La fille sur la photo

Camille Plaisance

texte inspiré par la pochette de l'album "Chaleur Humaine" de Christine and the Queens

Je ne l'ai pas reconnue tout de suite.

Elle portait en elle cette tristesse grave: c'est ce que je lui avais dit à notre première rencontre.

Je n'avais pas bien compris pour qui étaient les fleurs qu'elle tenait dans la main alors elle m'avait raconté son histoire.

Il était déjà tard et pourtant j'ai écouté jusqu'au bout, captant dans ce regard quasi-absent un mystère et une grande tragédie. Dans mon souvenir elle était la fille au bouquet de fleurs mais en réalité elle était bien plus que ça.

Elle répétait ces mots dans le bleu de la nuit: « pour ne pas choisir ».

Je l'avais regardée et ses yeux renvoyaient la grandeur des empires déchus.

Elle m'avait dit qu'un jour elle s‘était retrouvée, seule, dans un endroit sombre, et elle avait regardé danser les corps; elle les avait regardés encore et encore.

Et dans sa tête tournaient encore les danses libres de ces êtres-anges.

Elle avait dit que les fleurs étaient une offrande pour l'avenir.

Elle m'avait avoué qu'elle préférait acheter ses fleurs elle-même.

Assise encore dans cet endroit sombre où les corps tournoyaient jusqu'au petit matin, elle avait pensé: « pourquoi pas ». Elle avait pensé. Et très vite, elle avait désiré que son corps à elle aussi soit un être-ange et qu'il affronte l'air sans retenue. Elle avait compris que rien ne serait jamais comme avant et qu'il lui faudrait rapidement donner libre corps à ses émotions.

Comme elle connaissait les mots et leurs arrangements, elle avait mis en place une danse où les mots et le corps se répondaient et s'entrelaçaient pour donner naissance à une belle chaleur humaine.

Je me souviens de la fille sur la photo.

Je me souviens des fleurs.

Je me souviens du bleu de la nuit.

 

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