Jusqu'à ce que la mort nous sépare

plumedesang

Même si l'amour est le plus doux des sentiments et nous donne des ailes, il ne faut pas tenter de décrocher le soleil à tort. Car tel Icare, ces dernières auraient tôt fait de fondre et nos corps de chuter dans les profondeurs abyssales de l'océan. J'en sait quelque chose, j'ai défié la Mort en personne pour les beaux yeux de l'élu de mon cœur.


Il s'appelait Célestin et, comme son nom l'indiquait, sa beauté n'avait rien à envier à celle des anges. Nous devions nous marier sous peu quand mon cœur d'artichaut me poussa à commettre une erreur que j'allais regretter amèrement. J'étais si éprise de mon bellâtre que je formulai le souhait de ne jamais mourir afin de ne jamais être séparée de mon âme sœur. Les Dieux m'entendirent et me répondirent, mais pas comme je l'espérais: je fus transformée en vampire et sous la pulsion de la soif, je m'abreuvai au cou de Célestin. Il décéda sur le coup. Dès lors la vie éternelle ne m'apparut plus aussi attrayante qu'elle l'était de prime abord. J'étais condamnée à errer infiniment sur terre, sans l'objet de mon amour à mes cotés, à m'abreuver du sang de pauvres innocents pour survivre.


Je vivais ainsi pendant plusieurs années, dans des conditions pitoyables. J'errai sur les routes, avec pour seule compagnie stable une bécane usée jusqu'à la moelle. Vêtue de haillons, je vagabondai de ville en ville à la recherche de la denrée écarlate. Mes mets n'étaient pas de premier choix, ma dégaine ne laissant s'approcher de moi uniquement les SDF et les junkies. Mais quand on passe pour une cinglée à la rue on ne fait pas la fine bouche, non? Si je m'étais habituée à étancher ma soif, ma compagnie peu recommandable risquait de me faire basculer dans la folie. Et plus que la soif de sang, un manque subsistait, impossible à combler: Célestin. C'est ainsi qu'un jour j'agis. Je n'étais plus humaine, j'étais une créature de la nuit. J'allais pénétrer le royaume des morts afin de récupérer mon cher et tendre.


Trouver l'entrée du monde souterrain n'est pas chose aisée. Heureusement, ma nature de morte-vivante aidant, je n'eus aucun mal à soutirer ces informations à des démons de seconde zone. Une fois le tuyau obtenu, j'enfourchai ma moto et ni une, ni deux, direction le royaume des ombres. Le trajet dura plusieurs jours mais ma détermination sans faille et les provisions de liquide vermeil aidant, je ne fis aucune halte. Quelques jours plus tard, j'étais arrivée. Une lourde porte en bronze se découpant dans le vide, invisible pour l'œil d'un simple mortel, marquait l'entrée de ma destination. Sans aucune hésitation, je frappai lourdement. On m'ouvrit aussitôt: une silhouette encapuchonnée s'enquit de la raison de ma visite. Je demandai à voir la reine des enfers en personne, au plus vite. La silhouette devait penser à une farce de ma part car elle allait me claquer la porte au nez mais elle se ravisa en apercevant les cloques et brûlures qui maculaient ma peau sous mes haillons. Elle comprit alors que j'étais des leurs et me conduisit jusqu'à sa maîtresse. C'est ainsi que je rencontrai pour la première fois la reine des morts, Perséphone en personne. Malgré que j'aie toutes les raisons d'être impressionnée je décidai de ne pas flancher: je ne pouvais pas renoncer si près du but. Je formulai donc ma requête. Perséphone écouta mon récit jusqu'au bout. Elle garda le silence un moment avant de me donner sa réponse: je pouvais ramener Célestin parmi les vivants à condition d'aller le chercher et de le ramener moi même à la surface, le tout les yeux bandés. Épreuve à la juste valeur de l'aveuglement dans lequel m'avait mis cet amour. J'acceptai. Je traversai donc les enfers sans indice aucun sur la position de Célestin, privée de ma vue, afin de le ramener sur terre. Combien de temps cela me prit, je ne saurai le dire, des jours, des semaines, des mois, des années... Peu importe, le principal est que j'ai réussi. Néanmoins, ayant atteint la sortie, il me restait une dernière demande à formuler: plus question de vie éternelle pour de si grands sacrifices. Les Dieux acceptèrent avec joie. C'est ainsi que je quittai les enfers en compagnie de mon bien aimé, de nouveau mortelle.


Désormais je profite de la vie au coté de Célestin. Nous avons appris à nous réjouir du moment présent et des plaisirs simples que nous offrent la vie. Car la est tout le paradoxe: à quoi bon l'éternité lorsque tout ce que l'on chérit finit indéniablement par se flétrir et périr et que l'on devient las de tout ce qui nous faisait rayonner autre fois?

La vie est courte, alors savourez là!

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