La France du milieu du 17e siècle
Dominique Capo
De leur coté, à la fin des années 1630, alors que les troubles intérieurs s'éternisent, les campagnes contre l'Espagne n'ont rien apporté à la France. En effet, malgré le fait que l'Espagne soit aussi obligée de se battre contre les Hollandais ayant depuis peu fait cessation envers l'empire des Hasbourgs, aucun progrès notable n'est à signaler. Bien que les Hollandais soient désormais des alliés de Louis XIII dans sa tentative de résorption de l'encerclement de la France par les espagnols, aucun des belligérants ne prend l'avantage.
Pourtant ? en 1640, l'espoir change subitement et clairement de camps : l'Espagne subit deux échecs sanglants face aux hollandais. En Italie, le contingent français conduit par un nouveau et jeune valeureux général, le comte d'Harcourt, réussit à débloquer la reine Christine de sa capitale : Turin. Bientôt, grâce à des bataillons allemands rachetés par la France, les armées du maréchal de Guébriand progressent en Alsace. Elles remportent une victoire décisive à Arras, la capitale de la province d'Artois. Parallèlement, le Portugal, qui était sous le contrôle espagnol depuis 1581, se révolte. La France s'empresse donc aussitôt de conclure une alliance avec la noblesse de ce pays en proie à l'insurrection. Elle pourvoit aussi aux subsides de ce nouvel allié inespéré. Dans le même temps, la principauté du Roussillon, qui était jusqu'alors sous juridiction espagnole, se révolte à son tour, puis, fais cessation. Et exploitant l'ouverture, les émissaires français négocient très vite son ralliement à la France.
Or, en très peu de temps ensuite, beaucoup de choses dans le royaume changent : le Dauphin – futur Louis XIV – vient au monde. Le cardinal de Richelieu décède, au grand contentement des peuples. Puis, c'est au tour de Louis XIII, quelques mois plus tard, de disparaître. Tandis que le 19 Mai 1643, une forte armée espagnole entrée dans les Ardennes est arrêtée à Rocroi par le duc d'Enghien ; qui est également le fils du prince de Condé.
Après la mort de Louis XIII, et tant que Louis XIV restera dans l'impossibilité de régner du fait de son âge, c'est Anne d'Autriche qui prend les rennes du royaume. A ses cotés, se trouve un jeune protégé du feu Richelieu : le cardinal Mazarin. Et ensemble, ils doivent gagner une guerre commencée en 1635, et qui se tient sur quatre fronts : les Pyrénées, où des régiments français sont cantonnés depuis 1641 ; le Milanais, que l'on tente d'atteindre à partir de Pignerol ou de Casale ; les Pays Bas méridionaux, où, chaque Printemps, on entreprend de nouveaux sièges de petites places fortes. Il y a enfin l'Alsace, à partir de la tète de pont de Brisach, et où on organise des opérations destinées à la Souabe et à la Bavière.
Hélas, en Septembre 1644, le nouveau pontife Innocent X, élu récemment, se montre favorable à l'Espagne. Il refuse de reconnaître la cessation des Pyrénées et du Portugal. Il n'accepte pas d'y nommer des évêques sans l'assentiment de Madrid. De fait, en Mai 1646, une flotte de vaisseaux accompagnée de 6000 hommes, et commandée par le maréchal de Brézé ainsi que prince Thomas de Savoie – rallié à la France -, réussit à s'emparer de l'île d'Elbe. Car, depuis longtemps, les corsaires provençaux y trouvent un point d'appui leur permettant de parasiter les trafics de Méditerranée Occidentale. Au Printemps, les événements fournissent aux français un autre objectif saisi au vol. Depuis un certain temps déjà, des émeutes populaires antifiscales éclatent dans les domaines espagnols de l'Italie du sud, à Naples, à Palerme, et dans les principales villes de Sicile. L'émeute napolitaine commencée par le patron de la banque Masaniello, se transforme peu à peu en révolte politique au cours de l'Été. A tout moment, dans les rues de Naples et dans les proches provinces, le pouvoir est à prendre à celui capable de s'en emparer. De fait, Mazarin y envoie une petite armée dirigée par Guise. Le 24 Décembre, celui-ci y est proclamé duc de la République. Il y obtient, par la même occasion, des pouvoirs comparables à ceux des Stathouders hollandais de la Maison d'Orange.
Pourtant, l'aventure napolitaine ne dure pas : trahi par les factions locales, privé du soutien de Mazarin, Guise est livré aux espagnols revenus en force en avril 1648. Les présides toscans dar des petites expéditions espagnoles, de Mai à Aout 1650. Et, faute de secours depuis Toulon, les garnisons suisses des places fortes se rendent aux dates fixées par les assiégeants ; selon leur maxime : ne pas outrepasser une défense raisonnable.
A cette date, en Allemagne, depuis un certains temps déjà, le cœur des opérations s'est déplacé vers le Sud. Il menace désormais les zones catholiques méridionales du pays, et notamment le puissant réservoir d'hommes du duché de Bavière. C'est le duc Maximilien qui y règne depuis 1598, de sa capitale Munich. Celui-ci est le gendre de l'Empereur Ferdinand II depuis 1626, et a été regardé comme un allié potentiel par Richelieu. Mais, après l'entrée en guerre ouverte de la France, il s'est totalement engagé aux cotés de l'Empereur. Ce qui ne l'empêche pas, depuis 1638, de participer à des discussions exploratoires entamées par les différents belligérants. En 1643, des conférences formelles sont organisées dans la ville libre de Hambourg. Le pape, suivant sa vocation pluriséculaire du Saint Siège, ainsi que la république de Venise, qui désire un apaisement en Europe pour faire face aux menaces Ottomanes en Méditerranée, proposent leurs bons offices. Ils décident, après de longues querelles de convenances, que les belligérants Catholiques débattront entre eux à Munster, sous l'égide du nonce Fabio Chigi – le futur pape Alexandre VII. Ils proclament également que les puissances Protestantes siégeront à Osnabrück, sous l'égide du vénitien Contarini.
Dès lors, pendant quatre années, les deux petites cités de Westphalie neutralisées, abritent une réunion constante de plénipotentiaires issus de diverses nationalités. Elles forment une sorte de congrès continental, dont la Diète de Ratisbonne a donnée en 1630 un premier modèle. Ces conférences durent d'Août 1643 à Octobre 1648. Au terme de la rencontre, et à la grande déception des Français, une paix séparée entre l'Espagne et les Provinces Unies est conclue. Et après 80 années de guerre, le traité qui y est signé oblige l'Espagne à reconnaître la souveraineté des Pays Bas du Nord.
Malgré tout, les hostilités entre les deux grandes puissances Catholiques persistent au-delà de 1648. Mais, paradoxalement, le prestige de l'Empereur en sort renforcé : le prince des Vienne n'est en effet plus un rival menaçant ; plutôt un garant de la nation Allemande contre les périls de l'Est – les Ottomans – et de l'Ouest – peut-être les Français.
A l'issue de cette confrontation, en France, la pression fiscale pour les populations est telle, qu'elles sont obligées de payer pour l'effort de guerre des années précédentes. Dès lors, de nouveaux mécontentements se font jour. Le duc de Vendôme – bâtard d'Henri IV -, ainsi que son fils – le duc de Beaufort -, prennent la tète de l'opposition au nouveau cardinal ministre : Mazarin. Et ils s'insurgent haut et fort que la couronne soit à bout d'expédients en ce qui concerne le paiement des soldats pour l'année 1647.
Car, les armées Françaises en Italie et dans les Pyrénées marquent le pas, ou reculent. Le gouvernement n'a plus, ni la confiance de l'opinion, ni les crédits des financiers. Les efforts de diversification de la pression fiscale s'en prennent de nouveau à Paris, où un édit de tarifs augmente le droit d'entrée des marchandises dans la capitale. La bourgeoisie d'offices, la catégorie sociale qui recèle sans doute les fortunes, sinon les plus importantes, du moins les plus mobiles, gronde. C'est pourquoi le 15 Janvier 1648, est tenu un lit de justice destiné à forcer l'enregistrement d'une collection d'édits fiscaux inédite.
Or, le montant des recettes attendues ne parait pas justifier cet appareil exceptionnel. Jour après jour, le peuple critique de plus en plus ces initiatives. Les échos de sa colère se propagent en province par les lettres de magistrats activistes, ou grâce à des feuilles imprimées à leur initiative. Les progrès de la Fronde sont suivis à Toulouse, à Aix, à Dijon, avec la même passion. Le 7 Juillet, Particelli, qui est le ministre des Finances de Mazarin, est renvoyé, et se retire dans son château de Tanlay en Bourgogne. Dans les jours qui suivent, tous les intendants sont rappelés, sauf six, établis sur les frontières, et dont les fonctions sont limitées à ordonner des directives militaires. Partout dans le royaume, ces nouvelles déchaînent l'enthousiasme, le soulagement, et l'espérance. Les recouvrements d'impôts sont presque totalement interrompus. Et le mois de Juillet est une explosion d'allégresse antifiscale : en peu de jours, les intendants, les fusiliers des tailles, les commis des fermes, disparaissent complètement. Ils sont pourchassés, parfois cachés, ou repartent en direction de la capitale. Or, Mazarin n'admet pas sa défaite…
A suivre...