La foule

Belkis Jeridi

Poème

Mes pas crissent sous la neige, où mes sanglots étouffés échouent.

Les poumons frustrés, je marche en titubant, et mon visage se tord de douleur.

Je suis parmi cette foule qui me bouscule, et l'écho de mes souliers résonne dans ma tête.

Mes mains bleuies tremblent sur une cigarette qui se consume en crépitant silencieusement.

Est-ce ça l'agonie ?

Un décor boueux, un pantalon usé sur un sexe meurtri, et une cigarette ?

J'aurai tellement voulu prendre une femme avant d'y passer.

La chaleur de sa peau aurait peut-être réanimé mon âme, mais prendre une femme bon Dieu !

Et me sentir encore un homme en la chevauchant, en voyant le plaisir se dessiner sur son visage, en poussant un râle de satisfaction pour enfin m'écrouler sur elle.

Mais soudain c'est le silence, tout le monde se pousse consciencieusement pour le laisser passer. Ils forment comme une haie d'honneur dans un silence embué.

La vie s'arrête pendant une seconde.

Et les cloches du tramway tintent.

Comme au ralenti, il traverse l'avenue, fier, sûr de lui, comme on traverse la vie, déchiquetant le corps de l'homme qui venait de s'écrouler.

La cigarette finie de consumer entre ses doigts, sa bouche s'est détendue, et ses yeux paraissent plus serins.

Il aurait souhaité aimer une dernière fois avant d'y passer.

Signaler ce texte