La France du milieu du 17e siècle
Dominique Capo
C'est le 5 Janvier 1649, alors que tout est calme au Palais Royal, que la régente Anne d'Autriche tire les rois avec son fils de onze ans et quelques dames d'honneur. Louis part ensuite se coucher. A trois heures du matin, le maréchal de Villeroy le réveille, le fourre avec son jeune frère Philippe dans un carrosse, et prend à nouveau la route de Saint-germain. La cour fuit une fois de plus la capitale, où haute noblesse et parlementaires s'accordent pour combattre Mazarin et abaisser le pouvoir royal. C'est donc par le froid le plus rigoureux du monde que le petit roi quitte Paris, et jamais Louis XIV ne perdra le souvenir de ces heures pénibles. Car, au château vieux de Saint-germain, rien n'a été préparé pour les recevoir : c'est tout juste si la reine peut disposer d'un petit lit. Le roi est son frère ont deux couches étroites. Tout le reste de la cour doit se contenter de dormir sur la paille. Et en peu d'heures, celle-ci devient si chère qu'on ne peut en trouver pour de l'argent. La gène et l'inquiétude règnent. Il faut mettre en gage les diamants de la couronne, licencier les pages. Madame de Longueville, restée à Paris, commence à animer la résistance.
Après un moment de désarroi en apprenant le départ du roi, les parisiens se ressaisissent malgré tout. Ils acclament le prince de Conti, qui, après avoir fait mine de suivre la cour, est rentré dans la capitale, et devient généralissime de la Fronde. Le duc de Beaufort, lui, est proclamé « roi des Halles ». C'est la guerre civile qui commence, car, sommé de se rendre à Montargis, le Parlement refuse d'obéir. Et, Anne d'Autriche charge Condé de mettre le siège devant la ville rebelle.
Et Février et Mars, Condé applique donc un blocus rigoureux. Ses soldats dévastent les maisons de campagne des bourgeois de la ville. Bientôt, ceux-ci se lassent des taxes de guerre qu'on leur impose, ainsi que de la garde qu'ils doivent monter. Les princes révoltés : Conti, la duchesse de Longueville, le duc de Bouillon, Turenne – pour les beaux yeux de Madame de Longueville – cherchent désormais des alliés en Allemagne et en Espagne. Mais, le Parlement refuse de s'associer à cette trahison ; il prétend qu'il ne lutte pas contre le roi, mais contre Mazarin. Et le président Molé demande qu'on ouvre des négociations, tandis que Condé prête à la régente les 800 000 livres lui permettant de s'assurer la fidélité des soldats de Turenne.
Le 11 Mars, il ne reste plus qu'à traiter. Ce jour là en effet, la paix est signée à Rueil. Mais Anne d'Autriche paie cher pour cette trêve précaire : les coupables sont amnistiés, et reçoivent honneurs et pensions. Il est donc prouvé qu'il est avantageux de mal se conduire.
C'est pour cette raison que d'Avril à Juin, à leur tour – bien qu'à retardement -, les Parlements de province manifestent. Ceux de Bordeaux, d'Aix, se rebellent contre leurs gouverneurs. Accablées d'impôts, des provinces réputées tranquilles, comme la Normandie ou l'Anjou, s'agitent. Mais, heureusement, le calme revient très vite. Et le roi et la régente rentrent à Paris au milieu des acclamations. Malgré tout, le prestige et l'autorité d'Anne ont bien souffert des événements : le Parlement maintient tous ses droits. Ivre d'orgueil et d'insolence, Condé se croit le chef du royaume, humiliant Mazarin par son attitude arrogante. Tandis que le cardinal, souple et habile, accepte toutes les avanies, attendant son heure.
D'Octobre à Décembre, les protégés de Condé deviennent aussi arrogants que lui. Ils obtiennent de lui des privilèges exorbitants. Monsieur le rince décide même de donner un amant à Anne d'Autriche, afin de l'avoir davantage à sa dévotion. Mais, cette fois la mesure est comble. Et Anne rabroue vertement l'ambitieux marquis de Jerzé, chargé de séduire la reine.
Au début de Janvier 1650, Anne est donc décidé à en finir avec les folies de Condé. Elle se rapproche des frondeurs de l'année précédente. Elle rencontre Gondi, et lui promet de lui faire obtenir le chapeau de cardinal. Elle associe Gaston d'Orléans, la duchesse de Cheuvreuse, et les Vendôme à son complot. Le 14 Janvier, l'accord entre l'ensemble des conjurés est conclu. Le 16 Janvier, pour endormir les craintes de Condé, Mazarin lui écrit humblement « qu'il ne se départira jamais de ses intérêts ». Et là-dessus, le 18 Janvier, il le fait arrêter et conduire à Vincennes en même temps que Conti et Longueville.
Mais, c'est sans compter sans l'ardeur et l'obstination des femmes des captifs, bien décidées à poursuivre la lutte. Fin Janvier, alors que les parisiens, excédés par l'exigence des grands seigneurs allument de nouveau des feux de joie, la mère et Condé, son épouse, Madame de Longueville, Bouillon, et Turenne, parviennent à fuir. Puis, ils déchaînent la guerre civile dans les provinces.
Madame de Longueville tente de soulever la Normandie. Le 1er Février, Louis XIV prend dès lors la tète de sa première campagne. En trois semaines, il y rétablit le calme. Et les bons Normands crient « vive le roi » au passage du cortège royal. En Mars et Avril, le jeune souverain rencontre le même succès en Bourgogne, dont Condé est pourtant gouverneur. Les officiers de monsieur le prince se retranchent alors sur Bellegarde. Anne d'Autriche, Mazarin et Louis XIV assistent au siège de la cité. Et finalement, « la présence du roi anime tant les soldats qu'ils l'auraient prise avec leurs dents s'il l'avait fallu. » déclare Mazarin.
Malheureusement, au même moment, l'archiduc Léopold – qui est aussi gouverneur des Pays-Bas -, assisté de Turenne, envahit le Nord de la France. Mais il échoue rapidement devant Guise, avant de reprendre l'offensive un peu plus tard, et, par deux fois, de menacer Paris.
En Aout, l'épouse de Condé soulève la Guyenne. Toujours frondeurs, les Bordelais, que la mévente des vins irrite, mettent le feu à toute la province. Aussitôt, l'armée royale, accompagnée du jeune roi et de Monsieur, marche sur Bordeaux. Le siège se poursuit durant deux mois, les assiégés espérant en vain le secours des Espagnols. Durant ce laps de temps, la résistance de ses sujets indigne de plus en plus Louis, au point, un jour, de lui arracher des larmes. En effet, le 17 Aout, Henri de Brienne le trouve en pleurs, et lui demande la raison de son chagrin. Le jeune souverain lui répond alors : « Ces coquins de bordelais ne me feront pas toujours loi. Je les châtierais comme ils le méritent. ».