La France du milieu du 17e siècle

Dominique Capo

Thèse personnelle de doctorat en Histoire, pages 5 à 8

Pendant le mois d'Octobre, Condé, à la tète de 3000 à 4000 hommes, réussit à passer d'Orléanais en Berry. Pour couper le chemin de la cour vers Paris, il menace de faire jonction avec les forces protestantes de l'Ouest. De son coté, en Poitou, le duc de Guise disperse sans trop de problèmes une troupe de nobles protestants de l'Ouest ; avant que la guerre ne se termine par le traité du 3 Mai 1616.

Dès lors, le conseil du roi se retrouve partagé entre plusieurs factions rivales ; entre les partisans de Condé, et ceux de Concini et de la reine mère. Car Concini a su placer des hommes de confiance à des postes clefs du gouvernement. Au cours des mois qui suivent, plusieurs complots élaborés par chacun des partis, sont éventés. Et finalement, la reine et Concini, redoutant un coup de force du camp Condéen se décident à agir les premiers. Le matin du 1er Septembre 1616, alors que Condé sort du conseil, il est arrêté par Thermines sur ordre du roi. Il est aussitôt conduit à la forteresse de la Bastille. Sa famille et ses partisans tentent aussitôt d'exciter une émeute dans la capitale. Un protégé de sa maison, le cordonnier Picard, conduit une foule de quelque 10 000 personnes, et va saccager l'hôtel Concini près du Luxembourg. Mais l'agitation s'arrête là : elle ne s'étend pas en province, où la paix de Loudun porte ses fruits ; et Condé reste en prison jusqu'en 1619 ;


Louis XIII gouverne seul depuis près d'un an, lorsqu'en Juillet 1620, les guerres religieuses se redéveloppent dangereusement. A ce moment là, le nombre de Protestants représente 4 % de la population. Mais leur répartition est fort inégale, et certaines régions, certaines villes fameuses comme Privas, Castres, Montauban, Bergerac, ou La Rochelle ont un habitat presque entièrement huguenot. En outre, ces concentrations sont relatives. A quelques lieues de là, les campagnes demeurent massivement Catholiques. Des villes rivales, toutes proches, ont autrefois souvent été des places fortes de la Ligue ou du Catholicisme royal. Ainsi, Toulouse et Auch barrent la route du Béarn, tandis qu'Agen, Périgueux, Bordeaux et Blagne verrouillent les fleuves Aquitains. On y voit de simples pasteurs, ou même des gens de métier, côtoyer le duc de Rohan. Dans les moments de troubles, ils le soutiennent comme le plus résolu des chefs religionnaires. Ils couvrent d'insultes les gentilshommes ou les notables qui répugnent à s'engager dans une prise d'armes. Tandis que les communautés huguenotes se retrouvent partagées en factions municipales obligées de s'affronter violemment lorsque des choix dramatiques se présentent à elles.

De son coté, depuis quelques décennies, l'Église Catholique a réagi. Des Catholiques sont à l'œuvre en Europe Centrale et Orientale. Des missionnaires partent régulièrement au-delà de l'océan porter les Évangiles chez des peuples jusqu'alors inconnus. En France même, la paix issue de l'Édit de Nantes permet au clergé de lancer des missions, dans les campagnes reculées. Celle-ci autorise également des prédications dans les places fortes du Calvinisme. A cette époque où l'on croit aux vertus de la rhétorique, et qui aime les joutes oratoires, la mise en scène de controverses – c'est-à-dire, de disputes organisées entre théologiens opposés – attire toujours de vastes audiences.

De fait, désormais, et puisqu'il s'est presque toujours rangé du coté de Condé et des prises d'armes princières, Rohan fait figure de protecteur des Églises réformées du royaume. Son prestige est grand, aussi bien dans l'Ouest, d'où il vient, que dans régions méridionales à forte présence Protestante. Il s'y applique d'ailleurs à entretenir des réseaux de fidélités parmi la noblesse, parmi les pasteurs, et parmi les gens de métier. Beaucoup de bourgades du Languedoc sont partagées entre partisans de Rohan, prêts à prendre les armes, et notables, souvent investis de charges consulaires, qui ont une conduite plus prudente.

Les Protestants souhaitent uniquement affirmer leur force et leur résolution face à des Catholiques intransigeants. De son coté, le roi tente d'user avec eux d'une justice rigoureuse, réservée aux criminels politiques. Il fait pendre des capitaines et des magistrats, espérant par la force sauvegarder la paix civile. Jusqu'à ce qu'une étincelle mette de nouveau le feu aux poudres.

Le premier lieu de combat armé éclate dans la bonne place forte saintongeaise de Saint-Jean d'Angély. En effet, c'est là où s'est enfermé en 1620 Benjamin de Rohan, baron de Soubise, et frère cadet du duc de Rohan. Assiégé par l'armée royale et le roi en personne, Soubise tient du 11 au 25 Juin, puis se rend avec les honneurs de la guerre. Mais c'est la ville de Saint-Jean qui porte seule la punition : ses remparts sont renversés, et ses privilèges abolis.

L'armée se dirige ensuite vers Montauban. Cette bonne ville, capitale huguenote de la Haute Guyenne, verrou de la Garonne, est pourvue d'excellentes murailles. Elle est munie d'une excellente garnison, commandée par le baron Caumont de la Force. Au fur et à mesure de leur progression, les petites places fortes Protestantes du Périgord, d'Agenais, et du Quercy, ouvrent bientôt leurs portes aux troupes royales. Seule Clairac, aux confluents du Lot, résiste encore. Mais elle est emportée par un siège en règle du 23 Juillet au 4 Aout. Puis, la soldatesque commence le siège de Montauban à partir du 17 Aout. Mais celui-ci dure jusqu'au 8 Novembre et se transforme en échec pour les troupes royales. Car, à cette date, Louis XIII repart pour Paris, laissant derrière lui pour contrôler le Sud-ouest une armée affaiblie ramenée à 12000 hommes.

L'échec est grave et spectaculaire : Soubise dispose toujours de troupes autour de La Rochelle, tandis que Rohan tient pratiquement tout le Languedoc, de Castres à Montpellier. De plus, les forces royales ont également subi un autre revers sur mer. Une flotte de treize vaisseaux venue de Bretagne attaque La Rochelle le 7 Octobre, et est repoussée par les rochelais du capitaine Jean Guiton. De son coté, Soubise sort bientôt de La Rochelle avec une troupe de 7000 hommes dans le but d'accroître l'emprise protestante sur les cotes du Poitou et de la Bretagne. En Février 1622, il razzie les villes Catholiques du bas Poitou, prend les Sables-d'Olonne, qu'il saccage, et dont il confisque les navires. Ensuite, il envisage de se fortifier dans une île du littoral poitevin. Louis XIII, contraint par les événements, appelé au secours par les députés des États de Bretagne, se lance dès lors vers l'Ouest le plus vite possible. Il passe à Blois le 6 Avril, à Chalons le 15 Avril. Dans le même temps, Soubise s'établit à Sainte Croix de Vie, qui est le principal havre – marécageux - de l'île de Rié. Mais le roi rejoint très vite la cité pour l'attaquer avec vigueur et détermination. Et finalement, Soubise échappe de justesse à l'arrestation en fuyant à travers les dunes.

Cette bataille des marais de Rié reçoit un extraordinaire écho dans la presse. Une vingtaine de feuilles occasionnelles célèbrent cet événement qui rachète les déconvenues passées. Elles tracent par la même occasion l'image du jeune Louis XIII en chef de guerre victorieux.

Dès lors, les royaux poursuivent leur avantage, et s'emparent de la place forte de Royan, à l'embouchure de la Gironde. Puis, ils occupent toutes les places fortes Protestantes de la Guyenne. Le baron de la Force finit par se soumettre à son tour. Évitant l'obstacle de Montauban, ils emportent d'assaut de petites bourgades voisines, comme Nègrepelisse ou Saint Antonin. Ils poursuivent à l'intérieur du bas Languedoc, et vont mettre le siège devant Montpellier. Mais, au mois d'Octobre, Louis XIII prépare sa paix. Il accorde à ses sujets un traité sous les murs de la cité : les principales dispositions de l'Édit de Nantes sont maintenues, et une amnistie couvre tous les faits de guerre de 1621 et 1622. Les seules contreparties sont que les religionnaires ont pour obligation de démanteler de nombreux sites fortifiés. Et ils doivent également renoncer à tenir garnison dans quelque 80 places fortes, sur les 200 lieux de sûreté qui leur ont été accordées en 1599. Le 18 Octobre, une fois l'accord signé, Louis XIII entre dans Montpellier, acclamé par des habitants criant « vive le roi » et « vive miséricorde ». L'assemblée de La Rochelle examine les termes de la paix, les accepte en Novembre, puis, se disperse.

Malgré tout, dès l'Hiver 1624, des mouvements recommencent au sein du parti Protestant. Cette fois, ceux-ci sont liés à l'expansionnisme commercial des rochelais. Ils sont également associés aux menées personnelles de Soubise, dont l'impatience agressive s'oppose souvent aux desseins plus conciliants de son frère Rohan. D'autre part, des liens de commerce, d'intérêts, et de famille unissent de plus en plus étroits unissent les négociateurs rochelais et hollandais.

C'est un coup de main de Soubise sur Blouèt qui déclenche les hostilités. Il y confisque tous les vaisseaux trouvés dans la rade. En Janvier et Février 1625, il s'assure le contrôle de tous les havres des îles du littoral charentais. En même temps, il envoie des émissaires auprès des villes du Languedoc, pour les entraîner dans une nouvelle prise d'armes. Derechef, au début de 1625, le conseil du roi décide, lui aussi, de mettre ses troupes en campagne sur plusieurs fronts. L'effort des royaux se développe donc dans trois directions : le maréchal de Thermines s'en va aux environs de Castres mener une petite guerre cruelle contre les cantons qui servent habituellement de retraite au duc de Rohan. Un autre chef de guerre expérimenté, le seigneur de Toiras, qui est l'homme de confiance du roi, débarque dans l'île de Ré avec un petit corps de soldats d'élite. Enfin, une expédition navale puissante est organisée à très grands frais, et son commandement en est confié au duc de Montmorency.

Ce grand seigneur, gouverneur du Languedoc, amiral de France depuis 1612, a travaillé durant des années à une réorganisation complète des forces navales. De fait, le 18 Septembre 1625, les rochelais subissent une très grave défaite. Guiton et Soubise ne parviennent à s'échapper de la cité qu'à grand peine sur des chaloupes. Soubise va chercher refuge en Angleterre, et ce n'est que par l'entremise d'un ambassadeur Britannique que la réconciliation est bientôt possible. Les envoyés Anglais encouragent en effet les députés Huguenots à accepter les termes de Louis XIII ; c'est-à-dire le maintien des privilèges accordés par l'Édit de Nantes. Mais, ils influencent aussi leur acceptation de la présence d'un commissaire à La Rochelle dans le but de contrôler le conseil de la ville.


A suivre...

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