Journal de Cross, Chapitre 16
[Nero] Black Word
Je reconnus le couinement familier des rats quelque part autour de moi. Il y avait également une forte odeur qui se faisait sentir, quelque chose d'écœurant. Une cloche semblait s'amuser à sonner directement dans mon système nerveux, accompagnant mon orientation et ma stabilité dans une valse aux pas anarchiques.
Puis la lumière vint brusquement apporter un semblant d'ordre quand j'ouvris enfin les yeux. Ecartant un instant la confusion de mes pensées pour me laisser prendre pleinement conscience de la vive douleur qui s'accrochait à l'arrière de mon crâne.
Je pris une profonde inspiration et me remémora les évènements passé avant le choc. Un grincement, quelque chose qui m'avait frappé, et puis le trou noir.
Le flou s'écarta enfin de ma vision et je pus en apprendre plus sur ma situation. Je ne portais plus mes lunettes et ma tête était lourde comme du plomb, je sentais une étreinte désagréable autour de mes poignets et mon corps était retenu par quelque chose qui m'empêchait de me lever d'une chaise. La même que j'avais utilisée pour patienter dans le salon du bar durant l'après-midi. Et je reconnus les lieux comme étant la cave de cet établissement poussiéreux, je me trouvais tout au fond de la pièce dans un espace qui avait été dégagé.
Mon rythme cardiaque n'avait pas attendu pour s'emballer pendant que je cherchais à me libérer de ces liens, tirant sur les cordes même si cela amplifiait la douleur. Mais je stoppais net mon entreprise quand des bruits vinrent à mes oreilles, les pas de quelqu'un qui descendait tranquillement l'escalier en ciment.
La forme vague de cet individu s'arrêta en bas des escaliers et je dus plisser les yeux au maximum pour tenter d'en savoir plus sur son apparence et son physique. Il ne semblait pas bien grand, très mince, habillé avec du blanc et semblant tenir quelque chose dans sa main. Il aurait pu avoir l'air d'un enfant.
Intrigué et hésitant, je parvins à articuler quelques mots sans être troublé par la peur.
"Qui… Qui êtes-vous ?"
Avec ma vision trouble, je ne parvins pas à distinguer s'il avait fait un mouvement en m'entendant parler, mais j'entendais le bruit d'un crayon à papier en train d'écrire.
S'il écrivait quelque chose, ce qu'il détenait entre ses mains devait être un carnet ou quelque chose qui s'en rapproche. Mais qu'écrivait-il ? Prenait-il des notes sur la situation ? Sur moi ? Etait-ce un pense bête pour se rappeler d'un ou plusieurs détails important ? Ou peut-être voulait-il que je lise un truc en particulier.
"Que me voulez-vous exactement, dites-moi."
J'entendis le bruit de l'écriture s'arrêter net et vis la forme de ce petit personnage se tourner vers moi et s'accroupir en tenant à présent quelque chose de noir dans sa main. Il posa cet objet sur le sol et le fit glisser dans ma direction, accompagné de petits claquements métallique sur le ciment.
C'était un couteau noir comme de l'encre plutôt fin mais de la taille de mon avant-bras. La lame était courbée à son extrémité en une pointe nette et une partie de sa longueur comportait des dents acérées.
A sa vision, la peur commença à me prendre de tout mon être. Puis l'individu en question se décida à m'adresser la parole.
"Je veux que tu répondes à mes questions. Cross !"
Il avait une petite voix d'enfant accompagné par une froideur dans le ton qui ne fit qu'encourager mes craintes. Mais pour ne rien arranger à cela, il connaissait mon nom et l'avait appuyé pour me le faire comprendre.
"Et… quelles questions ?
- Pour commencer, j'aimerais savoir pourquoi tu as écris ces lettres devant cet endroit.
- Vous… vous faites parti d'une organisation qui s'appelle C.D.C ?
- Réponds à mes questions si tu ne veux pas que j'en vienne à la torture. Si tu me dis tout ce que je veux savoir, je répondrais peut-être aux tiennes."
Je ne parvenais pas à réfléchir calmement, trop tourmenté par la crainte que m'inspirait cette situation. Il reprit la parole sans bouger de sa position au pied des escaliers.
" Que sais-tu à propos du C.D.C ?
- Et bien… pas grand-chose.
- Je te conseille de ne pas me mentir, je ne vais pas aimer ça."
Prenant quelques secondes pour tenter de calmer mon cœur, j'essayais de choisir avec justesse les mots que je m'apprêtais à utiliser.
" Je sais que… que vous récupérez des objets particuliers… que vous êtes nombreux… que vous… que vous semblez puissants et organisés…
- Et pourquoi avoir écrit ces lettres sur la route ?
- Je… je cherchais à vous contacter.
- Et pourquoi ça ?
- J'ai quelque chose qui pourrais vous intéresser. Un objet…
- Un verre contenant un liquide étrange et mortel. J'ai déjà lu tes notes."
Il agita au loin quelque chose que je devinais être mon carnet.
"Où est-il ce fameux objet ?
- Caché.
- Je vois. Tu n'as pas l'intention de me le dire sans condition, n'est-ce pas ?
- En effet.
- Alors dis-moi quelles sont tes intentions ?"
Je me permis de prendre une poignée de secondes supplémentaires pour organiser mes pensées.
"J'aimerais savoir ce que vous faites des objets que vous récupérez, et savoir si je peux en faire parti."
Ce fut à son tour de laisser un moment de silence dans notre discussion. Durant cette attente, j'essayais tant bien que mal de discerner un signe chez lui qui me donnerait un indice sur ses réflexions. Finalement, il reprit la parole.
" Pourquoi voudrais-tu participer à quelque chose dont tu ne sais rien ?
- J'aimerais en savoir plus.
- Et si ce n'est ce à quoi tu t'attendais ?
- Je m'attends à des personnes qui étudient ces objets. Est-ce que je me trompe ?
- Tu sembles y avoir mûrement réfléchit on dirait.
- Je me suis dis que vous seriez assez curieux pour en savoir un maximum sur ces objets.
- Mais pourquoi veux-tu participer à cela ?
- Parce que je suis assez curieux pour en savoir un maximum sur ces objets."
L'interlude du silence s'installa à nouveau. J'avais pu remarquer durant notre échange que sa voix s'était adoucie et que la mienne, sans doute grâce à lui, avait prit en assurance. Finalement, il me demanda d'attendre un instant quand il remonta l'escalier, me laissant seul dans la cave.
C'est à ce moment la que je m'étais rappelé de l'odeur épouvantable qui flottait dans l'air. Quelque chose en décomposition qui semblait tout proche. Au détour d'un regard, je vis une bâche cachant quelque chose sous le baby-foot, et je remarquais enfin que le corps du mec appelé Arno n'était pas la où je l'avais laissé la veille.
Moins d'une minute plus tard, mon interlocuteur redescendit l'escalier et, sans un mot, s'avança jusqu'à moi, ramassa le couteau et découpa mes liens. Je m'étais relevé directement, et il me tendit mes lunettes.
Une fois ma vue redevenue nette, je vis que cette personne capuchonnée était un enfant arrivant à peine à mes épaules et dont le visage semblait gentil et souriant.
"Mes supérieurs désirent te rencontrer, je t'emmène avec moi.
- Où ça ?
- Tu verras bien."