La médaille en chocolat
myrnadelougat
17 ans, ma première dissertation de philo. Ou l'optimisme à l'état pur.
Le bonheur n'est-il qu'une chimère?
Alors là mon vieux tu me poses une colle.
Okay.Doxa puis problématique.
Problémo à la noix: Déja, qu'est-ce que le bonheur?
Nan mais c'est vrai quoi? Toujours la même rengaine!
Tu veux faire quoi dans la vie? "Gnéééé être heureux."
Qu'est-ce que tu souhaites le plus au monde? "Ben j'sais pas...le bonheur Ducon."
Ok ok ok ca va on a compris. On est obnubilé par ca, dès tout petit on nous formate l'esprit: Tu voudras être heureux, tu seras heureux, think happiness, eat happiness, wear happiness, fuck happiness! M'enfin c'est plutôt coton d'atteindre quelque chose dont on ignore l'aspect, la finalité, ne serait-ce que la saveur...
Petite, je croyais qu'il me suffirait pour ca de passer un bac princesse avec mention, genre top-fastoche, et d'épouser mon père. Normal. Vous ajoutiez à ca une trousse de maquillage rien qu'à moi, et c'était l'euphorie totale.
Je ne me posais même pas la question de savoir si j'étais heureuse, certainement parce que dans mon petit ciboulot dont le périmètre devait égaler celui d'un cochonnet, j'étais assurément heureuse. Parce que c'était comme ca, parce que je me devais de l'être. Candide. "Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes".
Bon, excepté quand mon frère barbouillait mon oreiller avec du dissolvant, là j'étais quand même un peu vener.
Enfin, revenons-en à nos dindons. Va demander à une bande d'individus douteux en-phase-terminale-d'âge-i
ngrat-mais-pas-encore-adul
tes (des pré-adultes, c'est comme ca qu'on appelle ce genre de bestiaux. On retrouve le "pré-quelque chose" qui annonce les emmerdes à venir, l'acné sévère en moins certes.), donc va demander à une bande de jeunes cancres encore tous pleins d'illusions sur la vie si le bonheur, cet espèce d'idéal qu'on les somme d'atteindre depuis qu'ils sont mioches - Oui ben oui Gontrand, papa passe ses journées enfermé entre une photocopieuse et un PC, à boire du café tiède coupé à l'eau et à baiser sa secrétaire à ses heures perdues pour ensuite pouvoir payer, avec son salaire de misère, sa caisse pourrie et ta PSP.Oui Gontrand, papa est heureux, surtout depuis que nous faisons chambre à part.- si le Bonheur donc ne serait pas, par hasard, uniquement une grosse arnaque, pire que la médaille en chocolat, la carotte que l'âne ne croquera jamais: "Est ce que je le mérite? Et si j'étais maudit? Peut-être que j'en demande trop...Bon dans le doute, je vais me faire ermite.", ne serait-il pas uniquement un leurre, pur produit de l'imagination, une sorte de mirage.
Et si ce putain de bonheur était tout simplement inaccessible, illusoire, si il n'existait tout simplement pas réellement?
Youplaboum, le suspence est à son comble, le doute te prend au ventre...Rien ne va plus.
Bon alors d'après Monsieur et Madame tout le monde, le bonheur ca serait la réalisation de tous tes désirs quels qu'ils soient. Et, si possible, l'évitement de l'échec. Rien que ca. Okaaaaaaaaayyyy.
Et c'est pas tes potos les philosophes qui semblent pouvoir t'aider.
Bon alors d'un côté on a Stendhal, mignonnet quoi qu'un poil fleur bleue, qui nous dit que "L'Amour est une promesse de bonheur." Easy!
Selon le mythe d'Aristophane dans le Banquet (oui oui comme la chanson de Bloc Party), on s'est fait carotte notre moitié par Zeus parce qu'on a pas été cool avec les dieux (toujours les mêmes...) Ouais, un truc du genre au départ l'homme était une boule avec quatre jambes, quatre bras, deux sexes, deux têtes et tout le toutim...Pas de bol, il gonflait tout le monde là haut alors pouf, coupé en deux.
Et depuis, c'est qui qui se retrouve tout con à rechercher sa "moitié"? Ben ouais.
Platon corrige en nous disant que le bonheur serait la fertilité de l'âme causée par l'Amour en plus de l'accouplement qui mène à la reproduction (à prononcer d'une traite), parce que tout un chacun le sait l'homme recherche l'immortalité (ouais ca aussi on la lui a supprimée. Vilain vilain vilain Garcon!), et l'homme amoureux est incroyablement inspiré. Mouais.
Alors ca serait ca, le bonheur? Retrouver une unité perdue en se scotchant la face à son voisin?
D'autre part, t'as les théologiens qui te jurent que le bonheur passe par la béatitude. J'explique: selon eux, tu te sens vraiment plus quand tu obtiens le Ô combien grand privilège de mater le créateur dans toute sa splendeur. Roh le mec eh!
Et ça se mérite! En se privant de tous les plaisirs de la vie, en étant indifférent à toutes les séductions du monde, bref ca s'appelle le renoncement à soi, et donc sous prétexte que l'autre accepte de se faire mirer sous toutes les coutures uniquement sur carton d'invitation "Okay, vous avez assez souffert comme ca, votre vie était vraiment pathétique, bienvenue chez nous!", tu te prives de tout ce qui pourrait te procurer un chouilla de plaisir pour un type dont tu ne peux être totalement sûr qu'il existe vraiment. C'est un concept.
Epicure quant à lui, est moins radical. Bonne patte, il nous a fait un joli petit classement des désirs histoire qu'on sache lesquels valent la peine d'être réalisés. Ciiiiiimer
Bon après on a tout un speech sur l'amour de la sagesse, blablabla, l'homme conscient de ce qui l'entoure est plus apte à aimer la Nature (et Dieu...eh oui toujours lui), et donc à être heureux, forcément, et eux ils appellent ca "la compréhension rationnelle de la nécessité de ce qui est". TUTAFAI.
Et puis ensuite Aristote vient rebrouiller les pistes en nous disant qu'en fait le bonheur est moins le but que l'effet de notre activité.
Et apparemment il faut croire qu'on éprouve du bonheur à rêver et à désirer. Chez moi on appelle ça la F R U S T R A T I O N.
Il se défend en disant qu'en obtenant ce qu'on veut, on s'en lasse.
Et alors? Il faut tout recommencer?
De plus, l'étymologie du mot "Bonheur" suggère l'idée qu'il ne dépend pas tout à fait de nous: Bonne rencontre, bonne occcurrence, bonne chance... Va falloir se mettre d'accord là les gars: Attendre son coup de chance les yeux fermés la bouche ouverte, ou s'adonner à un trekking mains et pieds nus jusqu'à Saint Jacques de Compostelle?
Vous êtes perdus? Moi aussi.
En conclusion, pour être heureux...Renoncez au bonheur.