La Constance (III)
fabiodonatello
X
Clarice sort sur la terrasse. Elle saisit une chaise et se place au fond, un peu en recul. Elle sent que toute cette effervescence va l’achever. Elle est épuisée. Dans une main, elle tient distraitement un verre qu’elle remue sans plus aucun intérêt, dans la patiente attente que l’envie de boire lui reprenne (bien qu’elle sache d’avance qu’elle en reprendra plusieurs). Un homme sort sur la terrasse, il porte une chemise flambant neuve par-dessus laquelle il a enfilé un gilet de satin blanc orné de fines arabesques couleur crème. Clarice ne se retourne pas pour l’apercevoir, toutefois son agacement flairant sa présence va grandissant. Une chaise est remuée derrière elle. Pourvu qu’il s’en aille…
L’homme pose enfin la chaise à côté d’elle, la contourne puis s’assied.
« Bonsoir. Vous êtes seule ? » lance-t-il. Et sa voix parvient à Clarice si limpide et envoûtante que pour un bref instant elle en est presque charmée,… presque. Elle se tourne vers lui puis lui dit avec un bref sourire exténué, s’efforçant d’être aimable :
« Oui… » mais instantanément elle comprend qu’il faudra engager la discussion, que la compagnie de cet homme et la seule chose qui lui permettra encore de sauver les apparences. Soit. Elle lui demande s’il est de la famille car il ne semble pas l’avoir vu à la cérémonie (de toute manière elle ne se rappelle de personne… c’est vite vu). Non, il est juste un ami, d’ailleurs il ne devrait même pas être ici…
« Vous avez un rendez-vous ? Oh, excusez-moi… » mais il la rassure aussitôt :
« Ce n’est rien. Oui ; rendez-vous,… enfin… je ne sais pas en fait… » ils marquent une pause. Ils éprouvent chacun cette désagréable impression que l’on ressent lorsqu’on essaye désespérément de trouver quelque chose à dire. Finalement il lui demande si elle est mariée. Les secondes passent silencieuses et le jeune homme prend son souffle pour s’excuser à son tour pour son indiscrétion, mais Clarice le devance.
« Oui… enfin, non… » il s’excuse quand même. Ce n’est rien, ce n’est rien… Mais d’une versatilité dont elle est écœurée elle se rend vite compte qu’elle n’a pas envie de parler en fin de compte.
Sans trop de détours elle rive la discussion sur lui, canalise leurs mots de telle façon à ce qu’il en dise bien plus de ce qu’elle demande. Le jeune homme paraît d’abord décontenancé. Elle le rassure, en feintant un intérêt pour ses paroles. Le jeune homme n’insiste pas à refuser, d’abord troublé (elle en est navrée, mais elle en a tant besoin…) finalement tout se délie avec une facilité amusante, il parle de ses études, ses préférences artistiques, ses voyages, ses ambition, son enfance, de choses complètement inintéressantes mais qui lui occupent l’esprit.
Pendant qu’il parle, elle sourit, presque imperceptiblement mais avec une spontanéité inattendue : pour la première fois dans sa vie, aussi bête cela puisse paraître, Clarice a le sentiment de se trouver face à l’alter-ego, l’allié engageant tant attendu mais jamais trouvé. Celui avec lequel – dans une autre vie, bien sûr – elle aurait pu visiter le Montana et dormir à la belle étoile au bord d’une rivière, ou aller voir une pièce à Broadway et boire ensuite un café sordide dans un bar, tard le soir, comme dans un tableau de Hopper… Elle se reconnaît beaucoup en lui ; il a cette même prudence inculquée qui le pousse à ne pas laisser d’équivoques dans tout ce qu’il dit, à l’épurer de telle manière à anticiper les préjugés qui en découleraient. C’est un étrange sentiment d’intimité qui se fraye soudain un chemin entre eux. Elle se demande presque s’ils ne sont pas en fin de compte quelque parents éloignés, et pour un instant elle songe à lui poser la question puis se dit que le propos est tout simplement absurde. Son prénom… lui a-t-il dit son prénom au fait ? Non, pas qu’elle s’en souvienne (est-elle bien sûre que ce soit le prénom qu’elle ait entendu en fait ?) Quelque chose comme « Leandro » ou « Leonardo »… elle se rappelle d’avoir pensé que ça ne lui allait pas du tout. Clarice s’apprête à le lui demander puis se ravise ; de quoi aurait-elle l’air si au bout du compte il le lui avait déjà dit ?
Pourriez-vous me rappeler votre prénom ? Quel est votre nom, au fait ? Non, elle décide qu’elle n’en fera rien. Elle continue pour un bref moment à s’imaginer la multitude de combinaisons qu’elle pourrait formuler, et rien ne lui convient.
Oui, c’est vrai, son air de vécu l’agace un peu : en l’entendant s’exprimer on dirait qu’il a vécu toute une vie, alors qu’il vient peut-être à peine de dépasser l’âge de la puberté. Mais ce faisant il détient ce charme présomptueux et ingénu qui n’est offert qu’à la jeunesse insatiable (elle scrute son visage et sourit malgré elle).
« Quel âge avez-vous ? » lui demande-t-elle sans outre mesure, elle s’en mord déjà les doigts. Quel manque de retenue, Clarice. Au point où on en est, autant lui demander son prénom… Mais la question passe inaperçue : avant même qu’elle ait eu le temps de terminer sa phrase, il s’est déjà levé.
« Je dois partir… » déclare-t-il consultant une nouvelle fois sa montre, et elle aimerait le retenir, lui dire de continuer à parler car pour un instant elle avait réussi à tout oublier…
« Ce fameux rendez-vous… » dit-elle, et il la regarde avec une pointe de déception dans le regard qu’elle n’arrive pas à comprendre, mais il s’efforce de sourire.
« Peut-être,… je n’en sais rien… » il lui souhaite une bonne soirée et il part. Le souvenir de cet étrange moment tourbillonne encore quelques minutes dans sa tête puis finit par s’effacer. Non, elle aussi elle n’en sait rien. Elle a l’impression de se trouver dans les profondeurs de l’océan, sans repère, abandonnée à elle-même. Et voilà que sans même savoir pourquoi, cet insupportable parfum l’enveloppe à nouveau…
XI
Nathalia regarde autour d’elle mais ne voit personne. La multitude de personnes qui défilent sous ses yeux finissent par l’étourdir. Elle s’efforce de les regarder, tous ces gens qui ne la remarquent même pas, mais s’aperçoit que leur visages disparaissent de sa mémoire aussitôt qu’elle détourne les yeux, ne parvient aucunement à en retenir ne serait-ce qu’un. L’abattement contenu à l’extrême passe inaperçu. Elisabeth… où est-elle ? Mais déjà elle ne la cherche plus, elle essaye juste de trouver quelque chose à faire, une occupation qui la rendrait moins sotte à rester plantée là comme par décoration. Elle saisit un verre de ce qui pourrait être du champagne ou du cidre, mais elle n’a pas soif. Nathalia porte malgré tout la flûte à la bouche et avale sans envie. Appuyée dans un coin de la salle, la fumée un brin vanillée qui provient d’un endroit inconnu arrive jusqu’à elle, embaumant la salle entière. Et pour la première fois, elle regrette de ne pas fumer, de ne pas avoir une cigarette à tenir entre les doigts de sa main qui tapote stupidement contre son habit le rythme doux de l’orchestre. Qu’elle doit avoir l’air désespérée… Nathalia retient ses larmes (pourquoi se met-elle toujours dans ces états ?), elle lève la tête alors qu’elle sait qu’elle ne se sentira que davantage seule, et soudain l’éclat des améthystes attire son attention, comme si le canot de sauvetage tant attendu se frayait un chemin à travers le tourment violent des vagues déchainées. Mais elle se sent encore plus mal : la sensation de se voir prise en pitié s’est métamorphosée en une telle certitude que les voix qu’elle s’imaginait jusqu’à lors paraissent maintenant se fondre sans équivoque avec leur bouche. Elle les entend déjà, avec leur timbre affecté et superficiel qui les rendent si particulières… (Ah, vous ne le saviez pas ? Son mari, il perd la tête. Si si, je vous le jure. Il souffre de je ne sais plus quoi,… n’est-ce pas ? Pauvre fille… Attendez, la voilà qui arrive… Nathalia ! Comment allez-vous ?…) Elle qui s’était tant réjouie de cette soirée a l’impression d’être plongée dans une mare infecte et boueuse. Son mari est malade, et la femme à qui elle avait tacitement confié sa survie est là, qui ne la regarde même pas, voilà tout.
Presque titubante, comme empreinte d’une hypnose décalée, Nathalia se dirige vers Elisabeth qui lui lance un sourire des plus apprêtés par-dessus l’épaule d’un homme vêtu de noir. Ce sourire hypocrite qui – en dépit de sa nature – continue à la fasciner malgré elle, la transporte et l’amène jusqu’à elle… Puis, lorsqu’elle s’introduit dans leur cercle obscur, le silence qui plane soudain ne fait que confirmer ses convictions.
« Nathalia ! Comment allez-vous ? » s’exclame Elisabeth, le temps de composer ses phrases étudiées. Sans même s’en rendre compte, Nathalia est secouée d’un petit rire nerveux, et pourtant la tristesse qui l’envahit est plus insoutenable que tout. (Félicitations, Nathalia, comme promis, tu vois ?). Elle relève la tête d’un élan un peu emporté puis jette un regard fuyant aux énigmatiques convives, et c’est à ce moment qu’elle réalise que son malaise est si absolu qu’elle est en train de se mordre la langue pour ne pas éclater de rire et leur crier à quel point ils sont ridicules avec leur air emprunté et leur chemise à col cassé. Pourquoi lui fait-elle cela ? Elle sait pourtant très bien qu’il n’y a pas de place pour elle parmi eux et que, surtout, ça l’agace…
« Je vais bien merci » répond-elle bien que sa voix trahisse un vertige immensément présent.
« Vous en êtes sûre ? Car vous n’en avez en tout cas pas l’air… » Nathalia serre les dents en un rictus qui – elle en remerciera Dieu plus tard – passe inaperçu. Mais pourquoi s’obstine-t-elle à faire semblant de s’intéresser ? Que persiste-t-elle à prouver ? Non, je ne vais pas bien du tout… et vous savez pourquoi ? Je me traîne – oui, absolument ; je me traîne, parlons clair, Elisabeth, parlons clair… – un mari qui est malade depuis bientôt six ans et que j’en ai marre, tout simplement. Marre de rester cloitrée dans l’attente de pouvoir penser à autre chose, et marre de vous voir parler de moi comme une déplorable femme qui s’est rendue à son destin par manque de volonté. Vous voyez, chère Madame ? Et vous savez qu’est-ce qui est vraiment extraordinaire pardessus tout ? C’est que la seule personne en qui je croyais trouver ma rédemptrice m’abandonne en feignant de ne pas me connaître juste pour sauver ses apparences, et prétend même devoir la comprendre… Vous saisissez ? Mais après tout je suis certaine qu’un verre de demi-sec finira par tout régler… N’êtes-vous pas du même avis ? Ah ! J’en étais sûre… Une main se pose délicatement sur son dos et met un terme à sa frénésie assassine en un sursaut.
« Nathalia ? » la voix provient de derrière elle, et – sur le moment – absorbée par ses pensées enfouies, Nathalia ne la reconnaît pas immédiatement. Un peu stupéfaite (qui peut bien la connaître ici ?) elle se retourne spontanément, abandonnant pour un instant le tempérament maladif qui s’était emparé d’elle. Et soudain, même en ayant ses yeux tout aussi ébahis à quelques centimètres de son visage, elle ne reconnaît pas la figure familière qui se tient comme figée en face d’elle. Tout simplement parce qu’il ne peut pas se trouver ici en cet instant…
Sa bouche frémit sensiblement. Elle est foudroyée par l’image d’Elisabeth et ses convives sibyllins qui ont inéluctablement le regard rivé sur elle derrière son dos,… sur eux… elle déglutit. Parle, Nathalia ! Dis quelque chose ! lui implore une voix inconnue.
« Adrian ?! Quelle surprise ! » et même si le fil de sa voix est plus léger que l’air doux qui filtre des fenêtres ouvertes à travers la pièce, le prénom résonne dans les esprits aussi fort que l’impact de deux cymbales…
XII
Elisabeth est assise devant le miroir pariétal des toilettes. Finalement Adrian s’est décidé à venir, son plan a marché. Nathalia l’a rejointe, elle a pris place à côté d’elle, mais elle ne la regarde pas. Nathalia au contraire la fixe avec insistance dans le glace, dans l’attente d’une explication, ou une consolation, car la conviction que la présence d’Adrian ait quelque chose à voir avec leur relation l’assujettit tel un piège à souris. Mais Elisabeth se contente de se poudrer, inutilement. Elle réfléchit à ses mots, une fois de plus. C’est plus dur de ce qu’elle croyait. Elles ont passé de si bons moments ensemble… c’est vrai…. mais elle ne supporte plus cette situation. Elle n’en peut plus de ces femmes faciles, de ces femmes avec lesquelles leur destin est couru d’avance. Pour la première fois, dans la lumière fade des néons, devant son propre reflet, elle se rend compte que toutes ces relations n’ont jamais servi à rien. Elle a passé sa vie à se leurrer dans un espoir qu’elle savait déjà délétère. Cet espoir que les femmes pouvaient lui apporter ce réconfort de plus, au détriment de cette intégrité dont elle avait dans le fond si besoin… Ah, si seulement elle n’avait pas été aussi idiote, si elle n’avait pas oblitéré cette présence d’esprit qu’elle paraît si bien avoir acquise… Dans le fond elle avait juste besoin de quelqu’un qui l’aime – d’un homme –, mais c’est une prise en compte qu’elle a obscurci avec les années. Pour Nathalia elle n’est qu’une auxiliaire. Elle sait qu’elle pourrait le rester éternellement mais elle ne peut pas survivre avec le sentiment de ne pas être exclusive. Qui le pourrait ? Qui pourrait vivre avec la certitude de n’être qu’à la seconde place ? Au-delà de tout égoïsme, elle doute que quiconque puisse durablement le supporter.
Elle a appris à vivre d’elle-même, en n’ayant besoin de personne. Elle a aussi appris à l’accepter. Dans son monde à elle, Elisabeth s’est mise à la première place. Et même s’il n’est pas réel, même si son monde n’est qu’un déguisement perpétuel dissimulant des douleurs et des désirs qu’elle ne laissera jamais jaillir, elle ne voit plus l’intérêt de tout retenter. Désormais sa vie est derrière elle, elle devient âgée. Nathalia peut encore rectifier son tir avec son aide, elle peut encore sauver ce qui peut l’être, à l’abri de la lumière. Il ne faut pas qu’elle devienne comme elle, tôt ou tard elle le regretterait…
« Parle… » supplie Nathalia en un murmure. Elisabeth la regarde, à travers le miroir. Elle parle d’une voix cassée, empreinte de quelque chose qui la lui rend plus humaine…
« Il le fallait… pour Adrian. Un jour tu te rendras compte que ça a été le bon choix… il a besoin d’une femme entière, pas d’une fille de salle qui se partage à son insu » voilà, elle accomplit ce dernier acte de charité envers la femme qu’elle a aimé. Elle espère qu’elle comprendra, et elle comprend, à contre cœur mais de manière concise. Il y a d’autres paroles qu’Elisabeth ne prononce pas mais qui passent néanmoins entre ces mots comme de subtiles décharges. Il y a une sorte de courage qui lui est transmis. La force de se dire qu’Adrian vit avec une femme morcelée entre lui et ses désirs, que cette relation avec Elisabeth ne relevait que de la soif de renouveau, mais qu’il faut à présent remédier à cette intégrité qui commence à se déchirer…
Elisabeth marque une pause, elle laisse sa phrase en suspens. Et tandis que la musique filtre d’en-dessous la porte, que les éclats de voix volent, étouffés par le robuste battant de bois, Nathalia et Elisabeth se fixent dans les yeux, et l’instant est si complexe, tant broyé par des pensées qui ne cessent de se succéder, qu’elles sont convaincues, l’une autant que l’autre, qu’elles n’en ressortiront pas indemnes. Qu’il y a quelque chose dans la tension de cet étrange moment qui de par sa puissance est en train de changer leur existence à tout jamais, de séparer leur destinée irrévocablement. Et dans la fragilité de l’instant, dans les faibles lumières qui éclairent leurs pupilles, Nathalia espère presque en quelque miracle. Qu’elle la prenne et qu’elle l’embrasse une ultime fois. Qu’elle la retienne et qu’elle la persuade qu’elle peut vivre même en gardant leur liaison. Mais Elisabeth ne fait rien de cela. Nathalia, assise sur cette chaise sur laquelle elle paraît clouée et impuissante espère encore, bien qu’elle sente Elisabeth disparaître chaque seconde un peu plus.
Elisabeth lui prend la main et la serre, fort.
« Sans regrets, Nathalia. Sans regrets… » murmure-t-elle, elle ne sait pas comment mieux la rassurer. Nathalia acquiesce. Les pensées se bousculent violemment. Elle se lève puis part, sans se retourner.
Elisabeth ressent un soulagement, un poids qu’elle avait gardé trop longtemps en elle et qui vient d’être libéré. Pourtant, au fond, ce n’est pas aussi simple. Elle qui a appris à vivre de ses privation sent qu’elle ne parviendra pas à se défaire de Nathalia aussi vite. Qu’elle continuera à vivre en elle, ici et là, dans ses souvenirs. Jusqu’à ce qu’elle se dise un jour qu’en fin de compte elle ne l’avait jamais aimée. Qu’elle n’a jamais aimé personne. Elle se regarde dans le miroir, mais la magie n’opère plus, la femme qu’elle voit en face d’elle s’est fanée, comme si après tant d’années passées à vivre dans ses souvenirs elle parvenait enfin à faire face à la réalité, à se voir pour ce qu’elle est réellement.
XIII
Clarice demeure toujours assise sur la terrasse, dos tourné aux vitres et à la porte-fenêtre qui la séparent du tumulte incessant et des lumières flamboyantes. À quelques mètres près de la barrière, elle est plongée dans une obscurité presque totale. Les yeux plissés, elle regarde les lumières de la ville, suit les phares des voitures qui se perdent indistinctement, puis en revient à contempler la terrasse.
Quelqu’un ouvre la porte-fenêtre et sort sur l’esplanade. La silhouette de Gabriel s’avance hésitante, lentement vers elle (comment a-t-il réussi à la trouver ?) Il dit qu’il va partir (tant mieux), qu’elle n’a pas à s’en faire : il lui laissera la voiture, il se débrouillera. Elle est reconnaissante pour ce geste, mais elle ne prendra plus la peine de se tempérer. Tournant la tête légèrement vers lui elle lui dit qu’il n’aura qu’à mettre la clef dans la boîte aux lettres : elle se chargera du reste des affaires, et elle lui rappelle crûment qu’il a ses valisent qui l’attendent.
« Oui, je n’ai pas oublié… » (comment aurait-il pu ?)
« Dans ce cas plus rien ne te retient ici » et dans ces brefs moments de lucidité qui suivent ceux qui ne l’étaient pas, Clarice ne peut s’abstenir de regretter ces mots sans retenue qu’elle n’aurait jamais osé envisager dire auparavant. Cette audace dans la voix qu’elle ne reconnaît pas. Ce n’est pas un regret envers Gabriel, non, elle regrette juste de voir ce qu’elle est devenue, cette acerbité destructrice. Mais elle se dit que bientôt elle en démordra. Lorsque toute cette histoire finira, oui, heureusement…
« Pars » expire-t-elle, exaspérée. Les yeux fermés, et les sourcils froncés comme s’ils tentaient de figer stupidement la larme qui s’insinue déjà au creux de l’œil mais qui ne tombera jamais.
« D’accord » répond Gabriel, convaincu, comme si la pensée de devoir partir lui avait effleuré cent ans auparavant. Puis comme si toute la grandissime signification de cette intimation lui était soudainement jetée à la figure, il répète en un murmure.
« … d’accord… »
Les secondes s’écoulent sensiblement mais sans répit. Gabriel fixe Clarice sans plus vraiment la voir, comme absorbée dans un nuage d’éloignement qui s’épaissit chaque instant un peu plus. Partie terminée, Gabriel. Plus la peine de rester. C’est un de ces instants où l’on ne sait plus quoi dire. Où – par une fierté qu’il serait inadmissible d’abandonner – on se retire en mettant cela sur le compte d’un quelque ressentiment. Il recule d’un pas, sans faire de bruit, comme par peur qu’elle lève la tête. Il n’a pas envie de la voir. Il a une terreur folle d’imaginer son visage maculé de larmes. Il en éprouverait un malaise et une humiliation fatals. Il recule encore, puis encore une fois. Il ne quitte pas Clarice des yeux. Mais elle ne bouge pas. Finalement il sort, la laissant dans la solitude qu’elle repousse tant mais dont elle a si besoin.
Clarice pense à tout ce qui les a menés jusque là. Retrace le moindre détail. Elle pense à l’air glacial de Gabriel, à son indifférence, et maintenant qu’elle y pense (est-ce dû uniquement à la situation présente ?) elle s’aperçoit qu’il y avait toujours eu comme une retenue dans ses étreintes, comme si elles avaient été réfrénées. Mais elle pense aussi à cette fausse couche et intimement, même si elle ne se l’avoue pas, Clarice sait au fond d’elle que ce n’est pas seulement cette frigidité des sentiments qui a mené à leur déclin. Mais elle ne se l’admet pas, elle s’en voudrait trop. Il est impossible que ces deux évènements soient si étroitement liés, et pourtant elle repense à ce maudit accident advenu il y a onze mois qu’elle n’arrive pas à oublier. Elle s’est promise de ne plus y penser, de trouver une autre raison, mais elle continue à s’y heurter comme si c’était arrivé hier. Oui, elle pense à cet échec, l’énième. Aux tentatives désespérées de le rayer de sa mémoire, aux tentatives de se relever et de faire abstraction du fait qu’ils n’auraient plus jamais été les mêmes. Elle s’est mariée trop tôt, et maintenant, elle a échoué. Comme sa mère. Et bien qu’elle ne se sente plus concernée par cette femme que le temps à fini par lui faire oublier, Clarice se surprend à se demander ce qu’elle fait à présent. A-t-elle continué sa vie avec un autre homme après la mort de son père ? Peut-être… peu lui importe. Elle, en tout cas, elle a raté. Sa grossesse, son mariage,… ses promesses… tout. Cela fait longtemps qu’elle n’a plus ramené sur la table ses promesses… mais par quelque force de la nature certaines choses deviennent plus justifiables si elles sont passées sous silence. N’avais-tu pas promis de ne plus jamais y toucher, Clarice ? Après les soins qu’elle doit principalement à Gabriel (mais elle a oublié tout cela…), cette impression que l’alcool n’allait plus jamais l’atteindre avait-elle fait sincèrement partie d’elle ? Le visage dans les mains elle se dit que même si elle n’a jamais su s’en extraire, son état s’est beaucoup amélioré, qu’elle va beaucoup mieux. Et que – peut-être –, toute cette évasion dont elle n’a jamais su s’abstenir, elle parviendra à la compenser par ce divorce. Qu’il y a un autre revers qu’elle n’avait pas remarqué. Se pourrait-il vraiment qu’il ne soit pas trop tard pour tout recommencer ? Qu’elle soit toujours à temps pour oublier Gabriel tout en lui restant reconnaissante, ensevelir son alcoolisme et accepter sans remords son avortement accidentel ?
Le vent commence à se lever, elle lève les yeux au ciel et en cet instant elle est convaincue que l’averse est imminente, elle ne sait ni comment ni où, mais elle est imminente. Cependant il y a soudain une force en elle qu’elle n’avait jamais trouvée, l’espoir que tout puisse être à nouveau reconstruit à temps lui suffit pour se lever et se dire que tout n’est pas perdu. Non…
XIV
Nathalia est revenue vers Adrian. D’une voix inquiète il lui a demandé si tout allait bien. Bien sûr que tout allait bien… Ils ont pris deux chaises et se sont assis dans la salle, contemplant vaguement les robes, les costumes, le banquet. Ils ne se parlent pas, elle est appuyée contre lui, et en dépit de ce sentiment de culpabilité qui l’habite fermement, quelque chose en elle se dit qu’elle a fait le bon choix. Elle n’en est pas encore tout à fait sûre, mais sait qu’elle parviendra à s’en persuader. La tête lui tourne, comme s’il y avait une soudaine montée de pression. Il y a une confusion extrême dans son esprit et pourtant cet instant avec Elisabeth, en dépit de son affliction, lui a apporté comme une lumière, une prise de conscience sans laquelle elle aurait risqué de gâcher toute sa vie. Comme si une deuxième chance lui était miséricordieusement accordée. Oui, elle s’en veut de lui avoir fait défaut, d’avoir été si égoïste envers lui. Comment a-t-elle pu lui faire une chose pareille après toutes ces années passées ensemble ?
Nathalia s’en veut mais elle se réconforte en se disant qu’au moins lui, il ne lui en voudra pas. C’est un nouveau départ vers l’absolution. Adrian n’en saura rien, et elle, elle continuera à l’aimer, comme toujours, non ? Sauf que cette fois, son amour ne sera pas partage entre lui et Elisabeth.
Adrian se lève et lui prend la main. Étonnée elle se laisse guider au centre de la salle. Elle sourit. Et soudain, comme si elle n’était jamais vraiment parvenue à s’en rendre compte auparavant, ici même, avec la rassurante main d’Adrian qui lui étreint les hanches, Nathalia se surprend à ne rien désirer d’autre. Elle se surprend presque à réaliser qu’elle danse avec son mari, et qu’elle l’aime. Vraiment. Dans la salle de bal où ils se fondent parmi tous les autres invités, tout l’univers autour d’eux semble disparaître peu à peu, ne laissant place qu’à eux deux. Il est des fois, comme maintenant – lorsqu’elle parvient enfin à se persuader d’être heureuse – où elle ne la reconnait plus, cette femme qui avait vu jadis son mari comme un fardeau qu’elle n’a pas mérité. Cette femme qui croyait tirer de ses souffrances le droit légitime d’avoir quelqu’un d’autre, en lui accordant cet aspect plus acceptable… Mais pour aujourd’hui elle n’y pensera plus. Ni à son infidélité, ni à cette peur d’avoir été si proche de le perdre qui la fait se sentir si coupable… peut-être en définitive qu’elle n’y pensera plus jamais. Elle sent quelque chose changer en elle, des valeurs dont elle avait perdu le sens. Elle tient Adrian par les épaules, sens le tissus sous ses doigts, sa vigueur, non, elle ne veut rien d’autre. Elle savoure cet instant comme si c’était le dernier en sa possession. L’orchestre termine le morceau qui s’évanouit dans l’air, les couples se dispersent, ils se mettent un peu à l’écart, et ils s’embrassent. Et tandis qu’un couple se désagrège au rythme de l’empressé et réciproque effacement de leurs vulgaires souvenirs, quelque part, plus loin – semblant les distancer d’années lumière, au-delà d’un abysse insurmontable et des murs qui renferment leurs secrets, au-delà des orchidées qui embaument la salle de bal et l’éclat de l’élégance et des esprits transportés –, un autre rassemble ses cendres et renaît. Un peu à part, loin des feux de l’euphorie, Nathalia et Adrian s’étreignent. Ils se délacent et se regardent comme ils ne s’étaient jamais perçus auparavant, comme si une certaine essence nouvelle les rendait d’une splendeur miraculeuse et inouïe. Adrian la regarde avec un sourire à-demi fatigué qui vient comme clamer l’entente cordiale tant attendue. Et Nathalia n’a pas besoin d’autre chose. Non, il n’est pas trop tard…
XV
Une femme ouvre la porte-fenêtre et respire l’air frais du soir. Elle s’avance lentement sur les dalles de la terrasse. Clarice est à quelque dizaine de mètres d’elle ; finalement elle n’est pas rentrée à la maison, elle s’est laissé envoûter par la fraîcheur du vent malgré elle. Elle tourne brièvement la tête vers cette femme qui lui rappelle vaguement quelqu’un, mais elle se rend vite compte que c’est impossible. Et pourtant…
« Je n’aurais jamais cru te voir ici, Clarice… » son cœur manque un coup, la voix est posée, ni trop froide, ni trop emphatique, elle se retourne en un sursaut et reste bouche bée.
« Ça fait si longtemps… comment vas-tu ? » Clarice a déjà détourné le regard, elle fait semblant d’observer quelque chose au loin mais elle n’arrive pas à se concentrer…
« Je vais bien » répond-elle. Mais elle perçoit dans sa voix un désaccord entre ce qu’elle dit et le ton avec lequel elle le prononce. Elle lui demande comment se passe sa vie avec… comment s’appelle-t-il ? Gabriel. Voilà, Gabriel. Oui, ils vont très bien, et cette réponse sort de sa bouche comme un mécanisme ancien. Un usage habituel. La dame sourit (qu’est-ce qui peut bien la faire rire ?) il y a un long silence.
« Quand tu es partie, après le chagrin et le déni, je me disais qu’au moins avec ton départ tu te serais arrachée à la vie qui t’attendait avec moi… » Clarice se tourne vers elle, avec une incompréhension sur le visage qu’elle ne peut pas camoufler.
« Nous finirons nos vies seules, Clarice. Nous ne sommes pas faites pour le mariage » ni pour les hommes et ni pour les femmes, mais elle s’abstient de le dire. Clarice secoue la tête. Comme se permet-elle de dire cela ? Elle qui ne la connait même pas. De quel droit dispose-t-elle pour venir lui prescrire sa vie aussi nonchalamment, comme si elle en connaissait le moindre détail ? Avec ses airs de savante qu’elle agite si prétentieusement…
Elle continue à parler, sa voix devient un murmure mais son retentissement reste intact ; comme empli d’une rage contenue, enfouie dans un recoin inexploré. Et peu à peu, par une fortuite et inexplicable altération du ton, Clarice aperçoit les mots de cette femme s’éloigner, se détacher distinctement comme si d’un moment à l’autre ils ne lui étaient plus adressés, comme si cette dernière avait pris à se parler à elle-même – tombant sans le vouloir dans les réminiscences d’un passé qui ne lui avait que trop appartenu –, la laissant soudainement étrangère à toutes ses paroles. Clarice ferme les yeux et réprime une migraine attenante. Elle a autre chose à penser qu’aux problèmes de cette bourgeoise faussement bien attentionnée. Et pourtant elle se sent glisser dans les paroles d’Elisabeth comme une invitée improvisée à partager les instants d’une complicité antérieure…
Puis il y a un vertige. Après tout, son passé, est leur passé. (N’est-ce pas, Clarice ?) Jusqu’à ce que la mort vous sépare…
« Va-t-en » crache Clarice. Elisabeth reste un instant interdite, peut-être pour cette audace qu’elle n’aurait jamais cru entendre de la part de sa fille, peut-être pour cette appellation qu’elle n’a plus entendu depuis tant d’années…
« Excuse-moi, je n’avais pas l’intention de… »
« Va-t-en » mais Elisabeth reste impassible, au lieu de montrer quelque remord qu’il soit elle se détache, devient austère.
« J’espérais juste reconstruire ne serait-ce qu’une infime partie de ce que nous avons perdu… » Clarice la fixe dans les yeux, les mêmes qu’Elisabeth, et avec une expression navrée elle secoue la tête :
« Désolée » Elisabeth acquiesce, une consternation qu’elle réprime jusqu’au plus profond d’elle-même. Puis elle sort. Clarice reste immobile, non, elles ne reconstruiront rien du tout, elle doit d’abord reconstruire sa vie : elle vient tout juste de s’effondrer…
XVI
Alex entre dans l’appartement. Avec le pied il repousse la porte qui grince puis se ferme, et tandis que d’un geste machinal il cherche aveuglement l’interrupteur, il revient sur sa décision et décide qu’il n’appuiera pas. Dans le noir qui devient chaque seconde moins obscur, il avance lentement à travers la chambre, vers la fenêtre restée ouverte qui encadre les minuscules points de lumière provenant de la ville au lointain. Une obscurité différente, moins factice,… plus immense… (D’un geste las, il fait coulisser sa cravate de vénerie de son col sans vraiment s’en rendre compte et la laisse tomber à terre). Puis il s’arrête à quelques pas de la fenêtre, butant contre la terrible certitude qu’il avait tenté de réprimer depuis ce matin : Gabriel ne viendra pas.
Le visage qui décèle une tristesse et une résignation contenue, Alex se dévêt comme si une partie de lui avait compris qu’il ne valait plus la peine d’attendre davantage ; il ôte le gilet de satin blanc orné d’arabesques couleur crème, puis déboutonne sa chemise neuve et les pose négligemment sur le fauteuil. Il les regarde brièvement, là, amassés dans un tout petit coin, on dirait qu’ils n’ont jamais existé : le fastueux gilet de satin a perdu son éclat, et la chemise autrefois flambante est maintenant froissée aux coudes, aux épaules,… partout. C’est cette même sensation d’absence que l’on éprouve lorsqu’on contemple un festin dégarni. Cet étrange instant d’attentive perception où l’on observe sa propre solitude. Car les verres ne sont plus étincelants et immaculés, mais inclinés avec le reste du vin qui tâche la nappe, les assiettes auparavant alignées et blanches sont à présent maladroitement empilées avec le reste de nourriture froide, et les serviettes impeccablement pliées et lisses sont maintenant chiffonnées et ternies. Il n’y a plus personne dans la salle. Non, il est tout seul dans cet appartement. Comme toujours, après tout.
Il va vers la fenêtre et s’appuie contre la balustrade. Il entend l’écho d’un chien qui aboie, les clacksons des voitures… Il regarde l’heure : 22:30. Pourquoi est-il parti de ce bal ? Non qu’il ait un seul instant pensé de s’amuser, mais il y avait cette femme sur la terrasse avec une robe rouge qui lui découvrait le dos… Elle lui a paru si sympathique… certes un peu affligée mais fascinante. Il regarde encore l’heure et avec désespoir il remarque qu’elle n’a pas changé, et que Gabriel ne viendra pas… qu’il ne viendra jamais. Il se retire de dehors et va près de son lit. Il regarde le petit miroir posé sur sa table de chevet. Il se met à quatre pattes, se penche et entre la troisième latte du lit et le matelas il sort un sachet de plastique, il le contemple un moment, sent une dernière fois la poudre sous ses doigts, puis il va dans la salle de bain et il le jette dans les WC. Il s’allonge quelques minutes sur le lit sur le lit, juste quelques minutes pour penser à ce bref moment d’inconscience que dans le fond il ne regrette pas. Quelques minutes pour se dire que peut-être Gabriel n’est pas la réponse à tout… et qu’il continue à vivre dans une illusion dont il faut absolument qu’il s’extirpe… Passera-t-il vraiment sa vie dans cet espoir ? Non. Si Gabriel ne vient pas, autant pour lui, l’oubli ne sera que plus rapide.
Il reste un moment allongé, sans bouger, il cligne des yeux puis se relève. Il n’en prend que très occasionnellement, que lorsque son esprit requiert une sorte de fuite momentanée, d’échapper à cette réalité qu’il ne fuira plus. Voilà, soudain, il se sent un peu mieux, comme plus enclin à supporter le fait de ne pas être aimé par le seul homme qu’il aime. Ce qui l’agace parfois, c’est de se dire qu’il serait prêt à tout pour Gabriel, mais que lui, tout ce dévouement il ne le mérite pas. Maudite Clarice, il pourrait tout faire exploser entre eux en un seul coup de téléphone…
Il revoit Gabriel vers la porte. Alex lui dit « je t’aime… » et avec le ton avec lequel il le dit on dirait qu’il pose une question. Gabriel se retourne, entre le hall et le couloir qui l’engloutira, il lui lance un sourire sincère mais assurément terni (conséquence du sommeil ou de l’effort, Alex ne le sait pas et ne veut pas y réfléchir). Et pour un bref instant – un de ceux qui paraissent durer toute une vie – Alex est certain qu’il le laissera planté là, avec le souvenir d’un simple sourire en gage de répartie. (Comme il en serait capable… !) Puis – après un air hésitant infaillible –, semblant lui requérir un effort surhumain, il répond contre toute attente.
« Moi aussi » puis disparaît tout aussi brusquement. Le départ est brutal, et la réponse tant espérée sonne aussi juste qu’une octave mal apprise,… et pourtant le sourire retenu qui est en train de s’esquisser sur la bouche d’Alex trahit une satisfaction compensatrice aussi exquise qu’inattendue… Oui, il revoit tout. Mais ce n’est plus la peine de se torturer avec ces souvenirs. Gabriel s’est payé sa tête, un point c’est tout. La vérité est que même lui, lui qui croyait tout savoir, avoir tout décelé dans l’existence, se révèle être qu’un autre illusionné parmi tant d’autres.
Alex referme un volet, ce faisant il entend un bruit sourd résonnant dans l’appartement. Il se retourne, et avant d’avoir le temps de penser à quoi que ce soit il le voit : Gabriel se tient vers l’entrée, dans la pénombre il ne perçoit pas les deux valises qu’il tient derrière lui, juste son sourire un peu anéanti. Il s’avance vers Alex et enlève son manteau qu’il laisse tomber par terre. Ils n’ont pas besoin de se parler. Alex n’éprouve même pas l’envie de lui demander la raison de sa venue inopinée. L’éventualité que sa présence puisse signifier quelque chose de concret, c’est tout ce qui compte pour lui en cet instant. Il trouve soudain tant de chose à lui dire, tant d’excuses à formuler, tant d’affection à répandre, que tout le reste ne compte simplement plus. Au diable le chien qui aboie à la mort, la voiture qui crie au vol, et l’averse imminente (car elle éclatera soudainement, il le sent…), il presse Gabriel contre lui, sent son corps contre le sien, sa respiration, son parfum.
Alex ferme les yeux.
superbe valable pour les 3 textes
· Il y a plus de 14 ans ·Remi Campana