Jérémie, un homme âgé de la trentaine, traine derrière lui un passé amoureux accumulé d'échecs. Il décide alors d'acheter à une agence un foyer qui comporte une maison et une femme. Sa nouvelle acquis
1. INT. jOUR. AGENCE FOYER
JÉRÉMIE, homme âgé d'un peu moins de la quarantaine, une chemise blanche boutonnée jusqu'en haut, attend anxieux.
STANDARDISTE
Suivant!
Jérémie s'avance timidement de quelques pas et se place devant le bureau de la standardiste. Celle-ci, le nez dans ses papiers, relève la tête et regarde Jérémie.
standardiste (D'une voix monotone, presque "enregistrée") Bonjour Monsieur, je vous écoute.
JÉRÉMIE (Discret, un peu gêné)
Bonjour Madame, j'aurais besoin d'un appartement hum assez rapidement et je voulais savoir s'il vous restaient des appartements de libres, hum déjà meublés... (De plus en plus bas) et avec, avec une euh... une euh avec une femme...-
STANDARDISTE ((Élevant la voix) -
Avec FEMME COMPRISE ? Mais tout à fait monsieur il reste 6 appartements de libres dans le bâtiment Latour de la rue Malraux ! Si vous le voulez, je peux vous proposer le numéro 4 au premier étage ; (comme une récitation) très bel appartement 5 pièces de 90 m² loi carrez avec cuisine américaine grand living room et un balcon personnel exposé plein sud, le tout entièrement meublé avec femme en option pour une vie de couple paisible et durable pour un prix tout à fait abordable !
JÉRÉMIE (Déconcerté)
Hum... oui très bien, c'est parfait même, j'aimerais emménager assez vite si possible...-
STANDARDISTE
-Très bien alors je vais vous demander de signer ici, et je vous laisse remplir le formulaire des critères que vous désirez pour la femme qui partagera votre foyer.
Jérémie signe, remercie discrètement la standardiste et prend le formulaire. Il coche différents critères (blonde, yeux bleus...), puis arrivé en bas de page, il relève la tête, regarde nerveusement autour de lui en rougissant, et coche la case "poitrine : 90 B". 2.
INT.JOUR. COULOIR APPARTEMENT
Jérémie reste immobile devant une porte numérotée "4". Il ferme les yeux un instant et respire en gonflant son torse. Jérémie frappe vigoureusement deux coups à la porte. La porte s'ouvre laissant apparaître OPIA. La jeune femme, aux cheveux blonds coupés au carré, s'avance en souriant vers Jérémie. Opia sur la pointe des pieds, embrasse l'homme sur la joue. Sa petite main attrape vivement la valise et de l'autre elle le tire par le bras.
OPIA
Ne reste pas dehors ! Je vais te présenter ton nouveau chez toi ! Tu as bien fais de le choisir...De nous choisir ! Je suis impatiente de partager avec toi cette jolie maison! Je suis Opia ! Mon prénom est celui de la déesse de l'abondance...C'est drôle non ?!
Le regard de Jérémie s'illumine et ses lèvres s'étirent en un large sourire.
JÉRÉMIE
Je suis Jérémie...et mon prénom ne vient de nulle part...
L'homme se laisse entrainer par la jeune femme. Opia jette son regard sur les chaussures de Jérémie et s'arrête brusquement.
OPIA
Il faudrait enlever tes chaussures...Le sol est fragile et salissant, tu n'imagines pas à quel point !
Jérémie dévisage Opia. Ses yeux s'écarquillent, il avale difficilement sa salive. D'un sourire glacial, la jeune femme lui désigne de ses doigts manucurés des bottines à talons posées à l'entrée près du paillasson. Jérémie enlève ses chaussures. Opia croise les bras et le regarde faire. L'homme pose délicatement ses chaussures à côté des bottines. La femme les replace de manière parallèle aux siennes et aspire le dessus à l'aide d'un petit aspirateur. Opia reprend Jérémie par le bras, le sourire au lèvres et l'emmène à l'intérieur. L'homme ne sourit plus.
3.INT.NUIT. SALLE A MANGER
Jérémie et Opia sont assis à une table carrée face à face. La jeune femme observe silencieusement l'eau de la carafe passer dans le filtre en émettant des petits bruits de gouttes répétitifs. Jérémie fixe Opia, ses mains sont posées à plat sur la table. Il ne bouge pas. Opia prend sa fourchette et pique le poisson pané de forme parfaitement carré en faisant attention de ne pas toucher les petits poids alignés en ligne et pose délicatement le morceau dans sa bouche sans émettre le moindre bruit. Jérémie lève les yeux vers elle, prend sa fourchette et pique un petit poids qu'il peine à avaler. Il se racle la gorge et repose les mains sur la table.
JEREMIE
C'est très bon... Tu aimes quoi dans la vie ? Opia tourne la tête vers lui et lui sourit.
OPIA
Que les objets soient à leur place. C'est important de bien savoir les ranger. Mais bien sur, pour bien les ranger, il faut en avoir. Jérémie hausse les sourcils.
OPIA
Moi, je ne peux donc rien ranger du tout... À part ce service pitoyable !
Opia désigne son assiette d'un geste dédaigneux en laissant partir sa tête sur le côté. Jérémie a les yeux baissés sur son assiette.
JEREMIE
Oh non... Je trouve qu'il...
OPIA (l'interrompant)
Il faut absolument que tu achètes un poivrier électrique, pas comme celui-ci ! Il est bien trop lent tu ne trouves pas?
JÉRÉMIE
Heu...Oui...Sans doute...
OPIA
Tu ne portes jamais de cravate ?
Jérémie lève le regard vers la jeune femme.
JÉRÉMIE
Je...Heu...pardon ?
OPIA
Les cravates ça fait sérieux, c'est un plus. Ça rajoute un ton à la sobriété ! Les cravates ça rassure non ?
JÉRÉMIE
Oui...Je suppose que oui.
Jérémie se redresse, se racle la gorge et regarde autour de lui jusqu'à ce que ses yeux tombent sur le visage d'Opia qui le regarde en souriant.
JÉRÉMIE
Je...Hum...C'est assez embarrassant de se retrouver comme ça...Je ne m'attendais pas à ça...
OPIA
Tu t'attendais à ce que ça soit plus meublé ? Je te comprends...
JÉRÉMIE
Non ce n'est pas ça...
Opia reste immobile. Elle dévisage Jérémie, les sourcils pleins d'incompréhension.
JÉRÉMIE
C'est pas grave...
OPIA
Je vais me coucher !
Opia se lève, met ses couverts et son verre dans l'assiette.
OPIA
Ne débarrasse pas, on va tout jeter et demain tu iras acheter un nouveau service ! C'est une très belle occasion ! J'ai fait ton lit dans la chambre à côté de la mienne.
Elle adresse un sourire forcé à Jérémie, se lève.
OPIA
Nous formons un merveilleux couple.
JÉRÉMIE
Sans doute...
Jérémie reste immobile, il la regarde sortir de la pièce. Il soupire.
4.INT.JOUR. CUISINE
Jérémie entre dans la cuisine. Il est habillé d'un simple costume, il s'avance vers Opia. La jeune femme presse vivement une orange en appuyant fortement sur son poignet qui exerce des demi cercles rapides. L'homme resserre le nœud de sa cravate en exagérant son geste. Opia se retourne vers lui et lui montre de la main une assiette sur laquelle sont posés deux toast brûlés. La jeune femme lui lance un sourire glacial.
OPIA
Le petit déjeuner est prêt. Je suis désolée ce n'est pas parfait. Je pense que nous allons avoir besoin d'un robot mixeur et d'un toasteur qui grille et non qui brûle!
Jérémie étire le nœud de sa cravate et acquiesce. Il avance son visage de la jeune femme et met en avant sa bouche. Opia recule d'un pas.
OPIA
Bon je vais aller nettoyer mes cactus moi! Bonne journée !
Opia se détourne de Jérémie, fait quelque pas et se retourne vers lui.
OPIA
Tu devrais nous acheter une brosse qui nettoie délicatement les épines des cactus !
Jérémie la dévisage. Opia lui lance un large sourire et quitte la pièce. Jérémie reste seul. Il soupire.
5.EXT.Jour. Rue
Jérémie traverse un passage piétons. Sur le trottoir d'en face, un vieil homme vend diverses objets de toutes les couleurs. Un couple de jeunes gens, niche main dans la main. Jérémie immobile, les observe, ses yeux se posent sur les gestes du jeune homme et sur le sourire de la jeune femme. Le jeune homme pointe de son doigt un vase, la jeune femme sautille. Le jeune homme paye et adresse un large sourire à la jeune femme. Elle sautille sur place et embrasse le jeune homme en l'attrapant par la nuque. Le couple se détache et s'en va main dans la main. Jérémie les regarde s'éloigner, ses yeux se posent sur l'étendue des objets à vendre. Il réajuste sa cravate, expire et marche à toute vitesse vers le stand.
6.INT.CRÉPUSCULE. Salle à manger
Jérémie pose sa mallette de travail au sol et avance jusqu'à la salle à manger. Il se redresse et cache le vase derrière son dos.
JÉRÉMIE
Heu...Opia ?! Opia ?!
Opia enlève délicatement les plis de la nappe blanches. Elle regarde Jérémie sans dire un mot. Jérémie racle sa gorge.
JÉRÉMIE
J'ai un cadeau pour toi! Jérémie sourit.
Opia s'approche de lui et joint les mains.
OPIA
Une tourniquette pour faire la vinaigrette ?!
Pack shot sur la tourniquette à vinaigrette. Jérémie secoue la tête. Opia se rapproche d'un pas.
OPIA
C'est un aspirateur modèle 120 qui peut aspirer des micro fibres incrustées n'importe où !
Pack shot de l'aspirateur.
OPIA
C'est un robot mixeur ?! Modèle 3459 avec propulsion électromagnétique, d'une autonomie de une heure avec cinq lames en polystofer ?
Pack shot de le robot mixeur. Jérémie soupire.
JÉRÉMIE
Bon ferme les yeux, ouvre les quand je te le dis.
Opia acquiesce vigoureusement de sa petite tête. Elle ferme les yeux et fait un large sourire. Jérémie tend devant lui le vase. Il avance sa main libre vers l'épaule d'Opia qu'il frappe délicatement de deux petits coups vifs. Opia ouvre brusquement les yeux. Déçue, elle dévisage le vase.
Opia
C'est quoi?
Opia désigne du doigt le vase. Jérémie sert sa mâchoire.
JÉRÉMIE
Un vase.
OPIA
Pourquoi ?
JÉRÉMIE
Pour mettre des fleurs...
OPIA
Je vais faire quoi de ce truc?
JÉRÉMIE
Je sais pas...Y mettre des fleurs.
OPIA
Ah.
JÉRÉMIE
Tu n'es pas heureuse ? Tu ne me trouve pas super d'avoir acheté ça ?
OPIA
Là n'est pas le problème, je n'ai pas besoin de vase...J'aurais préféré des objets qui me servent comme ces petits robots qui font tout à ta place à une vitesse hallucinante!
Opia regarde le vase, lève les yeux au ciel et se détourne de Jérémie pour aller dans la cuisine. L'homme inspire, pose le vase sur un meuble et suit Opia. Il traverse la cuisine et s'immobilise devant Opia. La jeune femme le dévisage un instant. L'homme lui tapote l'épaule, Opia se retourne le visage crispé, les sourcils froncés. Jérémie recule d'un pas et frotte l'arrière de sa nuque.
JÉRÉMIE
Pour être un merveilleux couple il faut faire des efforts chacun de son côté...Tu le sais ?
Opia passe le chiffon sur un bol coloré.
JÉRÉMIE
Opia tu m'écoute? J'aimerais juste que tu me portes de l'attention...Qu'on se parle comme des personnes normales.
Opia jette un coup d'œil sur les pieds de Jérémie et serre la mâchoire.
OPIA
Je t'avais dis d'enlever tes chaussures avant de rentrer. Maintenant il y a certainement pleins de marques au sol !
La jeune femme passe le chiffon sur le plan de travail d'un mouvement mécanique. Jérémie l'interrompt d'un mouvement brusque. Opia le pousse et se met à empiler des petits verres colorés. Jérémie s'appuie sur le comptoir de sa main droite. Opia reste silencieuse. Jérémie se redresse et tend les mains vers Opia. Son visage se tord de colère, il sert les dents.
Jérémie
Tu pourrais au moins faire semblant que ça te fasses quelque chose ! Quoi tu ne m'aimes pas ? Mais on aurait pu s'aimer pas vrai? Si tu n'avais été si...si creuse. Tu es creuse Opia.
Opia frotte un nouveau coin du plan de travail, les yeux rivés sur ses mains blanches.
OPIA
Je ne comprends pas ce qui t'agace...La maison est presque complètement meublée.
JÉRÉMIE
Tu vois ?! Il n'y a que les objets qui t'intéresse ! Moi...Je voulais trouver l'étincelle ! ça te parle Opia l'étincelle? Que fais-tu du couple merveilleux?!
Opia arrête tous mouvements. Elle regarde un instant Jérémie agacée. Elle le contourne et frotte une autre partie du plan de travail. L'homme l'observe, soupire et sort de la pièce. Il s'arrête devant le vase, le prend et sort en claquant la porte.
7.INT.CRÉPUSCULE. COULOIR résidence
Jérémie pose le vase à côté des chaussures. Il desserre sa cravate, l'enlève et la glisse dans le vase en s'asseyant par terre. Une jeune femme passe devant lui. Jérémie lève les yeux vers elle. La jeune femme lui sourit. L'homme reste immobile, le regard figé sur la jeune femme. La jeune femme s'arrête devant la porte voisine et se déchausse. Elle ouvre la porte et disparaît à l'intérieur. Jérémie, le sourire aux lèvres, inspire profondément et s'avance vers elle. La jeune femme brune ressort avec un petit aspirateur. Jérémie s'arrête net. la jeune femme se baisse et aspire le dessus des chaussures. Jérémie perd son sourire et recule.