Journal de Cross, Chapitre 2

[Nero] Black Word

Deuxième partie de mon histoire actuel, donnez moi vos impressions dans les commentaires. =)


"Je dois être belle.", "Je dois être parfaite.", "Je dois être la plus belle ce soir." répétait-elle debout devant le lavabo, les yeux allant d'une vieille photo de son passé de mannequin tenue dans sa main, à son reflet dans ce qui semblait être son nouveau miroir. Mais l'horreur de la scène partait de son autre main. Un couteau de cuisine sanguinolent qui était sans nul doute la cause des entailles sur son visage. Dans le lavabo se trouvait les morceaux de sa peau superflue fraîchement découpés.

Le point serré devant ma bouche, réfrénant un cri d'effroi, je repris doucement mon calme en faisant plus attention à ses agissements. L'horreur ressentie fut balayé sans ménagement par la curiosité. Sortant un carnet et un stylo de mon sac, je me mis à écrire mes analyses. Notant ce que disait et faisait  ma grand-mère en essayant de comprendre.

J'en déduis rapidement qu'elle fut prise d'une soudaine obsession nostalgique, la poussant à retrouver le visage qu'elle avait autre fois, quitte à se mutiler. Ses paroles semblaient confirmer cette hypothèse.

Je fus surtout intrigué quand elle divaguait sur un concours qu'elle devait absolument remporter à une date qui ne m'était pas étrangère. La mémoire me revint soudain quelques instants après. Elle parlait du concours de beauté qui devait propulser sa carrière à l'époque où elle avait à peu près mon âge. Mais d'après ce qu'elle m'avait raconté, ce fut une américaine au visage refait qui l'avait remporté, la plongeant dans une profonde dépression. Elle me répétait toujours, en revenant sur cet évènement, qu'un visage naturel serait toujours le plus beau. 

En y repensant, je compris l'origine de cette folie sanglante. Mais le déclencheur ainsi que la raison expliquant la mort de mon grand-père restèrent un mystère, bien que je note tout de même que, un moi après sa défaite, ma grand-mère fit sa rencontre et arrêta sa carrière.

Les notes en main, assis devant l'entrée de la sale de bain, ne la quittant pas des yeux, je me mis à réfléchir sur la cause de cette boucherie. Mais sans le vouloir, aillant oublié la fatigue qui m'avait accompagnée jusque-là, je finis par sombrer dans le sommeil.

Dans mes rêves, je me voyais de loin marcher dans la neige sans ressentir le froid, les yeux fixés droit devant  moi. Sans savoir ce que je regardais avec autant d'insistance. Le paysage se mit à défiler plus lentement, je tombais à genoux dans un liquide noir et, en passant mon doigt sur mon poignet, je venais de m'entailler pour y laisser entrer le liquide sous mes yeux fascinés. Mais un coup de couteau sanglant passa près de mon visage et la crainte de me faire charcuter s'empara de moi, me réveillant net.

Recroquevillé contre le mur, la gorge sèche, je me mis péniblement debout. Mes yeux se posèrent tout d'abord sur le cadavre de mon grand père, avant d'aller voir sa femme inerte, allongé sur le sol de la salle de bain. Après avoir retrouvé son visage de jeunesse, elle avait commencé à reproduire le même travail sur son cou. J'en déduis et nota qu'elle s'était ainsi vidé de son sang avant de tomber pour de bon.

Adossé contre le mur, ressassant cette scène de la veille encore et encore, je ne comprenais toujours pas. Si ma grand-mère avait tué son mari, sans doute avant que je n'arrive en train, et qu'elle avait passé le reste du temps à re-sculpter son visage avec l'aide de son couteau, je ne savais toujours pas ce qui avait déclenché cet élan de folie.

Même plongé dans la nostalgie de son passer à arpenter les scènes, même dans les soupirs qui accompagnaient ses discussions avec de vieilles connaissances du métier, même sous les effluves de l'alcool, rien ne l'avait poussé durant toutes ces années à en venir jusque-là. J'eus beau réfléchir, rien ne vint combler ce mystère. Jusqu'à ce que je l'entende de nouveau me parler de son miroir et ses coquillages.


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