Journal de Cross, Chapitre 8
[Nero] Black Word
Mon estomac s'était contracté face à la surprise. Ne sachant quoi faire, je pris le risque de m'approcher le plus discrètement possible de l'escalier. Espérant intérieurement que cet étranger n'allait pas entamer l'opposé de mon chemin.
"Cacao. Ou es-tu ?" Essayant de garder mon calme, j'analysais la situation. Cette personne, pour me trouver, allait devoir monter un escalier en bois et franchir une porte actuellement entrouverte. Tout en réfléchissant, ma main s'empara d'une boîte en bois vide, et mes pas me menèrent contre le mur près de l'entrée, du côté qui était caché par la porte.
Respirant profondément, je fermais mes yeux en essayant de deviner ce qu'il faisait. Des bruits de pas, de bouteilles, de verres, d'ouverture de porte, ses appels, des toussotements sans doute provoqués par la poussière. Il semblait se rapprocher.
Je rouvris les yeux en comprenant qu'il était descendu dans la cave. Hésitant pendant plusieurs secondes, je pris la décision de voir ses actions de mes propres yeux. Faisant au mieux pour être le plus discret, ouvrant lentement la porte et essayant de ne pas faire de bruit en posant mes pieds sur les bords des planches de bois, jouant de toute ma patience et de ma souplesse, je me retrouvais devant l'entrée du sous-sol.
La lumière était allumée, et de haut je pouvais voir ce vieil homme chercher son animal. Le dos légèrement voûté, marchant avec une canne, vêtu d'un pull rouge bordeaux et d'un pantalon de survêt.
"Comment ces rats se sont retrouvés enfermés la dedans."
Je le voyais porter la main sur la cage contenant les rats encore en vie que j'avais capturé, mais il se raviva rapidement avant de se retourner, se rendant dans le fond de la cave avec sa démarche boiteuse et ses toussotements, hors de mon champ de vision.
Je fis un premier pas sur les marches de ciment mais, intrigué par ses agissements, mon pied dérapa de la première jusqu'à la deuxième marche, me faisant lâcher cette boite dont je m'étais emparé pour me défendre. Elle s'écrasa sur trois des marches, perdit son couvercle dans sa chute, avant de terminer son mauvais quart-heure dans la gueule béante que représentait un flipper et la surface du sol.
"Qui va la ? Cacao ?
- Heu… non."
Lutant contre mes craintes, je descendis dans la fosse, un pas après l'autre, avant de me retrouver face à cette personne qui avait largement plus de deux fois mon âge. Il me regardait d'un air impassible avec un soupçon d'incompréhension dans le regard.
"Qui es-tu gamin ?"
Qui j'étais. Si l'adrénaline et l'inquiétude ne s'étaient pas fait aussi présentes dans mon système, je pense que je n'aurais pas hésité à l'insulter de débris bientôt fossilisé pour m'avoir ainsi nommé de gamin. Mais dans la situation actuelle, je pris la décision de rester aussi amical que possible. Cherchant du coin de l'œil où était l'objet.
" Je… je m'appel Henri.
- Et que fais-tu ici Henri ?
- Je cherchais un… un coin tranquille."
Le verre était là, derrière lui, posé sur le bord d'un babyfoot, juste à côté du petit boulier qui servait à compter les points du jeu. Il avait l'air d'être le trophée du match actuellement en cours. Entre deux moments plaintifs de sa gorge, le vieux remarqua mon regard.
Reprenant confiance en moi, je fixais mes yeux face aux siens et, d'une voix aussi assurée que possible, je m'adressais à lui.
"Et vous, vous cherchez votre animal ?
- Mon chat oui. Un chat européen couleur cacao. Vous ne l'avez pas vu ?
- Non. Mais pourquoi est-il venu ici ?
- Allez savoir jeune homme, il désirait peut-être chasser quelques rats. D'ailleurs, c'est vous qui avez enfermé ceux-là ?"
Il me désigna, avec une main légèrement tremblante, la boite en plastique dans la quelle j'avais entreposé les rats qui n'avait pas fuit les lieux. Il m'était impossible de mentir la dessus, après tout une dizaine de rats ne se seraient pas installer de leurs plein gré dans une grande boite transparente recouverte par un morceau de carton un peu troué.
"Oui. C'est… c'est moi."
Intérieurement je souhaitais déjà que cette conversation prenne fin, mais j'appréhendais cette fameuse fin avec beaucoup d'anxiété.
"Et pourquoi avoir fait ça ?
- Je ne voulais pas qu'ils traînent de partout mais… je n'ai pas osé les tuer. Et je ne savais pas si je devais les relâcher dehors ou non, alors je les ai gardés ici."
J'avais presque l'impression que l'hésitation dans ma voix était naturelle. Même s'il ne pouvait pas se douter de ce que je faisais ici, je ne voulais pas qu'il en sache d'avantage, et encore moins qu'il se mette à fouiller les lieux. Aucune chance qu'il ne trouve les rats utilisés pour mes expériences, mais je me sentais moins assuré concernant le cadavre dans le congélateur.
Nous nous regardions dans le blanc des yeux et dans un silence gênant, qui ne fut interrompu que par une forte quinte de toux de sa part. Posant sa main sur le babyfoot, se tordant sur lui-même, et forçant sa gorge à dégager ce qui devait être un surplus de poussière dans ses poumons. Je le regardais, sans bouger et sans dire un mot.
"Jeune homme est-ce que vous… vous auriez de l'eau ? "
En le regardant tousser, j'avais appréhendé cette question. Mais au fond de moi c'est tout ce que j'attendais. Mes yeux se posèrent sur le verre mortel, à quelques centimètres derrière lui, avec l'impression que le monde s'était arrêté. Attendant que je réponde à la question.
Dans ces yeux de vieillard je lisais la fatigue ponctué d'une légère détresse, il n'avait pas l'air méchant. Mais malgré mes bonnes pensées à son encontre, ma réponse me pendait déjà aux lèvres, et elle sortirait au son de ma voix quoi que j'en dise.
"Jeune homme…
- Oui. Mon verre est là, juste derrière vous. Vous pouvez vous servir."