La Bêtise

armie-pockpa

Inceste, nom masculin (du latin incestrum : « impur ») désigne une relation sexuelle entre membres de la même famille et soumise à un interdit.

« J’aimerais tellement caresser ta peau couleur de lait.
J’aimerais tellement qu’à nouveau ma langue puisse flatter ton palais. Liam, je t’en prie, laisse moi être cette femme là, laisse moi être ta femme chocolat’’

« -C’est joli ce que tu écris.
Je lève la tête, brusquée par cette voix qui me semble presque inconnue. Ouf ! ce n’est que Liam, mon frère aîné qui essaie de me lire, penché sur mon épaule.
-Oh, tu étais là ? Je ne t’ai pas entendu venir.
-Je t’ai fait peur ?
-Non, pas du tout…
-C’est un poème ?
-Hein ?
-Ce que tu écris, c’est un poème ?
-Ce n’est qu’un brouillon…
-Petite sœur, je vois que la passion que tu nourris pour la littérature porte ses fruits : tu t’essaies à l’écriture. On aura bientôt une Yehni Djidji dans la famille.
-Orh, Liam, n’exagérons rien, ce n’est qu’une passade.
-Passade ou pas, moi je prends la chose très au sérieux. Et puis, je vois que mon prénom a servi pour l’un de tes personnages.

Liam, si tu savais, si tu savais que c’était bien plus que ce que tu as pensé. Si tu savais ce secret que je cache au plus profond de mon être qui, un peu plus chaque jour me déchire intérieurement… Je pense qu’il te serait difficile de comprendre tout simplement. Comment, comment suis-je parvenu à m’éprendre de toi? A cette question, je n’ai aucune réponse, je ne saurai t’en donner. Liam, m’as-tu comprise ? M’as-tu entendue? Entends-tu tous ces murmures qui me jugent, m’injurient, me condamnent pour avoir commis un crime : celui de t’aimer. Oui, je souffre d’amour pour toi et c’est justement le fait que tu sois mon frère qui m’écorche l’âme. Oui, je t’aime. Non d’un amour fraternel mais comme une femme aime un homme. Je t’aime comme dans une chanson d’amour. Je t’aime, même si c’est mal, même si c’est sale. Mais, les sentiments sont là et je n’y peux rien.
Oui, je souffre je n’y peux rien parce qu’il n’y a aucun remède à ce mal qui me brûle le cœur et qui me consume. Je souffre, parce que je suis condamnée à cet extrême là… parce que l’amour est une maladie incurable.

-Cachemire, tu es toujours avec moi ?
- Oh, excuse-moi, j’étais pensive.
-A quoi tu pensais ?
-Quelques toquades…
-Dis plutôt que tu pensais a ton petit ami !
-Mais non (sourire) ce sont juste mes petits ennuis de négresse qui me hantent l’esprit.
-Je te connais comme le creux de ma main. Je suis sûr que ces petits soucis de négresse comme tu le dis sont d’ordre sentimentaux. Comment vous appelez ça déjà vous les jeunes ? Ce mot est trop compliqué pour ma vieille tête de quarante ans…. Ah oui, ça me revient, le "goumin"* , c’est bien ça ? Si jamais ton petit copain t’a fait du mal…
-Liam, rassure-toi, il n’y a aucun homme dans ma vie…

Parce qu’il n’y a que toi. Toi et toi seul…. Il y a une phrase qui dit qu’il faut s’attendre à tout avec les gens. Même ceux que l’on pense connaître comme le creux de sa paume. Tu pensais savoir tout de moi. De ma façon de penser jusqu’à l’air que je respire. Mais il y a des choses que tu ignores…. Tu n’arrives même pas à comprendre le langage de mes yeux qui te parlent, te dévisagent, se confessent.
Tu n’as surement plus aucun souvenir de ce soir orageux de novembre où tu es venu dans ma chambre, étourdi par l’eau de vie, quand tu es tombé sur moi…. J’ai su te donner une quantité précieuse de plaisir et j’ai même feint ne rien entendre lorsque tu t’es trompé de prénom. Tu m’as appelé Amaryllis, du prénom de ta femme. Tu pensais être dans ses bras alors que tu étais dans les miens. Le lendemain, tout s’est effacé. Tu étais trop occupé à éteindre cette gueule de bois qui te torturait pour te souvenir de quoi que ce soit. Depuis, trois mois sont passés, vertiges et nausées, les deux barres sont apparues sur le test… Je crois que c’est le moment, il faut que tu saches, je n’en peux plus, ce secret ne pourra demeurer plus longtemps dans l’ombre. Alors il faut que je te le dise. Même si c’est cette nouvelle que j’ai à t’apprendre qui te coupera le souffle et la gorge.
-Liam ?
En prenant un air grave, je t’offre mon regard, les yeux presque embués de larmes.
-Qu’est ce qu’il y a ? Tu commences à me faire peur.
-Il faut…. J’ai à te parler.
-Je t’écoute.
-Il serait préférable que tu t’asseyes bien avant.
Tes yeux m’interrogent religieusement mais aucune note interrogatoire n’arrive à sortir de ta bouche. Pas une virgule. Tu te saisis d’une chaise, d’un geste mal assuré pour t’asseoir en face de moi. Tu me lances un « Vas-y je t’écoute » confus.
-J’ai fait une bêtise.
- Dis-moi, je serai indulgent.
-Je suis enceinte… »

*Goumin; Mot d'argot ivoirien typiquement abidjanais, Chagrin d'amour 

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