La Faute à la vie - Chapitre Dix-Sept

Julie Vautier

Peter Bailey est avocat, éternel commis d'office pour les jeunes délinquants. Il n'attendait plus rien de la vie. Jusqu'au cas Killian Murray.

J'ai failli mourir aujourd'hui. Pour de vrai. J'ai failli mourir. Ça m'a pas donné envie de crever. Tu le croiras jamais, mais ça m'a donné envie de vivre. De vivre à fond. Ça m'a donné envie d'aller en Europe. Tu te souviens, quand on avait parlé de la France ? Ça m'a donné envie d'aller en France et de manger des croissants. Ça m'a donné envie de me battre. Bon, je t'avoue que ça m'a pas donné envie de faire des études. Faut pas déconner non plus.

Maître Samaritain est resté à l'hôpital jusqu'à ce que je me réveille. Je crois que personne avait jamais fait ça pour moi. Quand j'étais petit, j'aurais pu crever dans mon sommeil, ma mère l'aurait jamais su. Enfin, bref. Ton père était là pour moi. Il est resté avec moi. Il m'a pas abandonné. Il est chouette, ton père. Il est vraiment chouette.

Passer aussi près de la mort, ça m'a fait réfléchir. J'ai décidé d'arrêter mes conneries. D'arrêter la drogue. La drogue, ça m'aidait à t'oublier un peu. Mais il faut pas que j'oublie. Faut que j'apprenne à vivre avec. Que je fasse mon deuil. Pour ça, faut que j'arrête la drogue. Ton père va m'aider. Il m'a promis. Il va m'aider à arrêter. Ça me fait peur. Je sais pas comment je vais réagir. Mais je veux aller mieux. Je veux pouvoir être fier de moi. Je veux que maître Samaritain soit fier de moi.

Les médecins m'ont donné un truc pour pas que je fasse de crise cette nuit. Ça m'a fait plaisir de penser que bientôt, je ferai plus de crise. Bientôt, je serai clean. Mieux : j'aurai un futur. J'en ai jamais eu. Mais je commence à voir à quoi ça ressemble. C'est flippant et excitant à la fois. Je veux avoir un futur. Tu avais un futur. Je te l'ai volé. Maintenant, je vais tout faire pour m'en sortir. Parce que c'est ce que tu aurais voulu.

J'ai pas beaucoup dormi pendant la nuit. J'ai cogité. J'ai jamais autant cogité de ma vie. J'ai repensé à la France et aux croissants. Je pourrais peut-être apprendre le français, tiens. Tu parlais un peu français. Tu avais appris au lycée. Je pourrais essayer. Sinon, j'apprendrai l'espagnol. J'ai déjà entendu ton père parler espagnol. Il m'apprendra. J'espère qu'il sera d'accord.

J'ai décidé d'aller voir mes parents aussi. J'irai les voir dans leur cimetière. La décharge dans laquelle ils travaillent. J'irai les voir. Juste pour leur montrer ce qu'ils ont laissé partir. Pour qu'ils regrettent. Je leur montrerai que je peux être quelqu'un. Maître Samaritain y croit. Tu y croyais. Alors, je veux y croire.

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