La Faute à la vie - Chapitre Quatre

Julie Vautier

Peter Bailey est avocat, éternel commis d'office pour les jeunes délinquants. Il n'attendait plus rien de la vie. Jusqu'au cas Killian Murray.

J'ai encore eu une crise. Une grosse. J'avoue, j'ai eu peur. A toi, je peux le dire. J'ai eu peur de claquer. Peur que mon cœur lâche. J'ai aucune raison de vivre. Du moins, je n'ai plus aucune raison de vivre depuis que t'es partie. Pourtant, je continue d'essayer de vivre. Même si ma vie est merdique, j'ai pas envie de crever. Pas comme ça. Pas comme mes potes. Ted est mort la semaine dernière. Les flics l'ont retrouvé dans une benne à ordures. J'ai pas envie de finir comme ça. Même si je sais que c'est ce qui m'attend.

Je vais peut-être aller en taule. Enfin, c'est pas sûr. Je serai fixé dans un an. Un pauvre type a décidé de s'occuper de moi. Il veut me remettre sur le droit chemin. C'est un avocat. Je parie qu'il vit dans une belle baraque entourée de roses. Je parie qu'il s'emmerde et que c'est pour ça qu'il a décidé de s'occuper de moi. Tu sais, c'est un peu comme les vieilles bigotes qui savent pas quoi faire. Le dimanche, elles sont à la messe. Le reste du temps, elles s'occupent des pauvres. Pas par charité chrétienne. Parce qu'elles s'emmerdent.

Le commissaire Perez – tu sais, celui dont je t'ai parlé ? – il m'a emmené chez ce type. Sa voiture, elle est toujours aussi dégueulasse. Ça sent la clope. Ça sent l'ennui aussi. Il y a des paquets entamés partout. C'est une porcherie, sa bagnole. Bref, le commissaire m'a emmené dans sa poubelle sur roues chez le type. Je m'étais trompé. Le gars habite dans un immeuble. Un beau, hein, faut pas déconner. Mais il est pas en pavillon. J'étais presque déçu.

On l'a attendu en bas, le maître Samaritain. Il a pris son temps pour descendre. Je l'ai reconnu quand je l'ai vu. Il était au commissariat quand j'ai eu ma crise. Je crois pas qu'il m'ait vu. J'espère pas. Je fais peur à voir quand j'ai une crise. Toi, t'avais pas peur. Tu me prenais dans tes bras quand je tremblais. Ça m'aidait pas forcément mais ça me rassurait. Tu me rassurais. Aujourd'hui, quand j'ai une crise, j'essaie de penser à toi. C'est pas toujours simple mais parfois, ça marche. Alors j'essaie de penser à toi.

Le commissaire nous a laissé seuls. Lui et sa poubelle sont retournés bosser. Je suis resté avec maître Samaritain. Il a pas l'air méchant. Je crois qu'il a vraiment envie de m'aider même. Je vais le laisser croire ça. Il ira au paradis pour ses bonnes actions. Il me remerciera quand il claquera la bise à ce bon vieux saint Pierre. Je lui enverrai une carte du royaume de Satan. Si elle brûle pas avant.

Il m'a donné une chambre. Pour moi tout seul. J'ai pas voulu le montrer mais j'étais content. Non, pas « content », c'est trop fort comme mot. N'exagérons rien. On parle d'une chambre. Un lit, une table de chevet, une lampe. Il y a même une armoire où je pourrai ranger toutes les fringues que j'ai pas. Chouette. Sur les cintres, je pourrai mettre les manteaux que j'ai jamais pu acheter aussi. Je suis sûr que maître Samaritain a même de la cire pour mes pompes encore rangées dans le magasin du coin. Maître Samaritain veut m'aider et c'est tout à son honneur. Mais maître Samaritain ne peut pas m'aider. Personne ne le peut.

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