'est ça que tu aimes ?

- Ouais. J'aime conduire, bricoler et rouler. Et m'éclater avec mes potes.

- Et tu as de la famille ici ?

- Ouais, mes grands-parents. D'ailleurs, j'étais v'nus chercher mon papy."

Il était fatigué, ça ce sentait. Sans doute dû au fait qu'il avait forcé la porte pendant des heures sans le moindre résultat. Maintenant que l'on revenait au sujet de sa présence, il me fallait rester vigilant.

" Comment peux-tu être sur qu'il se trouve ici ?

- Il cherchait le chat d'mamie, lui il aime bien v'nir ici pour bouffer les rats."

Les rats, je les avais oubliés. Aux dernières nouvelles, ils étaient toujours dans leur boîte en plastique.

" Je comprends mieux. Mais tu ne l'as pas trouvé.

- Nan, je t'ai trouvé toi. D'ailleurs pourquoi tu m'as enfermé ici ?"

Avait-il déjà oublié que sa présentation fut très brutale ? Ou peut-être cherchait-il à comprendre la situation, maintenant qu'il commençait à m'interroger.

" Tu te souviens de la façon dont tu m'as agressé ?

- Ouais… ok, j'suis désolé mec. Maintenant tu m'ouvres ? J'commence à avoir la dalle.

- Si tu as envie de quelque chose, il y a toujours à boire en bas. Le temps que je fasse la place nécessaire pour dégager la porte.

- Ok."

Je fis semblant de déplacer ce qui encombrait le passage pendant que je l'entendais descendre les marches en ciment. Il ne semblait pas être un si mauvais bougre que ça au final.

Au bout de deux minutes, je l'entendis remonter l'escalier.

" J'ai juste trouvé un verre en bas, avec du jus de grenadine dedans, c'est le tien ?"

Du jus de grenadine ? Cette eau était sensé avoir un goût de menthe, alors comment pouvait-il me parler de jus de grenadine ? A moins que ce liquide ne m'ait pas dévoilé tous ses secrets. Il me fallait en avoir le cœur net.

" Arno, c'est ton sirop préféré la grenadine ?

- Ouais. Comment t'as d'viné ?

- J'ai eu droit à un coup de chance.

- Ok. T'as bientôt fini ?

- Heu… pas encore.

- Préviens-moi quand c'est fini, j'ai hâte de rentrer."

Malheureusement pour lui, il venait de se condamner au même sort que ses prédécesseurs.

 

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