La bouseuse embourgeoisée

angie21

Extrait de roman

Lorsque j'étais au collège j'avais quelques amies, des copines, puis un jour alors que j'étais en troisième, tout a basculé.

On m'a accusée d'avoir jeté mon dévolu sur le petit ami de quelqu'un d'autre, et ça a tourné au drame, les filles se sont acharnées sur moi, un véritable lynchage !

Elles étaient heureuses d'avoir enfin un prétexte pour pouvoir déverser toute leur jalousie et leur haine envers moi. Le petit ami en question m'avait effectivement draguée, il avait tenté sa chance alors qu'il sortait déjà avec Amandine, la fille du maire, la fille la plus populaire du collège.

Malheureusement pour lui Amandine était tombée sur un des nombreux petits mots qu'il me faisait passer en douce, le dernier, « tu es plus belle que le soleil qui brille », pathétique ! Moi ce garçon ne m'intéressait pas du tout. On ne m'avait pas laissé l'occasion de me justifier, il était trop tard, plus aucune fille ne m'adressait la parole.

Loin d'être perturbée, je ne m'étais pas sentie fautive, je n'avais rien fait, ce n'était tout de même pas un crime d'être belle, je suis née comme ça !

J'avais terminé l'année scolaire tout en sachant que cette image de prédatrice me suivrait longtemps, j'étais celle dont il fallait se méfier, le loup dans la bergerie, elles avaient peur, peur qu'une fille bien plus jolie qu'elles ne vienne leur piquer leurs copains, dans le fond je les comprenais et je les plaignais.

Les choses n'ont pas changé depuis le collège, j'ai même abandonné l'idée d'avoir des amies, cela ne m'intéresse plus, je me satisfais à moi-même et avoir une confidente, quelqu'un sur qui compter n'est pas une chose qui me tient à cœur, elle ne me comprendrait pas et finirait tôt ou tard par me laisser tomber ou me faire du mal.

J'en suis venue à la conclusion que je suis spéciale, je suis unique et je dois vivre avec les inconvénients que cela implique, pourtant je n'échangerais ma place pour rien au monde.

J'ai un gros avantage, un simple regard dans le miroir suffit à me remonter le moral. Les personnes laides (attention, je ne parle pas des gens communs, je parle des personnes réellement hideuses, celles qui effraient, celles qui rebutent) et moi vivons pourtant la même chose… nous sommes différents donc mis à part, nous servons de bouc et émissaire, mais ces personnes-là, les moches, que leur reste-t-il une fois qu'elles réalisent, que rien ne changera pour elles, que leur laideur est un handicap à vie, une tare ? Rien ! Il ne leur reste plus que leurs yeux pour pleurer et qu'on ne vienne pas me dire que c'est la beauté intérieure qui compte je n'y crois pas un seul instant ! C'est un tissu de mensonge inventé par les beaux pour rassurer les moches et se donner bonne conscience, en paraissant plus charitable.

 

De mon point de vue, je range les gens dans différentes catégories, il y a les moches-moches, les belles-moches, les moches-belles et les belles-belles comme moi.

 

Dès que je rencontre une personne, les femmes en particulier, je ne peux m'empêcher de la ranger dans l'une de ces cases, du coup mes rapports aux autres sont un peu compliqués. Lorsque je croise une moche-moche, je ne me moque jamais, au contraire, je la détaille, je la regarde comme un enfant de six ans regarde un sans-abri crasseux assis par terre, avec beaucoup de pitié et je me dis « la pauvre ! ». Ce qui prouve bien que je ne suis pas mauvaise, je ressens de la compassion pour ces personnes, dès lors qu'elles ont admis leur laideur, qu'elles la porte comme une croix sans tenter de se rebeller à coup d'artifices, d'ornements inutiles.

Par contre lorsque je croise une moche-belle, c'est-à-dire un laideron qui se croit belle, alors là je la regarde de haut, je veux qu'elle puisse lire dans mon regard que nous ne jouons pas dans la même cour, je veux qu'elle finisse par baisser les yeux en signe d'admission.

 

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