La maladie imaginaire

stella-jacquart

Il y a des mois, des années, ou simplement des jours comme ça où l'envie vous prends, l'envie de divaguer, en fait de vous envoler. Quitter le monde dans lequel vous êtes enfermés, pour découvrir de nouveaux horizons, des horizons plaisants, des horizons bandants. C'est ainsi que chaque jour, votre vie défile. 

Chaque matin annonce l'arrivée d'un nouveau départ, une cigarette à la bouche j'ouvre ma fenêtre et respire. Je respire l'air si malsain que dégage Paris, notre capitale, cet air vous pénètre tel les odeurs que l'on découvre en lisant Le Parfum.

Je descend les marches, en enfilant mon manteau. L'entrée de l'immeuble est glaciale mais je la traverse si vite que la transition entre mon appartement douillet, et la rue ne me bouleverse pas. 

Je marche alors près de la route, sur les rebords de trottoir. Les cyclistes me frôlent, j'entends les voitures qui rodent tandis que les passants trônent. Je marche derrière eux afin de rester assidus au mouvement commun lorsque l'homme vert nous autorise à traverser. J'accélère un peu, car je ne dois pas être en retard. Après l'heure, ce n'est plus l'heure. 

Alors j'arrive, je m'assois près d'une belle dame. Je les nomme comme cela, ces anciennes beautés froides devenues vieilles, mais qui au cours des années n'ont pas perdu la dignité qu'elles eurent acquis dans leur jeunesse. Elle lit attentivement un article sur le conflit israelo-palestinien. Je m'attarde sur certaines remarques pro-palestiniennes du journaliste qui sans me déranger, m'offense. Je décide vite de me concentrer sur les autres personnalités de la salle. 

Un garçon d'une vingtaine d'année est assis en face de moi. Il ne fait rien, il ne bouge pas, comme s'il était endormi, seulement il a des phases de réveil durant lesquelles il paraît découvrir ce qui l'entoure, cela le rend fou, et il se rendort. A côté de lui, se poste un gamin. Ce dernier semble avoir un problème avec l'accoudoir de sa chaise, et depuis plus d'un bon quart d'heure, s'amuse à déchirer le plastique d'un bleu (atroce) qui recouvre l'accoudoir. La femme à sa droite doit sûrement être sa mère, ou alors sa grande-soeur; elle ne se préoccupe absolument pas des faits et gestes de son fils, ou de son petit frère; mais est totalement accaparée par les milliers de messages qu'elles reçoient à la seconde, et qui à chacune de leurs arrivées émettent un ''bip bip'' avec un décibel si élevé qu'il approche le seuil de la douleur. Il reste un homme assoupi au fond de la salle, qui porte un chapeau, et qui tient sa canne de sa main droite. Après l'avoir observé plusieurs minutes, j'ai remarqué qu'il tapait sa canne contre son tibia très régulièrement, trop même. 

L'homme que nous attendions tous entre enfin dans la pièce, il nous regarde tous en nous saluant poliment puis lorsque son regard s'arrête sur moi, je me lève, prends mon sac et le suit dans son cabinet. C'était un endroit très spacieux. Je m'assois face à lui sans prendre réellement conscience qu'il allait m'annoncer les résultats que j'attends depuis quelques temps. Il pianote sur son clavier, cherche attentivement mon dossier dans ses tiroirs, prends un air grave et me fixe. Un long silence s'installe. Il me questionne sur mon état actuel, les prises de médicaments, les diverses sorties et occupations que j'entretiens avec le monde extérieur, sur mon état moral avant de m'annoncer difficilement que la maladie qui m'atteint ne peux se soigner avec les moyens actuels dont dispose la médecine. Je le remercie, et m'en vais sans broncher. 

La grande porte de bois claque et je me retrouve donc à nouveau dans la rue, avec l'agitation habituelle des grand boulevards parisiens. J'allume une énième cigarette et jette un coup d'oeil à l'horloge qui orne la Gare de Lyon. Il est déjà 16heure, le temps passe si vite, mais pourtant je n'ai pas l'impression d'en profiter comme je pourrais. Je plonge la main dans ma poche et en ressort quelques pièces, trop peu pour me payer un shooter, mais assez pour un simple café. Je m'assois à une terrasse de restaurant et commande. Le serveur m'apporte aimablement ma boisson ainsi que quelques pop-corn en guise de collation.

Je bois en prenant conscience que les heures, les jours, les semaines que je suis en train de vivre sont les dernières; pourtant cela ne me fait pas peur. Des milliers de personnes meurent chaque jour, de faim, de maladie, de vieillesse, ou même encore à cause de la guerre ou des traumatismes terriens, mais alors que suis-je parmis ces milliers d'âmes ? J'ère comme elle entre la vie et la mort.

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