la falaise nue
the-little-hedgehog
Le banc vermoulu lui sciait le dos, il lui semblait être aveugle de beauté. Les nuages roulaient, tonnant, et s’écrasaient sur les rochers âpres de la falaise. Sous ses pieds, la terre rude s’étalait, parsemant des nappes de bruyère, et l’aridité maîtresse de cette roche. Plus rien autour d’elle que ces nuages gris d’orage rampant à ses pieds. Elle se leva, curieuse de cette rencontre. Le monde s’était absenté. Elle s’avança vers le bord de la falaise, brusquement décharnée dans la pierre. La douleur, soudaine, d’une roche furieuse, affleurant la terre et qui la blesse.
En bas, les bouillons enragés de l’eau luttant contre le surgissement de cette roche démesurée. L’apesanteur s’amuît alors et elle glisse. La chute ne se fait sentir qu’au heurt violent contre le granit salin. L’écume rougit dans ses yeux, plus un son mais un grondement issu des profondeurs et qui sourdit tout. Il faut lâcher prise, accepter, se laisser glisser, s’étendre sous la lame qui écrase le buste.
L’eau ruisselle et creuse des rigoles dans ses cheveux. Le goût doucereux qui glisse sur ses dents l’éveille au monde. Sur le sol désormais engorgé, l’union de la terre et de la femme. Elle saisit son pied ; une bouche est ouverte, rouge, qui déverse des flots souillés de vie et d’humus. L’eau du ciel purifie la plaie. Un doigt passe entre les lèvres, sensuelles et battantes d’un cœur encore chaud, glisse sur la chair, récoltant le miel porté à sa bouche et goûté. Hosanna ! C’est ici le baptême de la substance.