Chapitre 2

nessaa68

Un jour qu'Apolline chassait près de la rivière, un bruit de ferraille à la lisière du bois attira son attention. Curieuse, elle s'avança lentement pour observer la scène qui se déroulait, d'étranges créatures se battaient férocement. Soudain, une dague effleura de quelques millimètres son visage alors elle bondit derrière un rocher pour se cacher. Lorsqu'elle s'avisa à jeter à nouveau un coup d'œil et analysa le champ de bataille, son regard se posa sur une charrette qui paraissait très importante. Elle savait que voler était malhonnête mais la situation était trop tentante. Toujours cachée, elle abattit d'une flèche le premier homme qui surveillait le trésor. Ensuite elle concentra son attention sur l'homme qui paraissait être le chef du groupe. Sure de son coup, elle lâcha la corde de son arc. La flèche s'enfonça dans la chair et ne fit que provoquer une plus grande colère chez sa victime. Elle n'en revenait pas que cet homme tienne encore debout après le coup qu'elle venait de lui infliger. Furieux, le chef ordonna à ses hommes de retrouver le coupable. La peur l'envahit, s'ils la trouvaient et ils allaient bien finir par la retrouver, elle n'aurait aucune chance de survivre. C'est alors qu'elle le vit saisir la flèche, la retirer d'un coup sec de son corps et que la plaie béante se referma. Ebahit, l'adolescente ne comprenait pas ce qu'elle venait de voir, jamais elle n'avait observé pareil phénomène. Mais Apolline ne put en voir davantage. Deux mains vinrent agripper son cou et la projetèrent dans le décor avec une grande facilité. La douleur fut telle qu'elle ne put se relever. Elle attendait la fin de son supplice mais rien ne venait. Le silence s'était imposé alors elle se risqua à relever la tête pour comprendre ce qui se passait. Son regard bleu croisa celui de sa victime qui ne la lâchait plus des yeux. Apolline cru reconnaitre ce regard bienveillant qu'elle avait maintes fois fixé pour trouver réconfort. C'est lorsque dans un murmure il prononça son nom qu'un peu de doute s'envola. Alors tremblante, l'adolescente avança sa main vers le visage recouvert et retira le masque qui cachait une large cicatrice datant de leurs années passées à voler. C'était bien là la preuve que l'être qui lui manquait tant se tenait aujourd'hui face à elle. Sous le choc, aucun son ne sorti de la bouche de la jeune fille. Le frère et la sœur restèrent ainsi pendant plusieurs minutes à s'observer. Aloys attendait, impuissant, que quelque chose se produise, que sa sœur fasse un pas vers lui, qu'elle se jette à son cou, que tout redevienne comme avant… Mais elle n'en fit rien, il avait l'impression d'être un étranger à ses yeux. La tristesse l'envahit et il fut pris d'une grande culpabilité. Le visage de sa jeune sœur n'avait plus les traits de la jeune fille fragile qu'il avait laissé il y a plusieurs années. Il était différent, marqué par les épreuves qu'elle avait dû endurer seule. Ses yeux bleus recelaient un profond chagrin. Il aurait voulu lui dire que tout irait bien à partir de maintenant, qu'il avait commis une erreur mais que tout allait s'arranger, qu'ils ne se sépareraient plus. Mais il savait que si sa sœur était dans cet état, c'était de par sa faute et que quoi qu'il dise, rien ne pourra changer ce qu'il lui avait fait subir. C'est pour cela qu'il préféra rester silencieux.

L'apparition de deux elfes au visage recouvert d'une capuche interrompit sa réflexion. Un silence pesant s'installa. Les ennemis se dévisagèrent puis l'un des elfes s'adressa à Apolline :

-          Il faut partir ! Les elfes noirs nous attaquent ! Tu dois te rendre au monastère. Là-bas, tu seras en sécurité.

Le deuxième elfe s'adressa aux guerriers étrangers :

-          Lâchez-là et allez-vous en tant qu'il en est encore temps !

Aloys ne discuta pas les ordres de l'elfe. Il lâcha le bras de sa jeune sœur et se releva. Il n'eut pas le temps de faire signe à ses guerriers de le suivre qu'Apolline pris la poudre d'escampette en direction de la clairière. Les deux elfes lui hurlèrent de revenir pour aller se mettre à l'abris mais elle n'écouta rien. Ils se mirent à la poursuivre mais ne purent la rattraper car deux elfes noirs entravèrent leur passage.

Lorsqu'Apolline arriva dans la clairière, une partie de la forêt était en feu et les flammes commençaient à lécher le cabanon. Elle y entra tout de même et se dirigea dans la chambre, elle récupéra ses affaires et puis enfila dans son sac un peu de nourriture qu'elle trouva dans les placards. Elle entendit le bruit de lames s'entrechoquant. Les ennemis s'approchaient du lieu alors elle se dépêcha de sortir et fila comme une flèche sans jamais revenir sur ses pas. Elle traversa la clairière et s'engouffra dans la forêt.

Pendant sa course, les visages de chaque personne qu'elle avait connue lui revinrent en mémoire, comme un film que l'on fait défiler à vive allure. Celles qui étaient mortes, celles qui avaient disparues sans laisser de traces, celles qu'elle avait laissé partir sans tenter de les retenir, celles qu'elle avait fui et essayé d'oublier pour son bien, pour leur bien. Aujourd'hui encore, un chapitre de sa vie prenait fin et elle ne savait ou ses pas la mèneraient. Les paroles de son père d'adoption retentirent en elle : Personne ne sait de quoi sera fait demain alors prend la vie comme elle vient mon ange. Ainsi l'adolescente, pensa à son frère et aux années de cavales qu'ils avaient endurées. Il avait pris soin d'elle à chaque instant, l'avait protégée des dangers, ne mangeait pas pour lui laisser le peu de nourriture qu'ils avaient obtenus. Depuis qu'elle l'avait perdu, elle allait mal, elle le savait. Tout lui manquait chez lui, son sourire, son rire, sa voix réconfortante. Mais le revoir ainsi fut un choc. Elle aurait aimé rester à ses côtés mais elle avait dû faire un choix. Le peuple elfique lui avait ouvert les bras lorsqu'elle n'avait plus rien. Aujourd'hui, elle était la seule à pouvoir les aider. Si le destin voulait qu'elle retrouve son frère alors cela se ferait au bon moment. Mais aujourd'hui, il y avait plus urgent.

Elle avait déjà perdu assez de personnes auxquelles elle y tenait. Pour rien au monde elle ne voudrait que le peuple elfique soit exterminé. Ce peuple avait éveillé sa curiosité depuis son arrivée. Aux premiers abords, leur beauté l'avait époustouflée puis la sagesse qui en émanait la stupéfiait. Ce peuple est la source de tout savoir. Les elfes vivent en harmonie avec la nature et ne cherchent sous aucun prétexte les ennuis. Ils sont complètement à l'opposé de sa première famille d'adoption ou elle avait appris à mentir, à tricher, à voler et à se battre. Non, les elfes sont intelligents et rusés. Ils sont forts et habiles. Malgré tout ils ont tout de même leur petit caractère mais en apprenant à bien les connaitre vous finissez par vous y attacher. Apolline avait fait d'eux sa deuxième famille d'adoption. Et ils étaient fiers de pouvoir la compter parmi eux. Il est pourtant rare de voir elfes et humains s'entendre à merveille. Mais Apolline avait été une bonne élève. Toujours à l'écoute, toujours à mettre en pratique les conseils de son Maitre, toujours curieuse et si aimable. Les elfes avaient été touché par son histoire. Après toutes les tragédies qu'elle avait vécues, elle gardait espoir, elle gardait le sourire.

La nuit tombée, Apolline se posa près d'une clairière et leva les yeux. Elle scruta le ciel et les étoiles lui rendirent son regard, indifférentes, gardiennes d'un autre monde. L'adolescente aimait se dire que là-haut, cachés quelque part parmi ces plus beaux astres, ses parents veillaient sur elle, fiers de ce qu'elle devenait jour après jour. Le son d'une douce mélodie lui revint alors en mémoire, le son d'une douce berceuse habillée de la voix de sa mère. Ainsi, Apolline s'endormi paisiblement.

Entre temps, Aloys remit en route sa petite troupe sans discuter les ordres des elfes. Il resta silencieux durant tout le voyage, la mine attristée. Sa femme, sur ses talons, décida de lui laisser un peu de temps avant de le questionner sur son étrange comportement. A la frontière du pays, Aloys arrêta ses guerriers pour y établir leur campement pour la nuit. Ses hommes commençaient à se questionner au sujet de leur chef. Ils ne le reconnaissaient pas. Il semblait ailleurs, perdu dans ses pensées, sans enthousiasme. Il restait en retrait et parlait peu. D'habitude, il partageait avec eux un bon verre de cidre autour du feu et ils riaient à s'en décrocher la mâchoire jusqu'à ce qu'il fût temps de se coucher pour reprendre des forces. Lorsque le campement fut prêt, Aloys s'éloigna du groupe. Il s'assit sur une grosse pierre et fixa l'horizon.

Sa femme, Amayelle, mi-elfe de 1122 ans, s'approcha de celui-ci. Depuis qu'il s'était retrouvé face à cette jeune fille, rencontrée dans la forêt, elle trouvait son mari changé. Elle savait qu'il lui cachait quelque chose, mais quoi ? Depuis leur rencontre, elle en connaissait peu sur lui, il ne s'était jamais vraiment révélé au grand jour alors que lui savait tout de sa vie passée. Allait-il enfin se dévoiler et lui expliquer la raison de son laissé-allé ? La mi-elfe s'assit à côté de son époux et attendit, silencieuse, qu'il se décide à prendre la parole. Le silence se prolongeant, elle tenta de le faire parler.

-          Aimerais-tu me raconter ce qui est arrivé là-bas ? Ce n'est pas dans tes habitudes de fuir ainsi face à un ordre… Tes guerriers se posent des questions et je m'inquiète pour toi. Tu n'as pas sorti un mot depuis notre départ. Je t'en prie Aloys dit moi quelque chose !

-          Ne t'en fais pas. Ça va aller. J'ai juste besoin d'être un moment seul.

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