La France du milieu du 17e siècle

Dominique Capo

Thèse personnelle de doctorat en Histoire, pages 3 à 5 :

Le prince de Condé meurt peu de temps après sa sortie de prison. Mais aussitôt, la méfiance du roi s'étend au fils de celui-ci. En effet, jusqu'au jour ou naît le futur Louis XIII, le jeune prince de vingt ans est toujours un héritier potentiel au trône. Le roi ordonne donc que nouveau comte d'Auvergne soit élevé dans la religion Catholique. Puis, il le fait éloigner de Paris après la naissance du Dauphin. Selon des convenances politiques, il décide de le marier en Mai 1609 à une fille du Connétable de France : le duc de Montmorency. Par la même occasion, il fait la connaissance de la jeune duchesse ; qui se trouve être une très belle femme. Il s'en éprend aussitôt, et malgré le fait qu'elle soit devenue l'épouse du comte d'Auvergne, tente de la séduire. Mais Condé, sous prétexte de chasse, fait rapidement partir sa femme de la cour. Puis, par une nuit de Novembre, conduit par un équipage minime, il la rejoint, et ensemble, partent clandestinement pour les Pays Bas. Et ainsi, il essaye d'échapper au dilemme ridicule et dramatique dans lequel il se trouve.

Malheureusement, un prince de sang ne s'appartient pas : à cette époque, un passage à l'étranger est considéré comme un acte politique fort. L'accomplir sans accord du roi est un crime d'État. D'autant que le prince de Condé se rend tout d'abord à Bruxelles, puis à Milan, où il reçoit les plus grands honneurs de leurs gouverneurs militaires.

En Juillet 1610, après le décès brutal d'Henri IV, la régence revient à Marie de Médicis. De fait, feux familles s'imposent tout naturellement à la cour : la maison des Bourbon-Condé ; qui remonte au père d'Henri IV, lui même frère cadet d'Antoine de Navarre. Ce dernier avait en effet été le premier chef du parti Protestant avant Henri IV. Il avait également été le prétendant le plus proche du trône si le roi était mort sans enfants. Et son retour triomphal à Paris en Juillet 1610 après le décès du monarque signifie qu'une page est désormais tournée, et qu'une nouvelle génération s'approche du pouvoir. Quant à l'autre famille dominante, il s'agit de la maison des Guise. Celle-ci est apparentée par son origine aux ducs souverains de Lorraine. Elle jouit d'un immense prestige dans l'opinion Catholique, mais surtout dans les provinces de l'Est puisqu'elle y possède de nombreux comtés. Son représentant actuel se trouve être Charles II, le fils du duc Charles ayant autrefois été le chef de la Ligue. Lequel Charles II s'est rallié à Henri IV en 1595, et a depuis lors servi fidèlement ce dernier.

Outre ces deux maisons, d'autres grands noms reviennent régulièrement dans les annales de l'époque : le duc d'Epernon, qui est colonel général de l'infanterie, a été un ami d'Henri III, puis d'Henri IV. Il s'agit d'un personnage ombrageux, inculte, mais sympathique. Il y a aussi le duc de Nevers, qui est un cousin des ducs de Mantoue, qui a rallié Henri IV après son accession au trône, et a reçu de celui-ci le gouvernement de la Champagne. Il s'y est d'ailleurs fait construire la ville neuve de Charleville. Et lui aussi est richissime et fervent Catholique. Il y a encore le duc de Rohan, qui est un gentilhomme de l'Ouest, possessionné en Bretagne et en bas Poitou. C'est le gendre de Sully, le colonel des Suisses depuis 1605. Et il participe à la brève expédition de Clèves en Septembre 1610.

Son avis domine dès lors rapidement les assemblées politiques du parti huguenot. Parallèlement, Condé réclame un rôle de plus en plus important au sein du gouvernement. Il revendique des compensations pour des dépenses supportées jadis par son père, mais aussi, par lui même. Il demande en garantie des places fortes confiées à son commandement, ainsi que sa mise à disposition de deux compagnies de chevau-légers. Et c'est ainsi qu'à force d'atermoiements et de concessions diverses, de pensions et de gouvernements, le conseil réuni finalement à apaiser les prétentions de Condé et de ses amis.

D'un autre coté, la majorité du futur Louis XIII approchant, un projet de mariage entre le jeune souverain et l'infante d'Autriche, ainsi qu'entre la princesse Élisabeth de France et le futur roi d'Espagne, est exposé au conseil du roi le 26 Janvier 1612. Or, les Protestants sont extrêmement réticents à ce mariage ; ils voient en celui-ci une menace pour eux, mais aussi, pour la Religion prétendue réformée. Et il est très difficile à leurs deux plus puissant Seigneurs que sont le duc de Bouillon et le duc de Lesguidières, de leur faire entendre raison ; mais aussi, de leur faire comprendre quelles seraient les conséquences politiques d'un tel refus. Malgré tout, du coté des Grands, l'opposition à cette union est beaucoup plus vive, car l'opposition à l'alliance espagnole elle même n'est qu'un prétexte pour exprimer leur insatisfaction. Mécontents de la faible place tenue par les Princes dans les conseils, par l'étroitesse de l'entourage de la Régente, leur colère monte. Dès lors, une fois de plus, Condé et son oncle, le comte de Soissons, sont désignés comme porte parole des contestataires. Ils s'indignent aussitôt qu'en droit, la tutelle de leur roi leur revient. Au début de 1614, leur opposition prend une forme de plus en plus virulente. Le duc de Nevers, qui est l'un des nombreux amis de Condé, s'assure en Janvier la citadelle de Mézières. Condé, lui, s'empare de Sainte Menehould en Mai. Maîtres de ces deux sites fortifiés frontaliers, ils savent qu'ils sont désormais en mesure de dicter leurs conseils du roi. Mais Marie de Médicis et Villeroy, conscients de la gravité de la situation, envoient aussitôt leurs meilleurs régiments Suisses en Champagne, à titre de menace. En même temps, ils chargent d'illustres magistrats, tels que le président Jeannin et Jacques Auguste de Thou – à la fois parlementaire parisien, savant, historien, mais surtout, ami personnel de Condé – de négocier un arrangement. Ce dernier réussit à trouver un accord avec lui, et signe le traité dit, de Sainte Menehould le 15 Mai ; il obtient ainsi, moyennant quelques garanties, le désarmement des Princes.

Or, quelques mois plus tard, la reine Régente appelle Concini pour gouverner la France à ses cotés, une nouvelle fois, au grand dam des Princes de sang. Le 22 Mai 1615, cette opposition envoie une délégation d'une quarantaine de conseillers au Parlement au conseil du roi. Elle y porte des remontrances très fortes, accusant entre autres le pouvoir de dilapider les trésors du feu roi, mais aussi, le reniement de sa politique. Au cours du mois de Juin, Condé quitte la cour, et se retire dans son domaine de Clermont situé en Beauvaisis. Bientôt, le rejoignent le duc de Longueville, de Mayenne, et de Bouillon. Ils font publier un manifeste énonçant des griefs graves et violents. Rohan se rallie à eux un peu plus tard, et désormais, Mayenne et Condé les Catholiques, deviennent les alliés de deux grands noms du protestantisme que sont Bouillon et Rohan. Et de fait, Condé et Bouillon disposent maintenant de plusieurs points d'appel et d'attroupements aux confins de la Champagne, du Poitou, de la Bretagne, et de l'Ile de France. Vendôme lui, possède des troupes dans les pays des moyenne Garonne. Et le duc de Rohan tient ferme une petite armée protestante entre Montauban et Lectoure.


A suivre...

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