La femme armée 

My Martin

Nord 

Journal "Le Monde". Histoire & Civilisations. Été 2022 

 
VIIIe au XIe siècle. Scandinavie. Les Vikings 

 
 

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La femme 
 

Comparée aux femmes occidentales, la femme viking jouit d'une plus large autonomie. Après la christianisation qu'elle accueille favorablement, elle perd une partie de sa liberté 
 

Légalement, la femme reste inférieure à l'homme ; sur le plan juridique, elle n'a pas les mêmes droits que l'homme, n'intervient pas dans la vie politique 
 

Le mariage est affaire d'argent. Pour les plus riches, de pouvoir 

Le père du marié entreprend les démarches, négocie avec le père de la future épouse. La dot de la femme et le douaire du mari sont les contributions financières au nouveau ménage -argent, bétail, ... 
 

Les biens sont gérés par le mari mais en cas de séparation, restent la propriété de la femme 
 

L'adultère de la femme est un délit. Le mari a le droit de prendre une (plusieurs) concubine 
 

La femme veille aux tâches quotidiennes, dirige les domestiques, assure l'éducation des enfants. Elle va de grossesse en grossesse -la mortalité infantile est importante 
 

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Des femmes se distingues par des activités spécifiques. Les voyantes, les magiciennes, sont respectées. Rites divinatoires et conjuratoires 

En Scandinavie, les archéologues ont mis au jour une trentaine de sépultures de femmes versées dans la magie. Sur l'île de Man (une sépulture). En Islande (deux sépultures) 

Dans chaque tombe, l'attribut caractéristique de la magicienne ; long de 80 cm, un bâton de fer, à l'extrémité élargie en forme de cage. Montures de bronze ouvragées 
 

Danemark. Jutland, Fyrkat (forteresse circulaire). Sépulture. La femme est allongée sur un chariot. Aux orteils, des anneaux d'argent. Une boîte contient une pelote de réjection de hibou. Une amulette en forme de siège 

Une bourse, des graines de jusquiame noire (Hyoscyamus niger) -jetées au feu, elles produisent une fumée légèrement hallucinogène. Plante divinatoire sacrée 
 

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Des indices suggèrent qu'au même titre que les hommes, des femmes puissantes combattent ; cependant dans les sépultures féminines, les archéologues mettent rarement des armes au jour 

Des archéologues estiment que la présence d'armes dans les tombes ne signifie pas nécessairement que les femmes sont des guerrières ? 
 

Norvège. Asnes. Une jeune fille est inhumée avec épée et bouclier. Une blessure au front, causée par un violent coup d'épée 
 

Suède. Île de Björkö Birka. Une femme, riche sépulture. Épée, lance, hache, flèches. Deux chevaux sacrifiés 
 

Norvège. Tombes de deux jeunes femmes. Nord-Trondelag. Ostfold  
 

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Selon des témoignages contemporains, les femmes participent aux expéditions vikings, de la Russie à l'Islande ; pour prendre en charge l'intendance, plutôt que pour combattre ? 
 

An 872. Angers (raids en 845, 852, 853, 856 et 872). A l'approche des navires, la population fuit. Les Vikings pénètrent dans la ville et l'occupent. Ils sont accompagnés de leurs femmes et enfants 
 

885-887. Siège de Paris. 26 novembre 885. Les Vikings lancent leur premier assaut contre le Grand Châtelet -la tour de pierre inachevée ferme l'entrée du Grand-Pont, sur la rive droite. Échec. Ils regagnent leurs navires. Les Danoises s'arrachent les cheveux, se répandent en larmes ; avec véhémence, elles exhortent les hommes à repartir à l'assaut 
 

An 894. Angleterre. Essex, Benfleet. A une cinquantaine de kilomètres à l'est du centre de Londres. Les femmes et les enfants des Vikings sont retranchés dans la ville 
 

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Dans les milieux aristocratiques, des femmes de haut rang 
 

Norvège. Tombe féminine, IXe siècle. Plaque décorative taillée dans un fanon de baleine. Important statut de la défunte 
 

Pyri, "l'ornement du Danemark". L'épouse du roi danois Gorm l'Ancien (roi entre 936 et 958 ou 964). Son nom est transcrit sur quatre pierres runiques 

 

 

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L'esclave 
 

En Scandinavie, les racines de l'esclavage sont anciennes. Dans la société viking, la pratique est solidement établie 

Le commerce des esclaves est alimenté par les raids ; les populations constituent une source de richesse 
 

L'archéologie exhume des objets associés à l'esclavage 

Suède, île de Björkö. Des fers de cou (colliers de servage) 

Port de Hedeby (Danemark sud). Une serrure d'entrave en fer 

Irlande, Dublin. Des chaînes 
 

821 après J.-C. Port de Howth, près de Dublin (Irlande). Les Vikings capturent un fort butin en femmes 

837. Frise, île de Walcheren (Pays-Bas). Ils enlèvent de nombreuses captives 

842. Quentovic (France, Pas-de-Calais). Ils massacrent ou emmènent en captivité, hommes et femmes 
 

Vente sur le marché aux esclaves. Dans l'économie des pays nordiques, ce commerce est équivalent aux ventes d'ivoire de morse, de l'ambre, des peaux et fourrures 
 

Il se développe dans les comptoirs de Scandinavie. Hedeby (Danemark). Birka, trente kilomètres à l'ouest de Stockholm (Suède) 

Réelle importance dans les échanges avec le Moyen-Orient 
 

L'esclave est la propriété de son maître. Il dépend de lui, ne décide de rien 

Un esclave n'a pas le droit de porter une arme, ni de se défendre ; en cas d'offense subie, il ne reçoit pas de compensation 
 

Quelle que soit la situation sociale du père, un enfant né d'une mère non libre appartient à son maître 

La personne capturée et vendue devient esclave ; perte de tous ses droits d'homme ou de femme libre 

Cheveux coupés court. Nouveau nom. Collier de fer 
 

Marchandise. Les esclaves de naissance sont légalement admis en moyen de paiement 
 

Les hommes esclaves cultivent la terre et prennent soin des animaux de la ferme. Serviteur, intendant chargé de superviser une équipe  
 

Les femmes travaillent à l'extérieur, aux côtés des hommes. Elles moulent le grain, traient les vaches, font la lessive, tissent pour la confection des vêtements ou des voiles des bateaux. Servantes dans la maison, la surveillance des jeunes enfants. Faire le pain 

 

Le maître peut améliorer la condition de ses esclaves ; selon les régions, les époques, les lois autorisent des adaptations 
 

Le lien de dépendance entre le maître et l'esclave varie, à la marge ; en Islande, les esclaves possèdent de modestes ressources personnelles, le plus souvent en cultivant une parcelle de terre, qui leur est laissée 
 

Après avoir réuni la somme stipulée par la loi, l'esclave est parfois en mesure de racheter sa liberté 

En Norvège, rituel de la "bière de la liberté" ; l'esclave abat symboliquement un mouton puis offre un banquet à son maître 
 

Suède. Pierre runique de Veckholm (Suède, comté d'Uppsala). Élevée par un maître à la mémoire de son affranchi 

Plusieurs pierres de ce type sont connues 
 

Après la conversion au christianisme, l'existence de l'esclavage est progressivement remise en question  

Fin des expéditions vikings ; les nouveaux esclaves sont plus rares, plus cher 

L'accroissement de la population rend accessible une main d'œuvre locale libre 
 

En Islande, vers l'an 1000, l'esclavage recule le plus tôt 

Fin du XIIIe siècle. Scandinavie. L'esclavage disparaît 
 

 
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Le sacrifice humain 
 

Les Scandinaves sacrifient des animaux, aux dieux  
 

Les sacrifices d'animaux sont couramment pratiqués ; lors de la colonisation de l'île, ils sont mentionnés dans les lois introduites en Islande (vers 860) et dans les sagas islandaises (fin XIIe-début XIVe siècle) 

Toutes sortes d'animaux sont immolés. Le porc symbolise l'abondance et la prospérité. Des bœufs, des taureaux. Le cheval jouit d'une faveur particulière 
 

Après la consultation des augures à partir du sang sacrificiel, le banquet. Pour communier entre les participants, et avec les dieux 

La chair des animaux immolés et le bouillon dans lequel elle est cuite, sont consommés. Ivresse. Bière et hydromel en l'honneur des dieux, en mémoire des morts 
 

Plusieurs sagas islandaises évoquent les sacrifices humains. Cette pratique aurait existé dans l'Islande païenne (Avant l'an mille). Mais au XIIIe siècle, les auteurs des sagas se réfèreraient à des traditions plus anciennes, non islandaises ? 
 

Plusieurs représentations graphiques attestent les sacrifices humains  
 

Suède. Île de Gotland. Lärbro. VIIIe siècle. Une scène gravée sur une pierre historiée représente le sacrifice d'un homme allongé sur un autel. Sacrifice à Odinn ; images d'un oiseau -un corbeau ? et d'un pendu 
 

Norvège, tumulus d'Oseberg, près de la ville de Jônsberg. Sur l'un des fragments de la tapisserie, neuf hommes pendus à un arbre. Des serpents, au-dessous d'eux. Trois femmes, au-dessus -les Nornes, ces trois divinités féminines président au destin des humains 
 

Ahmad ibn Rustah, explorateur et géographe perse (décédé en 903 après J.-C.). Description des pratiques des Varègues, en Russie, au Xe siècle. L'auteur confirme les pendaisons rituelles d'hommes, de femmes, d'animaux  
 

IXe et Xe siècles. Des sépultures semblent apporter la preuve que lors des funérailles, des sacrifices humains ont lieu. La présence de deux ou plusieurs défunts dans la même tombe s'explique par un regroupement de personnes ? Deux conjoints, une famille, victimes d'une épidémie ? 
 

Danemark. Lejre, à l'ouest de Roskilde. Une tombe renferme les squelettes de deux hommes adultes. Richement équipé, Le premier, allongé sur le dos. Le second, au-dessus de lui, pieds et mains liés, décapité 
 

Norvège. Îles Lofoten. Flakstad. Plusieurs sépultures  
 

Danemark. Deux sépultures de femmes 

Gräby. Le second squelette est celui d'un homme décapité 

Gerdrup, municipalité de Slagelse. Un homme, pieds liés, nuque brisée 
 

L'archéologie témoigne de sites dédiés aux sacrifices rituels, y compris humains  
 

Danemark. Tisso, près de Gorlev. Riche domaine. Près de la halle, un lieu de sacrifice. Ossements d'êtres humains, d'animaux  
 

Danemark. Trelleborg. Avant la construction de la forteresse circulaire, vers 980. Cinq puits. Bijoux, outils. Des ossements humains -notamment ceux de quatre jeunes enfants âgés entre quatre et sept ans. Des squelettes d'animaux (chevaux et chiens)  
 

Les sources écrites et archéologiques font état de sacrifices humains chez les Vikings, notamment lors de cérémonies cultuelles ou funéraires. Preuves relativement peu fréquentes. Les sacrifices humains, pratique courante ? 
 

L'Âge de Fer scandinave (375-800) prend fin, l'époque viking commence (800-930. Quatre générations) 

Les sacrifices humains se raréfient ; lorsque la christianisation est implantée (IXe-XIe siècle), ils cessent définitivement 


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