La fille aux yeux d'argents

C'était une belle matinée de printemps. Le soleil brillait déjà de toute sa splendeur et la douce chaleur des premiers rayons s'infiltrait agréablement sous ma peau. Le parc était baigné d'une vive lumière, lui donnant un air féerique. Le printemps était définitivement ma saison préférée. Je m'avançais vers mon habituelle cachette : un petit coin de paradis derrière d'épais rosiers, près du grand tilleul. J'eu la surprise de me retrouver nez à nez avec une inconnue.
J'avais pris l'habitude de m'amuser à détailler les promeneurs que je rencontrais et je lui aurai donné une vingtaine d'années au maximum.

Elle avait un teint de porcelaine, c'était sûrement une fille d'un rang important. Ses longs cheveux auburn lui retombaient en cascade dans le dos, à la rebelle: elle avait dû se battre pour défaire sa coiffure, j'aurais parié que cette fille était une vraie tête de mule. Cette dernière avait cependant un visage d'ange, un nez fin et une petite bouche souriante, couverte d'une légère couche de rouge à lèvre couleur cerise, son seul et unique maquillage. Ce n'était pas un sourire hautain, elle avait plutôt l'air affable, un peu timide. Elle avait aussi de grands yeux gris pétillants, laissant imaginer une personne sémillante, très curieuse.

Comme vêtements, elle portait noblement une longue robe en taffetas couleur ciel, parsemée de motifs de dentelles blanches. La jeune fille avait couvert ses épaules par un châle en cachemire de tons voisins. L'inconnue était aussi parée de divers bijoux dorés : colliers, bracelets, bagues, boucles d'oreilles. Elle portait même une petite tiare surmontée de perles de nacre. Elle avait l'air d'aimer ce luxe. J'aurai parié qu'elle était un vrai panier percé.

Au-delà des apparences, une aura de bonheur pur l'entourait. Elle était ce type de personne qui illuminait une pièce en y entrant, ça sautait aux yeux.
Mais, il y avait quelque chose d'autre. Quelque chose d'anormal. Un détail presque imperceptible… Je plongeais mon regard dans ses yeux d'argent et je la découvris. Il y avait une faille. Une faille aussi profonde qu'un abysse. Une faille presque invisible, qu'elle avait cachée au plus profond de son être, mais qui était ancré dans son âme. Un parasite, un secret qui lui rongeait le cœur et la tuait à petit feu. Elle me parut tout à coup si fragile. Elle comprit mon petit jeu et détourna vivement la tête en clignant des yeux.

La jeune fille cueillit quelques roses et entreprit de les tresser en couronne, avec ses doigts de fées, tout en s'éloignant.
Il était hors de question que je la laisse fuir de la sorte. Je la rattrapai et me mis face à elle.
-Qui es-tu ? Osai-je enfin demander, après quelques secondes de silence.
Pour toute réponse, elle m'adressa un sourire et baissa timidement les yeux vers sa couronne. 
-Élisabeth, murmura-t-elle, d'une voix douce.
Puis elle releva la tête vers moi et me couronna de son œuvre florale.
-Élisabeth De Caterhodd, précisa-t-elle avant de reprendre son chemin, sans me laisser le temps de réagir.
Je la regardai s'éloigner, d'un pas gracieux.

C'est à ce moment-là que je commis l'erreur de me promettre de percer, le secret de la fille aux yeux d'argent.