Chapitre 1

nessaa68

Il y a fort longtemps, dans les vastes contrées du Nord, naquirent trois enfants aux destins entremêlés. Aloys, Aliénor et Apolline sauront-ils défendre le monde contre l'Empereur des Ombres?

Apolline s'était écartée du camp depuis une bonne heure déjà. Elle respirait à plein poumon l'air frais du soir. Assise sur une pierre, les yeux fermés, elle écoutait les petits bruits de la forêt. Tout était si calme. Peut-être même trop calme à son goût. Les oiseaux avaient arrêté de chanter, les écureuils s'étaient réfugiés dans les arbres. Apolline fronça les sourcils. Les fleurs devant elle perdaient peu à peu de leur couleur. La jeune fille se leva, inquiète, elle reculait lentement pour rejoindre le campement. De lugubres murmures la stoppèrent nette. Elle avait déjà entendu cette mélodie. Une mélodie à vous faire dresser les poils. Une mélodie qui ne présageait rien de bon. Effrayée, elle se mit à courir en direction des siens quand des hurlements de terreur vinrent déchirer le calme de la forêt. Apolline arrêta sa course folle. Son cœur battait la chamade. Sa poitrine la compressait et elle avait de la difficulté à respirer. Elle avait les yeux exorbités par la peur. Elle pensait ce cauchemar terminé. Au contraire, personne n'y avait mis un terme et aujourd'hui, les monstres responsables de sa tragique enfance refaisaient surface pour s'en prendre à ceux qui l'avaient accueillie les bras ouverts avec son frère. Son frère, Aloys. En pensant à lui, tout son corps fut comme électrisé. Elle se mit à hurler son nom en espérant recevoir une réponse. En espérant qu'il ne soit pas encore trop tard.

Dans cette cacophonie, elle distingua enfin la voix de son frère. Soulagée de l'entendre, elle reprit ses esprits et le héla à nouveau pour le retrouver. Elle se mit à courir dans la direction d'où venait la voix de son frère. Elle continua à l'appeler pour le localiser lorsqu'elle se retrouva au campement.

Apolline se laissa tomber. Genoux à terre, elle contempla ce qui restait de leur campement. Le chaos y régnait, les corps de certains de ses coéquipiers jonchaient le sol, les tentes brûlaient, le silence de la mort chuchotait ses funèbres notes. L'odeur du sang avait remplacé les doux parfums de la forêt. Le vent se mis à hurler assourdissant les cris de rage qu'Apolline lançait. Elle s'époumona encore et encore mais en vain. Son frère ne répondait plus. Elle se mit à la recherche du moindre signe de vie, elle fouilla chaque parcelle à proximité du campement mais n'y trouva pas âme qui vive. Son frère resta introuvable. Les assaillants avaient déserté les lieux et les survivants de la bande de malfrats qui l'avait accueillie étant jeune, avaient sûrement dû prendre la fuite, sans elle. De douces larmes roulèrent sur ses joues rougies par le froid automnal avant de venir s'écraser au sol. Une fine pellicule de neige avait déjà recouvert la terre.

Apolline s'effondra, jamais elle ne s'était retrouvée seule, abandonnée par tous… Désormais, elle ne pouvait plus que compter sur elle-même.

Elle s'éveilla difficilement lorsqu'un rayon de soleil pointa timidement le bout de son nez. Elle avait passé la nuit, entourée de cadavres, couchée à même le sol, à grelotter de froid. Les flocons s'étaient mis à tomber par centaine peu après la tragédie. Ses membres lui faisaient un mal de chien et l'odeur de la mort lui tournait la tête. Son ventre criait famine mais l'idée d'avaler ne serait-ce qu'une miette la rendait mal. Elle se leva lentement et entrepris de faire le tour du campement. Par chance, tout n'avait pas brûlé et elle put récupérer une petite sacoche dans laquelle elle y mit une miche de pain, de l'eau et quelques pièces qu'elle retrouva ici et là, semées dans le chaos de la veille.La jeune fille ne s'attarda pas plus. Aux abords du campement, elle eut un instant d'hésitation et observa une dernière fois les lieux détruits. Elle s'était sentie comme chez elle parmi tous ces brigands, elle s'était sentie en sécurité. Elle versa une dernière larme avant de se retourner et commencer un nouveau périple.

Au fond d'elle, elle était certaine que son frère avait réussi à fuir et qu'il allait bien. Il ne lui restait plus qu'à le retrouver. Il fallait à tout prix qu'elle le retrouve. C'était son dernier pilier dans cette vie cauchemardesque. Sans lui, elle ne savait ce qu'elle deviendrait. Apolline marcha pendant des heures en direction du Sud. Si son frère était effectivement encore en vie, s'il avait pu échapper à ses assaillants tout comme elle, il était forcément parti dans cette direction. Les Grandes Mers du Sud avaient toujours séduit son frère. Etant jeune, il ne cessait d'en parler. Les histoires que lui avaient raconté son père avant qu'il ne perde la vie, l'avait fait rêver des jours entiers. Ces aventures avaient marqué son enfance. Apolline espéra de toute ses forces de le retrouver sain et sauf. Elle passa plusieurs villages, questionnant ses habitants sur son frère, ne s'y attardant jamais. Elle ne fit aucune pause, ni pour manger, ni pour boire, ni pour se reposer. Elle marcha encore et encore, traversa les champs, les forêts, les cours d'eau. N'ayant pas assez d'argent pour se payer une chambre afin d'y passer la nuit, le jour tombé, elle grimpa donc dans un arbre et essaya en vain de s'endormir.

Le froid et l'humidité de cette nuit d'automne l'empêchèrent de fermer l'œil. Elle était frigorifiée et trempée jusqu'à l'os malgré que les flocons aient cessés de tomber. Ses vêtements ne ressemblaient plus à rien. Elle aurait eu peur de se voir dans un miroir. Se retrouvant seule, les souvenirs ressurgirent plus forts qu'auparavant. Elle qui pensait avoir enfin pu enfouir tout son passé au plus profond d'elle, elle devait une nouvelle fois se confronter à la mort, à l'absence et à la solitude. Quand la vie décidera-t-elle de la laisser tranquille ? Quand décidera-t-elle à s'acharner sur quelqu'un d'autre ? Pourquoi ne s'en prend-elle seulement à elle ?

Dès l'aube, Apolline se remis en route mais cette fois-ci, la vitalité lui fit défaut. Elle marcha lentement, fatiguée d'avoir si peu dormi et de plus, elle n'avait rien avalé depuis deux jours. Cinq heures après, une dense forêt s'éleva sur son chemin lui bloquant ainsi le passage. Elle ne pouvait pas faire marche arrière ni contourner cette barrière de végétation, elle était donc obligée de couper par la forêt. Elle devait à présent traverser l'immense Forêt Interdite qu'elle avait tant de fois pu observer du haut des collines. La forêt, vue de si proche, perdait son charme. Elle paraissait beaucoup moins accueillante mais Apolline pris son courage et y entra prudemment. Le silence la reçut dans cet endroit si sombre. Ne se sentant pas à l'abri, entourée de toute cette haute végétation, elle accéléra le pas mais plus elle s'enfonçait dans les bois plus elle avait cette étrange impression de connaitre l'endroit. Elle savait exactement quel chemin emprunter, elle se sentait guidée et rassurée. Apolline avait dû parcourir la moitié du chemin lorsqu'elle eut le sentiment d'être suivie. Elle s'arrêta et entendit une branche craquer sur sa droite. Son souffle s'accéléra, tous ses sens aux aguets, elle s'approcha prudemment d'où le bruit lui était parvenu. Elle n'était pourtant pas folle, derrière les arbustes personne ne s'y cachait alors que l'angoisse du danger ne se dissipait pas en elle. C'est alors qu'elle aperçut, perché sur une haute branche, un homme, bien plus âgé et plus costaud qu'elle, la visant d'une de ces flèches. Plus rapide que le vieil homme, Apolline déguerpis telle une proie face au chasseur, évitant ainsi les flèches qui fusaient de part et d'autre. Elle pouvait entendre le sifflement de l'air lorsqu'une flèche passait à quelques centimètres de sa tête. Elle courait à en perdre haleine, elle sautait par-dessus les troncs coupés, les arbres déracinés, passait entre les branches entrelacées qui lui laissaient des griffures sur le corps, elle tombait mais se relevait aussi vite pour continuer sa course. Ses genoux et ses mains écorchés la brûlaient. Une entaille plus profonde au niveau du front laissait le sang chaud couler sur son visage mais elle ne devait pas s'arrêter, pas maintenant, elle les entendait encore ces pas martelant le sol à sa poursuite. Peut-être vieux mais toujours agile, l'homme continua à la harceler de flèches jusqu'à avoir vidé son carcan. C'est ainsi, qu'Apolline, le souffle coupé, surprise du soudain silence, se retourna pour voir si son attaquant avait abandonné la chasse. Mais, n'ayant pas aperçu la pierre sortant du sol, son pied crocha la pointe et elle s'étala de tout son long. Trop épuisée par cette course folle, elle ne prit pas la peine de se relever et s'endormi à même le sol, les vêtements déchirés et imprégnés de boue et de sang.

Apolline s'éveilla soudainement en pleine nuit, trempée de sueur, sa cheville la faisant horriblement souffrir. S'asseyant doucement, elle s'aperçut qu'elle se trouvait dans une chambre. Effrayée, elle tenta de se lever pour fuir mais impossible de poser son pied tellement c'était douloureux. La douleur, le froid et la faim la rongeaient. Le goût amer du sang ayant coulé dans sa bouche la répugnait au point de lui en donner des nausées. Elle aperçut alors, au seuil de la porte, un homme d'un certain âge.

-          N'ayez crainte, je ne vous ferai aucun mal. Je vous ai découverte, inconsciente, non loin de ma chaumière. Vous étiez blessée et pas loin du coma. Puis-je ? Demanda-t-il en s'avança d'un pas

Apolline eut un mouvement de recul et l'homme s'arrêta pour lui éviter de lui faire plus de peur.

-          Votre cheville est meurtrie. J'aurai voulu appliquer une herbe pour vous éviter de trop souffrir.

Apolline hésita. Elle était obnubilée par les oreilles de cet homme. Elles étaient plus pointues et plus longues que toutes celles qu'elle avait vu auparavant. Le chef de la bande de malfrats dont elle avait fait partie lui avait souvent parlé de ces personnes différentes. Il les appelait « les elfes » d'après lui c'était un peuple pacifiste avec de grands pouvoirs. Se souvenant des récits de son chef, Apolline fut rassurée et elle fit un signe à l'inconnu pour qu'il s'approche. Assis, au bord du lit, il appliqua une couche d'une pate à l'odeur écœurante sur la cheville endolorie d'Apolline. En voyant, la mine dégoutée de la jeune fille, l'homme se mit à rire.

-          C'est vrai que son odeur est répugnante mais vous verrez d'ici quelques jours vous pourrez à nouveau courir telle une biche.

Son hôte laissa un moment de silence puis essaya tout de même de questionner Apolline.

-          Que faisiez-vous seule dans cette parte de la forêt ? Ne vous a-t-on donc jamais enseigné qu'elle était dangereuse ?

Apolline s'accorda enfin le droit de répondre à son sauveur.

-          On m'en avait déjà parlé mais je n'avais d'autres choix. La contourner m'aurait fait perdre un précieux temps. J'étais pourtant certaine d'être protégée. J'avais l'impression que l'on guidait mes pas, que rien ne pourrait m'arriver. C'est comme si je n'étais plus vraiment maitre de moi-même.

Le vieil homme se gratta le menton fourni d'une longue barbe grisonnante.

-          Étrange… Quoi qu'il en soit, vous pourrez rester ici autant de temps que vous le voudrez. Ma maison est la vôtre. Mais je ne vous laisserai pas repartir tant que vous ne serez pas totalement remise. Je vous apporte à manger et à boire. Vous en avez bien besoin !

Apolline pu enfin se désaltérer et manger à sa faim. Après avoir mangé plus que ce qu'elle ne pouvait, elle fit, tant bien que mal, un détour à la salle de bain. Elle était dans un piteux état, méconnaissable. Le sang sec, la boue, ses vêtements en lambeaux, elle ne ressemblait plus à la fille qui avait quitté le campement, il y a maintenant trois jours. L'elfe fit irruption dans la salle, portant dans ses bras une tunique d'un bleu nuit et la déposa sur le meuble face à Apolline.

-          C'est tout ce qu'il me reste pour une jeune femme. J'irai chercher d'autres vêtements au village. Prenez tout le temps dont vous avez besoin.

Apolline se retrouva seule devant le miroir, contemplant son corps meurtri. Elle resta de longues minutes sous l'eau chaude, enlevant toute la crasse collée à sa chair et profitant de cet instant de calme. Enveloppée d'une simple serviette, l'adolescente admira la tenue que l'elfe lui avait déposée. Fabriquée dans un tissu étincelant et doux au touché, la toge qui tombait jusqu'aux chevilles d'Apolline lui allait à ravir. De plus, elle était si légère à porter que la jeune fille n'avait aucune peine à se mouvoir. Sortant de la salle de bain et ne trouvant pas l'elfe, Apolline fis le tour de la maisonnée et le trouva au fond du jardin. L'ayant entendue arriver, l'elfe se tourna vers l'adolescente. Il pouvait entrevoir le fond de son âme rendue si fragile par tant de pertes. Il croisa le regard froid et vide de l'adolescente, d'un bleu qu'il n'avait jamais vu depuis qu'il était sur terre. Apolline avait laissé tomber en cascade ses cheveux noirs lui arrivant au niveau des épaules, recouvrant ainsi une part de sa frimousse juvénile.

-          J'imagine que tu dois avoir d'innombrables questions à me poser. Mais avant tu devrai aller te reposer afin de reprendre un peu de force.

Apolline ne discuta pas les recommandations de son aîné. Elle était effectivement exténuée par les derniers jours passés. Elle entra donc dans la maison, se coucha et s'endormi paisiblement, heureuse d'avoir enfin droit à un peu de confort.

Plusieurs mois s'écoulèrent, durant lesquels la jeune fille se rétablit mais ne prit jamais la décision de repartir. Elle avait été effrayée par ces quelques jours de mésaventures et se sentait en sécurité aux côtés du peuple elfique qu'elle avait apprit à connaitre petit à petit. Maitre Hawkes, l'elfe qui l'avait recueillie, s'était mis alors à combler la curiosité d'Apolline.

Ainsi, le printemps avait pointé le bout de son nez avec entrain et Apolline profitait de se prélasser sous les rayons du soleil qui caressaient son visage juvénile. Couchée sur l'herbe douce, les yeux fermés, elle écoutait le chant des oiseaux, le bourdonnement des abeilles, le clapotis de l'eau qui lui parvenaient de la rivière Dwe qui s'enfonçait plus loin dans le bosquet. Celui-ci l'isolait du reste du village. La petite maison en bois dans laquelle elle habitait avait été construite au milieu de la forêt dans cet espace de prairie qui laissait voir le ciel dégagé. Le léger vent qui s'insinuait entre les feuilles si vertes des arbres et qui chantait sa douce mélodie d'été faisait tressaillir l'adolescente de joie. Le murmure de la rivière traversant toute cette végétation donnait à la scène une plénitude invraisemblable. Apolline respirait à plein poumon l'air frais emplis du délicat parfum des fleurs aux multiples couleurs poussant dans la prairie. Le sourire aux lèvres, elle laissait son être tout entier s'abandonner aux plaisirs de cette si belle saison. Les souvenirs de son village natal lui revenaient en mémoire. Elle se souvenait du soleil qui réchauffait sa peau lorsque, étant enfant, elle passait de longues heures étendue dans les champs de fleur. Elle se souvenait du vent qui faisait danser les arbres du petit bosquet où elle aimait se cacher et de la pluie qui ruisselait le long de ses joues lorsqu'elle refusait de rentrer à la maison. Elle se souvenait des yeux brillants de son frère, de ses sourires, de son rire, de sa voix.

Le grincement d'une porte que l'on ouvre vint stopper sa rêverie. Elle s'assit alors et observa le vieil homme s'approcher lentement d'elle. Maitre Hawkes l'avait sauvée et depuis lors, elle avait eu la permission de rester à ses côtés. La jeune fille l'aidait dans les différentes tâches de la maisonnée. Un jour, par pur hasard, le vieil homme se rendit compte qu'Apolline avait en elle des facultés magiques. Peu d'humain en ont. Seuls les descendants de mages sont dotés de pouvoirs. Pourtant, Apolline n'avait jamais entendu qu'elle était de parenté avec l'un d'eux. La jeune fille ne se questionna pas plus. Elle était heureuse d'être différente. Elle n'avait qu'une hâte : apprendre à utiliser la magie qui coulait en elle. Le sage se questionnait beaucoup par rapport à ce sang magique qui coulait en elle mais il ne voulait pas angoisser la jeune fille. Il fit donc d'innombrables recherches sans lui en faire part mais s'arda aussi de patience pour inculquer les bases de la magie à cette jeune fille pleine d'envie. Petit à petit, il lui apprit à maitriser les éléments de notre planète tels que le feu, l'eau, la terre et le vent. Il lui apprenait à maitriser différentes langues, à savoir les écrire et les lire. L'adolescente avait trouvé en ce veuf une oreille bien attentive à qui elle pouvait tout raconter et qui trouvait toujours réponse à ses questions.

Maitre Hawkes était un homme bien grand par sa taille mais aussi par son intelligence. Le vieux sage s'était éloigné de son peuple elfique lorsqu'il perdit sa bien-aimée. Avec sa silhouette svelte, élancée et se tenant toujours droit, l'homme gardait son charme d'autrefois même s'il se faisait grisonnant. Seul son visage ovale et ridé laissait apercevoir les années de douleurs auxquelles il avait été confronté. Maitre Hawkes avait toujours cette expression de sévérité sur son visage et pourtant, lorsque vous appreniez à le connaitre, il pouvait se montrer fort aimable, avenant et soucieux pour les gens qui l'entouraient. Vous pouviez même entrevoir ses lèvres se fendre en un sourire si vous l'observiez bien. Certes, il restait autoritaire dans sa manière d'apprendre car il ne voulait surtout pas que la jeune fille en oublie les dangers du monde dans lequel ils vivaient.

Cela faisait maintenant six mois qu'Apolline n'avait pas revu son frère. Six mois pendant lesquelles, elle avait grandi. Les évènements l'avaient mise à terre, lui avaient fait perdre la tête mais elle s'était toujours relevée, plus forte qu'avant. Elle en avait appris de par ses erreurs, elle avait acquis une plus grande force, une plus grande maturité. La jeune fille avait repris goût à la vie depuis qu'elle côtoyait ce sage. Celui-ci avait réussi à la guérir de ses blessures laissées par sa courte vie. Elle avait appris à aimer les choses qui l'entouraient, à s'ouvrir à elles et à être heureuse avec ce qu'elle avait. Même si elle restait toujours la jeune fille à se questionner sans cesse.

-          Maitre Hawkes ? murmura la jeune fille, les yeux perdus dans le vide.

-          Oui ? répondit celui-ci en s'asseyant à ses côtés

-          Vous êtes-vous déjà demandé à quoi sert notre passage sur ce monde ? Si une vie peut réellement avoir un effet sur celui-ci ? Et si les choix que nous faisons chaque jour comptent vraiment ? Et si les choses que nous faisons ont une quelconque importance ? le questionna-t-elle dans un souffle

Le vieil homme sourit en écoutant sa protégée se questionner et lui répondit d'une douce voix :

-          Moi je crois que oui et je crois qu'un seul homme peut changer la vie de beaucoup d'autres pour le meilleur ou pour le pire. Chaque personne laisse une trace sur ce monde même aussi minime soit-elle, elle aura toujours de l'importance pour quelqu'un.

Le silence s'installa entre les deux personnes mais Apolline reprit alors son interrogatoire :

-          Et dites Maitre Hawkes, y a-t-il une façon de vaincre la mort ?

-          Ma chère Apolline, tu pourras te battre contre bien des ennemis, lutter contre les plus grands malheurs, vaincre toutes tes peurs… mais il y a bien une chose face à laquelle tu es et resteras éternellement impuissante, c'est bien face à la mort. Elle frappe ceux qui te sont chers sans que tu puisses y faire la moindre des choses puis un jour elle viendra pour t'emmener à ton tour et ce jour-là tu n'y pourras rien. C'est la vie, c'est ainsi, chacun à un temps déterminé sur ce monde et quand vient l'heure tu ne peux y échapper.

L'adolescente soupira :

-          De toute manière, tout ce que j'ai entrepris jusqu'ici ne m'a guère aidée… je voudrai juste me poser, profiter de chaque seconde que la vie m'offre et attendre ma fin…

-          Non Apolline, quand tu t'engages dans une chose, tu dois t'engager pour la finir et non pas pour abandonner dès le premier obstacle. Ne recule jamais et sois fière de toi ! Regarde toujours droit devant toi et ne lâche pas. Certes, ça pourra être dur de temps en temps mais non impossible.

-          Tout est possible et rien n'est impossible… murmura la jeune fille en se souvenant des paroles de son frère.

-          Je vais devoir m'absenter quelques jours…

-          Vous absenter ? Mais, je ne vous ai jamais vu quitter votre terrain depuis que je suis ici ! Qu'allez-vous faire ?

-          Je ne peux t'en parler Apolline.

-          Que me cachez-vous Maitre Hawkes ?

-          Même les plus sages en ce monde ont leurs secrets, Apolline…

Le vieil homme ne laissa pas le temps à l'adolescente de lui répondre, il se leva et marcha d'un pas décidé en direction de la chaumière avec l'intention de préparer son périple. Il savait pertinemment qu'il ne reviendrait pas de si tôt dans ce lieu qu'il chérissait tant. Mais le moment était arrivé et Apolline se débrouillerait sans lui, il lui avait appris tout ce qu'il savait, il ne pouvait rien de plus pour cette enfant que la vie n'avait pas épargnée.

En effet, au petit matin, Apolline ne trouva pas le sage homme assis dans son fauteuil comme à son habitude. Elle fit le tour de la maisonnée, cria son nom dans toute la forêt, laissa ses sens la porter mais rien. Silence. Maitre Hawkes avait dû prendre la route durant la nuit, il était ainsi beaucoup trop loin pour qu'elle ne puisse retrouver ses traces.

Les jours passèrent, puis les semaines puis les mois s'écoulèrent sans nouvelles de l'homme qui lui avait tout appris. Apolline ne savait plus quoi penser, parfois elle se disait qu'il ne reviendrait jamais et pourtant elle s'entêtait à garder espoir de le revoir paraitre…

Elle continua à entretenir ce petit coin de paradis où elle se sentait en sécurité. La jeune fille allait rarement au village. Elle préférait rester seule entourée de la nature.

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