Kotonoha était heureuse

Oui, Kotonoha était heureuse.

Elle était encore dans sa classe, se tenant devant quatre filles de son âge. Ces filles qui la méprisaient du regard depuis le début de l'année sous prétexte qu'elle s'amusait à flirter avec tous les garçons de l'établissement. Jusqu'à aujourd'hui.

Elle avait enfin pris confiance en elle, tenant tête aux filles de sa classe qui la snobaient et la rabaissaient. Le cœur battant à une vitesse folle, elle leur lança au visage leurs quatre vérités. Pour la première fois elle se sentait forte et incroyablement bien. Elle commença même à sourire comme jamais en quittant la classe, laissant derrière elle ses tourments et le groupe responsable.

Se mettant à courir en toute hâte, serrant son sac contre elle pour ne pas le perdre, elle traversa les couloirs, bousculant quelques élèves et professeurs, montant les escaliers de l'école comme poursuivie par le diable ou courant pour rattraper son âme.

Peu lui importait la fatigue. Elle ne prêta aucune attention au point de côté qui était venu se loger dans ses côtes, ou à ses pieds qui la supplièrent de mettre fin à cette course folle. Elle en vint à s'aider de la rampe de l'escalier pour poursuivre son ascension.

Pourtant ses yeux faisaient pleuvoir des larmes sur son sourire, soulignant le bonheur qui illuminait ses pupilles. Si son cœur s'emportait ainsi c'était en pensant à ce qui l'attendait sur le toit. Tendant le bras, elle attrapa la poignée  de la porte prête à l'ouvrir. Oui, Kotonoha était heureuse.

"Makoto… J'me fiche que tu sors avec une autre, je t'aime!" Cria une voix féminine.

"Ho Sekai, je t'aime." Répondit-il.

Sa main lâcha lentement la poignée de porte, se balançant un bref instant avant de devenir immobile. Son sac glissa de son épaule et s'écrasa au sol, vomissant son contenu à ses pieds. Son sourire, lui aussi, s'était laissé tomber.

Essoufflée, elle resta debout sans bouger. Elle reconnaissait ces deux voix, Makoto son petit ami et Sekai qui les avait réunis. L'information fit l'effet d'une bombe dans un volcan. Son corps sembla sur le point de s'effondrer alors que sa tête devint brûlante. Autour d'elle plus rien, mis à part les batifolages des deux amants, ne vint perturber le silence.

"C'est pas possible… " Parvint-elle à articuler.

Oui, Kotonoha était heureuse.