La chambre I

nadiakwords

des objets qui sont autant de portes ouvertes sur les souvenirs https://elleblogueunpeu.wordpress.com/

Après la longue douche, elle sort de son sac le pain acheté sur le chemin du retour, et attrape le beurre dans le frigo. Elle entre dans sa chambre, la tartine posée sur une tasse de thé au lait sucré fumant, et attrape au passage un livre. L'histoire d'une famille à Londres, originaire d'Istanbul; ses deux villes préférées réunies dans un roman, un délice !
Elle ne le remarque pas tout de suite.
Elle s'étend sur son lit ravie d'être propre et débarrassée des odeurs d'ailleurs, du voyage et des autres. Sa tête sur l'oreiller, le livre dans la main, elle songe… A ses pieds un peu gonflés du voyage et secs après la douche, à sa tête qui creuse l'oreiller. Ses membres se détendent sous le duvet et elle remarque enfin.

Quelque chose a changé, dur à apercevoir, pas réellement tangible mais c'est là, cette différence, comme si l'air n'était plus le même. C'est du côté des bruits, du fond sonore… Elle entend le clic du réveil mêlé aux sons des voisins, un store qui descend ou une porte ouverte un peu brusquement. Mais ce n'est pas ça, c'est dans le bruit plus profond, celui propre à sa chambre, sa respiration, oui… quelque chose est différent dans le souffle de sa chambre.

Elle regarde cette chambre où chaque objet a sa place. Accumuler n'est pas dans son caractère, elle a pour règle de ne pas garder un objet s'il n'a pas servi durant les deux années précédentes. Servir reste encore à définir. Les quelques coquillages et cailloux rapportés de ses voyages ou balades ne sont pas jetés. Pour elle, ils servent à l'activation de sentiments heureux utiles à son bien-être. Ils servent comme la tasse de son thé ou l'interrupteur de la lumière. Ce caillou qui avec le temps a décoloré là où un autre caillou s'était posé. Le plus grand ayant été marqué de la forme de coeur du deuxième. Offert par une petite inconnue le long d'une berge de lac, sur une plage de galets, qui les trouvait tellement jolis qu'elle les lui a donnés. Une rencontre du dimanche matin. Un souvenir d'un acte gratuit, d'une discussion sincère.

Quelques coquillages à l'ellipse parfaite porteuse du nombre d'or, et deux oursins séchés venus de la mer Égée, d'une plage des Cyclades.

Sur le radiateur, ses carnets sont alignés.

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