La comtesse à l'éventail fermé
My Martin
Portrait de la comtesse del Carpio, marquise de la Solana (1757-1795)
181 X 122 cm. Huile sur toile
Vers 1794 / 1795. Francisco de Goya y Lucientes 1846-1828
Paris, Musée du Louvre. Aile Denon, niveau 1
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Née le 23 mai 1757, à Bilbao (Espagne nord, pays basque), María Rita Barrenechea y Morante de Laladrid. Elle hérite de sa mère, Ana María Morante de la Madrid y Castejón 3ème marquise de Solana, le titre de marquise de la Solana en 1762
1775. Proche de la Sociedad Bascongada, culture et la promotion de tous les arts, sciences, activités sociales et culturelles et développement économique. La comtesse épouse le comte del Carpio, Juan Sahagun y de la Mata Linares (1742-1797)
Elle donne naissance à une fille unique, Francisca Javiera (1776-1846)
La comtesse évolue dans le milieu aristocratique et lettré proche de la cour
François Cabarrus 1752-1810 financier et économiste franco-espagnol. Portrait par Goya, en 1788
La dramaturge María Rosa Gálvez 1768-1806, qui à la mort de la comtesse, lui dédie le poème "La Noche"
Amie de Goya et de la duchesse d'Alba (portrait par Goya en 1795), la comtesse écrit des pièces de théâtre. Dramaturge. "Catalin". "La comédie La Aya"
A l'instar de Goya, elle fait partie du mouvement des Lumières -mêmes principes que dans le reste de l'Europe. La raison ; remettre en cause la tradition, les préjugés, l'ignorance, la superstition, les dogmes religieux
Proche de Gaspar Melchor de Jovellanos, homme d'État et écrivain (portrait par Goya en 1798), la comtesse appuie les réformes
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Le portrait est conservé par la famille
Juillet 1908, Madrid. José Solano, 4e marquis del Socorro (1844-1912). Carlos de Beistegui (45 ans) tente d'acquérir le tableau
29 août 1908. Lettre à Gaston Brière 1871-1962. Historien et conservateur au Louvre. "Le propriétaire ne veut s'en défaire à aucun prix, ce portrait étant celui de sa grand-mère [en fait, son arrière-grand-mère]. Il n'y a malheureusement rien à faire"
1912. Depuis la mort de la comtesse, 117 ans et cinq générations ont passé en Espagne. Carlos de Beistegui (49 ans) acquiert le tableau, des héritiers du marquis del Socorro, après son décès le 20 novembre 1912. Par l'intermédiaire de Madrazo -Raimundo de Madrazo 1841-1920. Peintre réaliste académique espagnol. Beistegui possède des œuvres de ce peintre dans sa collection
1912-1942. Collection Carlos de Beistegui (1863-1953), Biarritz, Villa Zurbiac
La Villa a été construite en 1907 par Frédérick Edward Gibert, Consul des États-Unis d'Amérique à Biarritz. Décès du consul puis de son épouse en 1915
18 juin 1918. La Villa Zurbiac et les propriétés environnantes sont achetées par Carlos de Beistegui. Résidence avec parc
1942. Donation de Carlos de Beisteigui au musée du Louvre, sous réserve d'usufruit
Importante collection de vingt-et-un tableaux
... Jean-Auguste-Dominique Ingres 1780-1867 -deux œuvres
Jacques-Louis David 1748-1825 -trois œuvres, dont le Portrait inachevé de Bonaparte (1797-1798)
Jean-Honoré Fragonard 1732-1806 -deux œuvres
Jean-Marc Nattier 1685-1766 -Portrait de la duchesse de Chaulnes en Hébé (1744)
Pierre Paul Rubens 1577-1640 -La Mort de Didon (1635-1638)
Selon la volonté du donateur, les tableaux doivent demeurer groupés, et non dispersés parmi les collections du musée. Interdiction de prêt
Le portrait (1931) du donateur, par Ignacio Zuloaga 1870 - 1945, doit être exposé en permanence avec la collection
28 juillet 1945. Louvre, la collection de Beistegui. Olivier Merlin 1907-2005 journaliste et écrivain
Une vingtaine de tableaux, disposés dans trois nouvelles salles, tel est le spectacle rare qu'il est donné aux visiteurs du musée du Louvre d'admirer à partir d'aujourd'hui et pour une période de trois semaines.
Cette joie des yeux et du goût, - un petit nombre de chefs-d'œuvre authentiques dans beaucoup d'espace, - nous la devons au collectionneur éclairé, ami de la France, qu'est M. Carlos de Beistegui. Depuis longtemps M. de Beistegui destinait sa collection au Louvre. Il a voulu pendant la guerre que ses intentions prennent le caractère définitif d'une donation : par un geste qui l'honore, il s'est simplement réservé l'usufruit de ses tableaux, dont la nue-propriété à présent appartient à l'État français. ...
1945. A l'entrée de la collection au Louvre, un journaliste écrit dans le journal "Le Monde". Portrait de la marquise de la Solana. « Cette femme n'est pas jolie, elle a même l'air d'une peste malgré sa mantille pudique et la retenue hypocrite de son éventail. Mais sur sa personne joue des gris souverains, des satins argentés, et parmi ses cheveux, oh génie ! l'audace d'un nœud rose »
12 janvier 1953. Décès de Carlos de Beistegui à Biarritz, Villa Zurbiac. La collection entre au Louvre
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Carlos de Beistegui, collectionneur mexicain d'origine basque
né le 18 février 1863, à Mexico
décédé le 12 janvier 1953 (à 89 ans), à Biarritz, Villa Zurbiac
Famille immensément riche -mines d'argent au Mexique
21 juin 1867. Victoire mexicaine, retrait des troupes françaises et fin du Second Empire mexicain imposé par la France et les Mexicains conservateurs
Échec du règne éphémère (trois ans) de l'empereur autrichien Maximilien Ier. Fusillé (34 ans) le 19 juin 1867, par Benito Juarez (républicains mexicains), devant un mur de brique. Cerro de las Campanas, à Santiago de Querétaro (Mexique). La famille Beistegui est contrainte de quitter le pays
1876. Les parents Beistegui s'installent en France
Carlos ajoute une particule à son nom de famille
Carlos devient l'ami de Léon Bonnat, peintre, graveur et collectionneur d'art 1833-1922
Portraitiste à succès, comblé d'honneur, membre de l'Académie en 1881. 1891. Legs à la ville de Bayonne -peintures, dessins anciens et de sculptures. 1901. Inauguration du musée Bonnat
Carlos est l'élève de Bonnat, malgré une différence d'âge importante (30 ans)
Carlos ne devient pas peintre professionnel. Léon Bonnat lui transmet le virus de la collection (prédilection pour les portraits) et la générosité, qui caractérise les mécènes
Carlos est l'oncle de Charles de Beistegui Paris, 1895 - château de Groussay, Montfort-l'Amaury, Yvelines 1970 célèbre esthète et décorateur des années 1950
Palazzo Labia à Venise, au coin du Grand Canal et du canal de Cannaregio, près de l'église San Geremia. Nuit du 3 au 4 septembre 1951, fête costumée « le Bal du siècle »
Chapelle au cimetière de Passy (11e division). 16ᵉ arrondissement
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Francisco José de Goya y Lucientes. Francisco de Goya
né à à Fuendetodos, 44 km de Saragosse, communauté autonome d'Aragon. Espagne nord-est. Le 30 mars 1746
Répression contre les libéraux en Espagne. Goya réside à Bordeaux pendant quatre ans. Décès le 16 avril 1828. Attaque cérébrale
Il épouse "Pepa" Josefa Bayeu y Subías 1741-1812. Sept enfants. Un seul a vécu après l'enfance, jusqu'à l'âge adulte. Francisco Javier de Goya y Bayeu 1784-1854
Dès 1778, Goya (32 ans) s'impose à Madrid grâce à une clientèle « bourgeoise ». L'élite culturelle madrilène le laisse libre, au moment d'exprimer sa vision personnelle, notamment pour les portraits
Par ailleurs, Goya travaille également sur les cartons de la Fabrique royale de tapisseries de Santa Barbara (Madrid)
Deux épisodes dépressifs sévères. 1792. Maladie. Goya (46 ans. 36 ans à vivre) devient sourd. Maladie auto-immune, syndrome de Susac. Atteinte des vaisseaux artériolaires qui irriguent la rétine, l'oreille interne (cochlée) et le cerveau
1794 / 1795. Goya (48 ans) peint le portrait de la comtesse del Carpio, marquise de la Solana (38 ans)
L'œuvre de Goya inclut des peintures de chevalet, des peintures murales, des gravures, des dessins. Plusieurs ruptures stylistiques, vers le romantisme et la modernité
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Par les gravures, Goya connaît les portraitistes anglais Thomas Gainsborough 1727-1788 portraitiste et paysagiste. Joshua Reynolds 1723-1792 peintre, graveur et essayiste
Touches rapides, harmonie de gris et de noirs
Fond neutre, inspiré de Diego Velázquez 1599-1660
Sabine de La Rochefoucauld, musée du Louvre. « La profondeur du noir, la légèreté du blanc et la grâce du rose »
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La comtesse del Carpio. Cour du roi d'Espagne, femme de lettres
La comtesse del Carpio est représentée au centre du tableau, de trois-quarts, le visage presque de face. Maîtresse d'elle-même, la comtesse regarde le spectateur
Sa main droite gantée tient un éventail fermé, vers le bas
Elle porte la traditionnelle robe noire à basquine. Jupe ample, soutenue par un cercle
Elle est chaussée d'escarpins brodés
La mantille espagnole et un grand nœud de soie rose ornent sa chevelure. « Caramba » coiffure à la mode en Espagne, à la fin du XVIIIe siècle
Silhouette gracile. Visage aigu, marqué par la maladie
La comtesse décède le 23 novembre 1795 (38 ans). Peu de temps après l'achèvement de la toile