La médaille

My Martin

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Aloïs Estermann, né à Gunzwil (Suisse, canton de Lucerne), le 29 octobre 1954 

Catholique pratiquant. Thèse de théologie  

 

Officier de l´armée suisse 

 

1er juillet 1980 (26 ans). Il entre au service du Vatican. Servir le pape est un honneur 

 

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A partir du XVe siècle, les mercenaires suisses servent de garde rapprochée et protocolaire, dans différentes cours européennes  

 

22 janvier 1506. La Garde suisse pontificale est créée sur l'ordre du pape Jules II (1503 à 1513. Au temps de Michel-Ange) ; cette force militaire est chargée de veiller à la sécurité du pape et du Vatican 

135 gardes. Tous citoyens suisses masculins catholiques, devant mesurer au minimum 1 mètre 74. Au recrutement, célibataires. Âgés entre 19 et 30 ans 

 

 

13 mai 1981. Vatican, place Saint-Pierre au Vatican  

Militant de l'extrême-droite turque ("les Loups gris"), Mehmet Ali Agca (22 ans. Né en 1959) attente à la vie de pape Jean-Paul II  

Il ouvre le feu, à trois mètres du pape. Tireur d'élite, il a l'ordre de le blesser, pas de le tuer ?  

 

Pour faire obstacle de son corps et le protéger, Aloïs Estermann se jette sur le Saint-Père  

Le pape (61 ans) est touché par deux fois ; il perd beaucoup de sang 

 

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Ali Agca (30 ans de prison, près d'Ankara. Libéré le 18 janvier 2010) a un complice qui a réussi à s'échapper, Oral Celik 

Qui a intérêt à faire disparaître le pape polonais, élu en 1978 ? L'ordre vient de Moscou ?  

L'URSS a tout à craindre de ce pape, venu de l'Est. Il risque d'enfoncer un coin anticommuniste dans l'Empire soviétique ; particulièrement dans sa patrie, la Pologne 

 

 

12 février 1998. Cédric Tornay (né en 1975, dans le Valais), jeune garde depuis deux ans. Vice-caporal (aspirant) 

Permission, rentrée tardive. Réprimande par le commandant Estermann  

 

 

Lundi 4 mai 1998 

En poste depuis 1980, vice-commandant depuis 1989, le Lucernois Aloïs Estermann est nommé 31e commandant de la garde rapprochée du Saint-Père 

 

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Le commandant Estermann refuse de décerner à Cédric Tornay, la médaille du mérite -Bene Merenti. Accordé aux gardes, après leurs deux premières années de service au Vatican. Harcèlement ?  

 

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Cédric Tornay téléphone à sa mère, Muguette Baudat. Tonique, positif, optimiste ; il va bien 

 

Ses proches confirment ; Cédric va bien 

 

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Une lettre, pour sa mère 

"La seule chose que je voulais ils me l'ont refusée" 

"J'espère que tu me pardonneras car ce que j'ai fait, ce sont eux qui m'ont poussé" 

 

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Vingt-et-une heures 

Dans l'appartement du pape, la lumière est allumée. Jean-Paul II (78 ans) veille 

 

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La caserne de la Garde suisse 

Deuxième étage. Le vaste appartement de fonction (huit pièces) du commandant Estermann et de son épouse, Gladys Mezza -Vénézuélienne, elle occupe un poste à Rome, dans les services consulaires de son pays 

 

Le commandant Estermann, au téléphone ; un ami suisse le félicite pour sa promotion 

 

Le commandant raccroche. Il s'apprête à sortir avec Gladys, rejoindre des amis, pour dîner à l'Hôtel Columbus  

 

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Cédric Tornay fait irruption  

Pistolet SIG P220 (P75) calibre 9 -l'arme de service du garde 

 

Il tire sur Aloïs Estermann. Deux balles  

 

Il abat Gladys Mezza. Une balle 

 

Il s'écarte. Il se tire une balle dans la bouche 

 

 

Derrière la porte Sainte-Anne, un bâtiment jouxte la caserne de la Garde suisse 

Une religieuse entend cinq (quatre ?) claquements secs  

 

Elle accourt vers l'appartement du commandant. La porte est ouverte. Odeur de poudre 

 

Les autorités vaticanes sont alertées  

 

La scène de crime est piétinée sans précaution 

 

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Le procureur de Rome, les carabiniers, ne sont pas informés 

 

Le juge d'instruction du Tribunal du Vatican, Gianluigi Marrone, supervise l'enquête, confiée à la gendarmerie du Vatican 

"Il n'existe pas d'éléments qui permettent de demander l'aide judiciaire de l'Italie"  

 

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Les autopsies sont pratiquées à la morgue du Vatican 

 

Trois heures après le drame, le porte-parole Joaquín Navarro-Valls communique la version officielle aux médias 

 

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6 février 1999. La justice vaticane conclut son enquête 

 

Le vice-caporal Cédric Tornay en veut à son supérieur, qui lui a refusé une décoration. Il agit sous le coup de la frustration. Double meurtre et suicide 

 

 

Pour expliquer le geste du jeune garde, de nombreux mobiles sont avancés  

La rancœur, à la suite d'une médaille non obtenue 

La prétendue homosexualité 

La drogue -en raison de la découverte de cannabis, dans la chambre de Cédric Tornay  

Un kyste au cerveau, qui aurait altéré son comportement 

 

 

Février 2001. Strict anonymat. Un prélat fait état de sa conviction. Cédric Tornay a été tué au Vatican. Un jeune séminariste et diacre, Yvon Bertorello, « conserve les preuves de ce meurtre, dans une serviette » 

 

Lors de ses voyages, Yvon Bertorello (né en 1963) fait partie de l'entourage du pape 

Il est influent ; il fait ouvrir la banque du Vatican à la mère de Cédric Tornay, afin qu'elle procède à un retrait d'argent 

 

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Yvon Bertorello est journaliste, réalisateur de documentaires, scénariste de bandes dessinées. Son champ d'intervention est généralement centré autour des questions de religion ; il est considéré comme un spécialiste du Vatican 

Sur l'affaire, il laisse planer le doute  

 

 

La mère de Cédric Tornay, Muguette Baudat, ne fait pas incinérer le corps de son fils ; il est confié à un collège de médecins légistes, avec à leur tête le Dr Thomas Krompecher, professeur à l'Institut universitaire de médecine légale, à Lausanne 

Leurs conclusions sont différentes du résumé de l'autopsie des médecins du Vatican -"Cédric Tornay s'est agenouillé, la tête penchée en avant. L'arme dans la bouche, il s'est donné la mort"  

 

L'emplacement où la balle s'est logée, ne correspond pas 

 

 

Au Vatican, Muguette Baudat a accès à certaines pièces du dossier  

"On m'autorise à lire des pages  

qui sont écrites en italien, qui n'est pas ma langue maternelle,  

que je ne peux copier,  

avec quelqu'un qui tourne les pages, puisque je n'ai pas le droit de les toucher" 

 

L'avocate de la famille, Laura Sgrò -aussi en charge du dossier de la disparition inexpliquée d'Emanuela Orlandi (15 ans). Vivant dans la cité du Vatican, le jeudi 23 juin 1983  

 

"Selon les informations dont nous disposons, les conclusions des deux rapports d'autopsie, ne coïncident pas. Il n'y a pas eu d'analyse balistique, ce qui est absolument fondamental, dans une affaire où il y a eu trois morts" 

 

 

11 avril 2002. Les avocats de Muguette Baudat demandent au Vatican, la réouverture de l'enquête 

 

Le commandant des Gardes suisses, Aloïs Estermann, était-il la personne visée dans ce triple homicide ? 

 

Muguette Baudat. « Je suis absolument certaine qu'il s'agit d'un meurtre ; Cédric a été utilisé. Je demande aujourd'hui simplement au Vatican, de rendre publique l'intégralité de l'autopsie »  

 

18 mai 2002. Le Vatican refuse de rouvrir l'enquête 

 

 

Novembre 2008. Muguette Baudat saisit la justice suisse. Elle porte plainte pour meurtre 

 

Le Parquet genevois classe l'affaire 


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