La femme au chapeau 

My Martin

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Madge Gill, née Maude Ethyl Eades, peintre-médium britannique 

East Ham, Londres, 1882 - Londres, 1961. 79 ans 

 

 

Emma Elizabeth Eades, la mère de Madge, n'est pas mariée. Madge est une enfant illégitime 

Stricte époque victorienne. Jusqu'à ses neuf ans, Madge est cachée par sa mère et sa tante Kate Matilda Gill. Puis pendant cinq ans, placée à l'orphelinat du Dr Barnardo, à Barkingside, Ilford  

 

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Barnardo's Homes / British Home Children. Envoi d'orphelins pauvres dans les colonies, pour travailler dans les fermes. 1869-1932, 100 000 enfants au Canada  

14 ans. Canada centre, Ontario. Madge est servante, dans une ferme  

 

19 ans. Retour à Londres -infirmière au Cross Hospital, Leytonstone. Waltham Forest, Londres Nord-Est 

 

Madge habite avec sa tante Kate, qui l'initie à l'astrologie et au spiritisme -fort à la mode, à cette époque  

 

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1907. Madge épouse son cousin Thomas Edwin Gill (fils de Kate), agent de change 

Trois fils ; Laurie, Reggie (Reginald) et Bob 

 

1913. Décès d'Emma Elizabeth Eades  

 

1918. Pandémie de grippe "espagnole". Décès de Reggie, son second fils  

 

1919. Une petite fille, mort-née 

Madge tombe gravement malade, alitée pendant plusieurs mois ; perte de l'usage de son œil gauche 

 

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Un an plus tard, Madge recouvre la santé  

 

Elle s'engage dans son œuvre médiumnique, qu'elle va poursuivre pendant quarante ans (1918-1958). Ses fils l'assistent, imaginent des dispositifs pour faciliter son travail 

 

1929. Décès de Kate Matilda Gill  

 

1936. Décès de son mari Thomas Edwin Gill -cancer du poumon  

 

38 ans. Madge, médium en vogue. Elle communique avec son guide spirituel, « Myrninerest »    

My inner Rest ? Ma paix intérieure, mon repos intérieur ?  

 

Musique (piano). Tricot, couture (une robe patchwork aux subtiles couleurs, musée de Lausanne, Suisse). Écriture, dessin  

 

Séances spirites. Tables tournantes. Ouija -planche censée permettre la communication avec les esprits 

Madge rédige des horoscopes, qui lui apportent une certaine renommée 

 

 

Vite  

Lampe à huile. La nuit, debout, Madge dessine  

Plume, encre de Chine. Stylo-bille. Parfois, couleurs 

 

Par semaine, une vingtaine d'œuvres. Formats divers  

Madge dessine des cartes postales ; au dos, elle inscrit ses pensées 

Elle coud des bandes de drap (jusqu'à 36 mètres), qu'elle déroule progressivement, à mesure qu'elle dessine 

 

Dessins couvrants, proliférants, étouffants ; végétation, visages 

Ou signes fragiles, tremblants. Boucles ouvertes, esquisses de visages, de présences, à la marge de la vie 

 

Des Décors d'architectures. Les yeux grand ouverts, le regard droit. La femme au chapeau 

Madge ? Sa petite fille, qui n'a pas vécu ? 

 

Madge expose ses dessins mais ne les vend pas ; ils appartiennent à Myrninerest

 

 

1958. Bob, accident de moto ; alité pendant deux ans. Décès 

Madge abandonne le dessin 

sombre dans l'alcool 

se laisse aller 

 

28 janvier 1961. Langhorne Hospital, Leytonstone. Madge (79 ans) décède 

 

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Plashet Grove, East Ham. Sous le lit, dans les placards, des piles de dessins  

 

Laurie (1906-1964) fait don des œuvres de sa mère à la bibliothèque locale, East Ham  

 

1979. Southbank, Londres. Hayward Gallery show of Outsider Art. Reconnaissance publique 

 

 

Roger Cardinal, Britannique, historien de l'art 1940-2019 

"Les improvisations frénétiques de Gill ont une qualité presque hallucinatoire 

Chaque surface est remplie de motifs en damier, qui suggèrent des espaces vertigineux, quasi architecturaux 

Flottant sur ces proliférations tourbillonnantes, se trouvent les visages pâles de femmes désincarnées et sans nom, esquissées superficiellement. Mais avec un souci apparent de beauté, et des expressions effrayées 

 

[...] Typique du travail de Gill et de certains artistes médiumniques, ce mode de composition ne constitue pas un échec dans la représentation de la perspective, ni un signe d'excentricité ; plutôt, un rare aperçu de « l'au-delà », dont parle André Breton"  


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1926. André Breton (30 ans) rencontre Léona Delcourt / Nadja (24 ans), danseuse figurante de théâtre 

Le soir du 10 octobre, Nadja prédit à Breton qu'il écrira un roman sur elle. « Je t'assure. Ne dis pas non. Prends garde. Tout s'affaiblit, tout disparaît. De nous il faut que quelque chose reste » 

Deux jours plus tard, Nadja donne à Breton un dessin ; à droite, Nadja a dessiné une bourse et écrit, au-dessus, quatre mots 

L'Attente. L'Envie. L'Amour. L'Argent 

 

Mars 1927. Nadja sombre dans la folie. Elle est internée à l'asile de Perray-Vaucluse, à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne) 

 

Janvier 1941. Nadja (39 ans) décède à l'asile psychiatrique de Bailleul (Nord) 

 

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André Breton. "Nadja" (1928). « Est-il vrai que l'au-delà, tout l'au-delà, soit dans cette vie ? » 


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